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Grizzly Bear : « La musique peut être appréciée pour des raisons différentes de sa qualité »

Dans la shortlist des groupes d’indie pop à avoir touché du bout du doigt le grand public, Grizzly Bear a attaqué les beaux jours de 2017 avec un cinquième album studio, « Painted Ruins » qui sort bientôt. Connus comme les groupies N°1 de Bernie Sanders, les gars originaires de Brooklyn nous ont parlé de leurs fans (qu’ils aiment dans leur totalité, mais pas forcément dans leur individualité), de la pop comme un objet (pas que) commercial, de trafic aérien ou encore du premier mariage de la mère du chanteur. Pourtant, on avait dit pas les mamans.

J’ai rencontré des gens qui ont commencé à vous connaître avec votre morceau « Foreground » parce qu’il est passé dans la série anglaise à succès Skins. Ça vous colle pas trop à la peau ?

Edward Droste (chant, guitare, omnichord, claviers) : Ah ouais ? J’aurais dit « Two Weeks » qui est passé dans How I Met Your Mother.

Chris Taylor (basse, chœurs) : À vrai dire, personne n’a jamais fait référence à notre musique par rapport à Skins. Tu es le premier.

Edward : J’adore cette série.

Chris : C’est une série anglaise, hein ? Y’en a qui sont devenus connus, comme le gars de Slumdog Millionnaire. Dev Patel. Dans Lion aussi.

On ne vous a pas trop vus aux soirées ces dernières années, vous hiberniez ?

Edward : On tournait pas mal. Donc on ne faisait pas que dormir. Mais certains ont déménagé, se sont marié, ont divorcé, ont eu des enfants. La vie passe. Il y a deux ou trois ans, on a déménagé à LA, construit un studio, enregistré un album. Avoir déménagé à LA était un énorme changement de vie.

Chris : Ça nous a permis d’être un vrai groupe, de faire les choses ensemble, en musique ou non. Et puis, t’es entouré du désert, des montagnes, de l’océan.

L’année dernière, pendant la campagne de Bernie Sanders, vous avez joué pour lui avec d’autres groupes. C’était la première fois que vous jouiez pour un événement politique ?

Edward : Il y a quelques années, on a joué à une soirée de soutien pour Obama mais il n’était pas là. Là, c’était la première fois qu’on jouait vraiment à une sorte de rallye, surtout à une étape telle d’une campagne électorale, sur scène.

Chris : C’était simplement fort de jouer notre musique en l’honneur d’un gars qui clame tant d’idées positives pour un pays qui a besoin de tellement de changements. On est super fiers d’avoir pu y participer.

Vous le suivez toujours ?

Chris : Complètement. Il est l’homme politique d’opposition « démocratique » le plus populaire des États-Unis. Je l’ai sur mon fil Facebook et je lis et regarde religieusement tout ce qu’il dit.

Il dit quoi à propos de la musique ?

Chris : Notre engagement n’a rien à voir avec ça. Ça n’est pas pour ça qu’on le supporte.

Edward : Ça va au-delà. On n’est pas inquiets par rapports aux musiciens, mais par rapport à des gens qui ont beaucoup moins de chance et plus de soucis que nous.

C’était juste pour savoir si vous connaissiez son programme en matière de culture, de musique…

Chris : Non, je ne crois pas que ce soit sa principale attention, et ça ne me gêne pas.

Edward : Y a-t-il un seul homme politique qui se batte pour la musique sur cette Terre ?

Chris : Il y a bien plus important. La musique ne fera jamais de grands débats en politique. Après, évidemment, Trump veut détruire les arts et Sanders les protéger, mais on ne t’apprend rien là-dessus.

Bernie

Vous avez d’ailleurs participé à un rally anti-Trump, vous êtes toujours aussi convaincus que ça n’est pas le bon cavalier pour les USA ?

Chris : C’est le cauchemar le plus effrayant qu’on n’ait jamais vécu, en tout cas de mon vivant. C’est terrifiant.

Edward : Je ne peux juste pas croire qu’il puisse continuer à faire des choses si insensées et que les gens continuent à s’en branler.

Chris : Qu’il puisse faire une chose complètement illégale en moyenne par semaine est complètement absurde.

Edward : Les Républicains flippent de perdre leur job, donc ils ne disent rien sur ses conneries. Lâches. Faudrait leur dire d’êtres de meilleurs êtres humains au lieu d’être des trous du cul tout juste intéressés par leur carrière.

Votre engagement croissant ne se ressent pas particulièrement dans votre nouvel album. On ne mélange pas les torchons et les serviettes ?

Edward : Forcément, certaines phrases, certains concepts sont politiques, mais l’essence de nos chansons ne l’est jamais. Tu peux l’interpréter comme tel mais on essaie d’être en dehors de ça.

Chris : Notre engagement concerne les à-côtés. On fait des tickets moins chers pour les votants, on soutient certains politiciens locaux avec des concerts. Ce qu’on rabâche le plus aux gens, c’est de leur dire d’aller voter. C’est le principal problème de notre génération, c’est ce qui a amené le guignol au pouvoir : trop peu de jeunes sont allés voter.

On demande souvent aux artistes le message qu’ils veulent transmettre. Vous, quels sont les messages que vous ne voulez surtout pas transmettre aujourd’hui via vos chansons ?

Edward : La question est bizarre parce qu’il y a des millions de trucs que je ne veux pas raconter.

Chris : Mhhh… Les puzzles, par exemple.

Edward : Ouais, ou le trafic aérien, ou le premier mariage de ma mère, ou cette lumière qui change de couleur. Vu que ça n’est pas notre message, on n’y a jamais réfléchi, du coup ta question n’a pas de réponse, ah ah. Mais si tu veux connaître l’un des principaux thèmes de cet album, c’est clairement l’introspection.

Vous communiquez souvent avec vos fans, en les remerciant d’avoir attendu sagement votre album, de vous avoir fait des retours sur vos morceaux. Ce sont les meilleurs rock critics de votre musique ?

Chris : D’une certaine façon, oui. Les fans forment une masse large et impersonnelle, mais ils sont un bon miroir.

Edward : Je pense qu’on est nos meilleurs critiques.

Chris : Ils nous complètent parce qu’ils nous donnent un aperçu de la façon dont est utilisée, consommée et expérimentée notre musique. Et ils n’ont pas la dimension financière de chacun des tracks. Ils l’aiment ou non. La musique peut être vue, entendue, ressentie ou appréciée pour des raisons différentes de sa qualité.

Les musiciens disent toujours qu’ils composent sans penser à l’auditeur. Alors pourquoi diantre la pop souffre-t-elle d’uniformisation ?

Chris : Chacun crée différemment. C’est clair qu’on ne crée pas en pensant à l’avis de l’auditeur. Et je le redis, les fans sont les meilleurs critiques mais en les considérant dans leur ensemble, pas le kid qui dit que c’est incroyable, ni l’autre qui dit que c’est de la merde.

Edward : Lorsque tous les membres du groupe sont excités à propos d’un morceau – pas pour sa sortie, pas pour faire plaisir à un label, juste pour la musique – c’est une forme d’accomplissement.

Chris : C’est l’essence de l’art, être honnête à ton expression personnelle. Par chance, c’est notre boulot. Notre boulot n’est pas de confectionner des sacs à dos ou des voitures qui doivent se vendre à tout prix.

Ce qui m’amène à une dernière question. Si vous deviez absolument choisir entre une carrière à faire une musique qui est la plus personnelle et honnête possible en risquant de ne pas parler à grand monde, et une musique qui touche et est comprise par le maximum de gens mais qui vous ressemble moins, que feriez-vous ? Attention, vous n’avez pas le droit de dire « un peu des deux », je vous vois venir.

Edward : Faire de la musique dont je peux être vraiment fier, quitte à perdre pas mal de gens.

Chris : C’est un peu des deux…

Edward : Il avait dit de ne pas répondre ça.

Chris : Oui, mais évidemment, tu es entre les deux…

Edward : Oui, il sait tout ça…

Chris : C’est un entre-deux. On ne crée pas de la musique dans l’espace, on crée de la musique chez un label.

L’album Painted Ruins sortira le 18 août sur RCA.

Crédits photo : Tom Hines
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