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Anne-Ying Braconnier : « Tu peux impulser des choses même si tu n’as pas 15 ans de métier »

Anne-Ying est l’une des âmes exploratrices des concerts parisiens. Cette dingue de musique se trouve être derrière la programmation de tous les concerts programmés au Badaboum depuis 4 ans. C’est la meuf à qui l’on doit ces line-ups barrés qui, malgré les apparences, partent toutes dans le même sens : celui de l’aventure. On a discuté boulot, boulot, boulot, d’elle aussi, et de musique un peu.

On se lance dans une série de portraits des filles des musiques actus qui font la diff pour nos sorties concerts. Voilà pourquoi notre regard s’est naturellement dirigé vers le Badaboum, haut-lieu musical de Bastille, d’abord connu pour ses clubs en pleine fournaise jusqu’au petit matin. C’est également vers la partie de soirée post-travail qu’il faudra trouver à Paris les meilleures initiatives. Anne-Ying Braconnier est à la tête de la programmation de groupes aussi divers que dingos, de ceux qui vous mettent une bonne demi-gueule-de-bois de semaine le lendemain.

Focus sur le métier le plus prisé et rare de la musique, celui de programmatrice. Ensemble, on se penche sur l’accessibilité de ce job à part, les rêves qu’il suscite, et les portes de la perception et de la création qu’il ouvre. Cet échange est une ode à « faire » les choses, les tenter, expérimenter comme un petit laborantin les combinaisons possibles pour ouvrir le coffre fort du cœur.

Allez, t’es mignon mais on peut la lire l’interview ? Merci.

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INTERVIEW

Peux-tu me parler de ton parcours avant de débarquer au Badaboum ?

J’ai commencé par faire des études de droit puis de communication, et puis après une expérience en maison de disques (Universal), je me suis assez rapidement mise à bosser à des postes divers pour des festivals pour commencer (Solidays et Villette Sonique), puis aux côtés du Sacre du Tympan. Après ça, j’ai été responsable de production du festival Africolor pendant 3 ans avant d’atterrir au Badaboum.

Le métier de programmation semble, pour beaucoup de gens, un métier auquel on accède après 15 ans de bons et loyaux services dans le milieu. C’est faux ?

Je pense que non ce n’est pas complètement faux mais que ce n’est pas non plus la seule façon de pouvoir exercer ce métier. J’imagine que ça dépend un peu des endroits où on programme et de ce qu’on programme. C’est sûr que c’est toujours mieux d’avoir un peu de bouteille, pour avoir du « nez », pour être identifié et pour être considéré comme légitime. Du coup, quand ça fait 15 ans que tu bosses dans ce milieu-là, tu es plus légitime que quand tu viens d’arriver. Mais finalement tout n’est pas si figé, il y a plein de nouvelles initiatives, des nouveaux lieux qui ouvrent et qui cherchent aussi des nouvelles têtes. Et puis, il y a la possibilité d’impulser des choses, quand on a pas encore 15 ans de métier derrière soi.

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C’est aussi vu comme un métier de mâle blanc hétéro quarantenaire, je me trompe ?

Ou plus vieux ! Je pense que dans beaucoup de milieux et depuis longtemps, les postes à « responsabilité » sont souvent occupés par des « mâles blancs hétéros » pour reprendre ta phrase. Donc le milieu de la musique ne faisant pas exception, on trouve des « mâles blancs hétéros quarantenaires » à des postes de programmation, mais pas seulement. Il faut croire que les choses évoluent, en tout cas, ça n’est pas chasse gardée.

Comment motiverais-tu un·e jeune à se lancer dans ce job ?

Je lui dirais de continuer à écouter beaucoup de musique, de rencontrer beaucoup de monde, de ne pas avoir peur de se faire connaître, de faire connaître ses ambitions, de cultiver ses envies de programmation.

Comment vois-tu ou aimes-tu voir ce lieu qu’est le Badaboum, en terme d’esthétiques et d’accueil ?

J’aime le fait que ce soit un lieu éclectique où tu peux venir voir des concerts d’esthétiques différentes. Ca correspond aussi à mon approche de la musique. J’essaye de faire en sorte que le Badaboum puisse parler à différents types de publics et pas seulement à des communautés plus restreintes. En terme d’accueil du public, j’aime bien la proximité qu’il y a entre les artistes et le public, dû au fait que la scène ne soit pas très haute. Il y a un rapport très direct avec le public. J’aime bien la configuration de la salle aussi, quand elle est remplie, avec le fait que le plafond ne soit pas très haut au-dessus du public (il y a plus de hauteur au-dessus de la scène), on a la sensation d’un truc très compact avec une énergie générale très incisive, bouillonnante, projetée directement vers l’artiste. Je trouve ça assez jouissif.

Quels sont les rêves réalisables qu’on a quand on programme au Badaboum, pour aller plus loin ?

Développer une programmation qui n’est pas naturellement attendue pour le Badaboum, pour l’image qu’on en a. Même si je travaille dans le sens de l’éclectisme, il a quand même une image, en partie liée au fait que c’est aussi un club, et j’aime bien l’idée de casser un peu les codes attendus pour cette salle, pouvoir y faire venir des lives plus « sauvages ». Impulser des créations entre des artistes qu’on aurait envie de voir collaborer. Pouvoir assurer un remplissage honorable même sur des artistes en développement dont la notoriété n’est pas encore assurée, ça voudrait dire que le Badaboum commence à avoir un public « fidèle ».

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Quels sont ceux, irréalisables, qu’on couve au fond de nous ? Changement l’agencement de tout le lieu, faire des performances impossibles, etc ?

Que des artistes hors de portée pour une salle de 350 places aient envie de venir faire des plus petites dates plus intimistes ou plus « compact » au Badaboum parce qu’ils savent qu’ils seront bien accueillis et que la salle offre des prestations intéressantes. Agnès Obel, Anouar Brahem, John Maus, Timber Timbre, Mos Def, Helena Hauff… Il y en aurait tellement d’autres. Pouvoir offrir des scénos incroyables dédiées.

Peux-tu me citer des meufs qui programment ou dirigent des lieux ou events de musiques actus / électroniques et dont tu aimes le travail ?

Olivia Cristiani qui programme les soirées Fils de Venus, entre autres. On a fait pas mal de concerts ensemble au Badaboum, c’est quelqu’un avec qui j’aime beaucoup travailler. Mais au-delà de nos collaborations, je trouve qu’elle a une vision et j’aime son intégrité artistique. Elle a du flair, elle ne cède jamais à la tentation de la facilité, elle programme des choses parce qu’elle y croit et bosse fort pour que ça marche. Julie Musa qui s’occupe de la programmation de la Bellevilloise. Elle fait une programmation plurielle, pluridisciplinaire qui est hyper cohérente avec le lieu, le quartier et sa diversité. C’est une programmation diversifiée en terme d’esthétiques comme en terme de formats, complètement à l’image de sa curiosité artistique et de sa sensibilité. Et Hylda Gbenou qui s’occupe de la programmation de Solidays. Je trouve qu’elle arrive à insuffler du dynamisme et de la modernité malgré les contraintes de ce festival qui est très marqué esthétiquement parlant, auprès d’un certain type de public. Et puis, c’est un roc !

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