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Ma soirée devant les têtes d’affiche de mon adolescence

Séduits par une programmation ambitieuse, on a décidé d’aller à la rencontre du festival Chorus et de son public, le temps d’une soirée. C’était un vendredi en 5. On vous raconte. Dix personnes croisées dans le public nous partagent eux aussi leurs états d’âme.

Arrivée tranquille à l’entrée du festival vers 19h. On est plutôt agréablement surpris d’être accueillis, non pas par une meute de festivaliers (on est un peu snobs) mais par Le Pouce de César, sculpture monumentale hissée vers le ciel, qui semble nous montrer la voie vers un festival radieux. Débarquement rapide sur le site d’une Seine Musicale tout aussi ambitieuse que la programmation qu’elle accueille.

Dans la grande salle, 2manydj’s assure le warm-up. Les deux Belges offrent un dj set éclectique et électrique (oh tiens, du Marie Davidson remixé), de la pop et du disco (« I Feel Love » de Dame Summer à jamais dans nos cœurs), le tout accompagné des visuels de leur groupe Soulwax. Dans la grande salle (un peu trop grande), où le jour n’entre plus, on ne sait plus trop quelle heure il est… 2h ? 5h ? On va peut-être aller commander une dernière pinte rapido avant que le bar ferme.

Oula non, en fait ça va, on est large sur le dancefloor. Il est 20h.

Avec ses 5 scènes, et ses 12 concerts programmés dans la soirée, en bons festivaliers qu’on est, on s’est fait une petite liste. On déambule dans les couloirs et, pour dire la vérité, on se perd un peu avant de trouver notre chemin. Disco, point trop n’en faut, on fonce rapidement vers la salle Club Riffx, pour voir la performance magnétique d’Oktober Lieber (Prix Chorus 2019) projet porté par Charlotte Boisselier et Marion Camy-Palou. Leur pop synthétique fait sauter un petit groupe d’enfants de 10 ans et ravit les objectifs des deux rangées de photographes qui occupent un tiers du public de la salle. On serait bien resté plus longtemps mais on se magne d’arriver sur le parvis pour le set d’Ammar 808 qui vient tout juste de commencer. Le son est lourd, prometteur. Quand le musicien balance au public un : « Vous voulez entendre de la grosse basse tunisienne ? » c’est alors que flop… Patatras ! Le mur de son – qui au passage a dû coûter un bras – s’éteint sous les yeux d’un auditoire perplexe. Le timing est tellement merdique qu’on pense à une blague. Mais en fait non. Euh. Bon, bah ça arrive. Mais c’est moche. Et on aurait vraiment pas aimé être à la place de l’ingé-son de la scène du parvis à ce moment là.

Le public reste captif. À notre droite, Sophie et Benjamin sont en forme et leur plaisir est palpable. C’est vrai, et ça se voit, ils aiment ça la musique aux sonorités orientales. Surtout depuis la semaine en tout-inclus qu’ils se sont offerts au Club à Djerba l’hiver dernier ? D’ailleurs ils ont bien retenu les mouvements, on s’y croirait. On bitche intérieurement.

L’ingé-son a essayé de rafistoler comme il pouvait mais nos oreilles sensibles et délicates nous disent qu’il commence à faire un peu frisquet sur le parvis. On décide donc d’aller à l’intérieur trouver la chaleur. Et c’est chose faite grâce à la ligne de basse généreuse d’un groupe pop/rock aux influences soul qui officie sous le nom de Mind Wave. Requinqués par cette belle découverte, on se promet d’aller en écouter d’avantage. Détail qui tue, la chanteuse du groupe (Kelly Carpaye) porte des chaussettes paillettes. On a la transition un peu facile on l’admet (surtout que là on retourne vers la grande scène pour Tricky), mais ڭليثر Glitter٥٥ c’est juste après.

Sur le chemin, on croise Monique et Gérard Chauvel, 67 et 63 ans. Ils habitent Clamart depuis… depuis toujours en fait. C’est sûr, ça fait une petite trotte, mais ils sont là chaque année, depuis maintenant 31 ans que le festival existe. Ils regrettent un peu le temps où les concerts avaient lieu sur l’esplanade de la Défense, et nous avouent qu’ils trouvent le nouveau lieu un peu froid. Mais, fidèles, le festival leur offre la possibilité d’explorer tous les genres musicaux (pop, rock, hip-hop, électro…), d’assister à des concerts de têtes d’affiche, mais aussi de découvrir des groupes émergents. Pour Monique et Gérard, c’est ça le festival Chorus.

Ce soir, pour nous, Chorus c’est surtout l’occase de voir Tricky sur scène, légende du trip hop de notre adolescence. Sauf qu’en fait, on a mis longtemps à le trouver, et il fallait avoir l’œil bien affûté, même au premier rang. Car le concert se déroule dans une obscurité presque totale (pour le coup on ne peut pas blâmer la technique, même si on y a bien pensé). Accompagné d’une chanteuse, lui ne chantera sur aucun des morceaux jusqu’à la moitié du concert. Et pourtant quand il apparaît sur scène, on est ébloui par la physicalité de sa présence scénique. Dans chacun de ses mouvements, dans chacune de ses torsions, son corps tout entier compose et incarne précisément la musique, pour prendre corps. On a quand même voulu tester la vue depuis les gradins. Et effectivement, on n’y voyait rien. À part peut-être un ingé light en galère. En sortant du concert, on ne peut pas s’empêcher d’avoir une petite pensée (émue) pour celles et ceux qui sont rentrés chez eux et ont raconté à leur potes qu’ils avaient vu Tricky, et qu’ELLE avait vraiment une voix de ouf.

Entre les concerts on retourne chercher son manteau au vestiaire gratis, installé à l’entrée du hall (et où miracle il n’y a jamais la queue) avant de retourner sur le parvis. On croise Jean, technicien de maintenance sur le site de la Seine musicale. Sauf que la Seine musicale, c’est grand, c’est blanc, et ce soir c’est surtout à moitié vide. Alors on est surpris de croiser Jean. Faut dire qu’on n’a pas bien l’habitude de voir des gens nettoyer les espaces pendant les concerts ; à part quand les gens vomissent, et encore.

fatboy slim

22h45. Directionڭليثر Glitter٥٥. Aux platines, musiques traditionnelles du Maghreb et fracas industriel se côtoient pour créer une techno du futur. C’est brutal et ça fait du bien de danser un peu. Quand finalement, Fatboy Slim. Après le live de Tricky, le contraste est total. Solaire, il livre un véritable show dans la grande salle (et on se rend enfin compte du potentiel de cette salle). Un dj set « too much », radicalement assumé, de la house, à l’acid techno, en passant par des morceaux de pop ultra-cultes, illustré par un show vidéo, des projections live et des rayons lasers toujours pleins d’humour. Il s’amuse et nous avec lui. Sur le dancefloor, Prune se dit que c’est quand même hyper sympa de pouvoir venir écouter des concerts en sortant de sa formation. Comme quoi. Nous, en grands fauchés et retardataires, ça nous a prit 1h d’arriver jusqu’à Pont de Sèvres, et quasiment 2h de rentrer en Noctilien.

On l’a cherché, pendant à peu près toute la soirée. Naïvement, on s’est demandé où se cachait l’âme du festival. Habitués à partager une certaine idée commune de la fête. Mais ici point de totem. Autant de moyens pour une ambiance si retenue. Le festival reste malgré tout une vitrine, pour ses artistes et pour son public, éclectiques et extrêmement diversifiés, tout comme il l’est lui même.

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