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Tiens si on chroniquait « Victoire Chose » de Vimala Pons & Tsirihaka Harrivel ?

Quand on nous propose de chroniquer la pièce de chanson électronique Victoire Chose, de Vimala Pons & Tsirihaka Harrivel, l’occasion est à vrai dire trop bonne pour nous filer entre les doigts. Par amour du travail bien fait ? Que nenni. Pour aller voir le plus gros exutoire actuellement en activité ? Voilà, on y vient.

Le spectacle en question c’est GRANDE —, et fait déjà office de mythe vivant dans le petit monde du théâtre contemporain. Par son histoire rocambolesque, d’abord. GRANDE — invoque le théâtre, le cirque et même la musique live. C’est surtout un spectacle total qui a bien failli, en octobre 2017, accéder au statut de tragédie : une représentation a été stoppée net par la chute de 8 mètres de Tsirihaka Harrivel lors de son fameux numéro de toboggan vertical. « Miracle » dirent les médecins… aucune séquelle physique. « Conjurons le sort » ont dû répondre Vimala Pons & Tsirihaka Harrivel. Voilà pourquoi, un peu plus d’un an après, les deux comédiens se retrouvent sur la même scène du Centquatre à Paris.

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Avant de parler de musique, il faudrait préciser ce qu’elle peut bien foutre dans notre sujet. Chose difficile pour qui n’a pas vu le spectacle. Bon. GRANDE — est un spectacle porté par les multi-artistes Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel. Pendant deux heures, ils vont tour à tour se foutre à poil, se rhabiller, courir sur toute la scène, porter des trucs lourds sur leurs épaules – ou leur tête -, tomber de haut, et jouer du clavier debout, ce qui est peut-être un détail pour vous mais bon, vous avez compris. Tout est joué, quasiment rien enregistré. La musique sert à la narration de leurs revues, qui structurent le spectacle.

GRANDE — est surtout l’un des plus beaux spectacles sur Terre. Il ne ressemble en rien à tout ce qu’on nous fout sous le nez. Il – ou elle d’ailleurs – raconte les perdants magnifiques, la saveur de l’échec, la créativité si particulière du loser, en amour ou ailleurs. Avouons qu’il faut un certain entraînement pour sonder non pas ses fêlures mais ses crevasses. Et une certaine perte d’ego pour les apprivoiser, et se les raconter tout haut. Vimala et Tsirihaka étaient d’ailleurs en couple dans la vie, mais ça n’est plus le cas. De quoi enrichir la définition de l’amour, autour d’un autre projet commun.

La musique est partout dans ce spectacle, des envolées célestes de la trompette aux boucles stationnaires des claviers, en passant par les mantras vocaux de nos compères. Elle raconte des histoires entre no wave, klezmer, BO de films, musique progressive ou carrément club. Vous vous demandez comment un truc aussi foutraque peut friser avec le coït auditif ? Nous aussi, à vrai dire. Mais bon, quand vous entrez dans une pièce où des couteaux sont lancés sur le logo du Groupe Dassault avant qu’une machine à laver soit portée sur un crâne, l’alliance fanfare et techno paraît soudain aussi routinière qu’une main arrachée un samedi après-midi ensoleillé sur les Champs-Élysées.

Un truc nous taraude. Notre amour de Victoire Chose était quasiment gagné d’avance. Si ça se trouve, on avait déjà prévu de tout lui accorder. « Dans le spectacle, on nous pardonne de plaquer trois accords puisqu’on vient de courir 47 minutes », déclarait notamment Vimala Pons aux Inrocks. Réflexion faite, c’est faux. Quand Zombie Zombie allie ses boucles james-holdiennes à ses ragas, ses rituels méditatifs à ses boucles acides de TB-303, on crie au génie. Difficile également de ne pas voir le reflet de Julia Lanoë, merveilleuse chanteuse de Mansfield.TYA, lors des lamentations de Vimala dans « Si je meurs ». Aussi, la référence revendiquée par Tsirihaka à Robert Wyatt crève les yeux, dans toute sa naïveté, son humilité, son sens de la bidouille, son idée du « céleste ». Et puis merde, c’est quand même beau quand on peut allier les mots trompette et électro sans se tailler les veines dans le sens de la longueur en aspergeant la chaîne YouTube de Klangkarussel de tout son sang.

Début de la
chronique indigeste

Bon, comme c’est pas trop notre truc de bosser pour rien, on vous note ici les mots qui nous sont venus lors de l’écoute intégrale de Victoire Chose. Les brouillons, c’est la vie.

« Bon alors quoi » a une tronche de fanfare électronique stationnaire (comprenez ce que vous pouvez), c’est un peu le En attendant Godot de la synthèse analogique, entre Etienne Jaumet et Beirut. « Effeuillage » est un poème électronique, boîte à rythme bien froide, comme les inspirations propres à Vimala, très Teenage Menopause-compatibles. C’est le moment strip-tease infini de la comédienne pendant le show (à vérifier quand même, les puristes).

« Si je meurs »… on vous a déjà dit notre amour pour Mansfield.TYA. La chanson a été écrite par la maman de Vimala (tout comme « Rome »). On a ensuite « Grande revue », un énorme délire sonore, une accélération et un triturage du spectacle, devenant une masse informe et inquiétante. La pièce de théâtre ne s’arrête pas aux portes du Centquatre, il continue en studio. Puis « J’ai rien fait » : puisqu’il faut un tube dans chaque disque, tablons sur celui-ci. Poursuite musicale, comme le générique d’un téléfilm policier (disons allemand pour le principe) ou une lamentation polyphonique, et s’épaissie de minute en minute pour un bouquet final de cuivres.

« Marche courte » est une interlude. Dans Noisey, Tsirihaka confie que cela « renvoie à la musique à programme et aux poèmes symphoniques qui ont explosé au XIX e siècle. Liszt avait créé cette musique à programme afin de rallier tous les arts, ce qu’est un peu la vocation du cirque aujourd’hui ». Comme vous le voyez, le journalisme musical ne nécessite aucune étude particulière.

« Tranquille » est un paradoxe entre une petite mélopée et une lutte perdue d’avance. Une chute sans fin, au ralenti, qui part en drone sur la fin. « Cuisine » est une invitation à Absurde-land, l’instrumentation est très dance / rave 90s (sans le kick), ou space invaders au choix. Et puis elle dévie sur des cuivres très fête au village. Kamoulox. « Rome » est une ballade romantique et poétique (écrite par la maman de Vimala, si vous suivez). « Mariage encore » a plutôt une tête d’oraison funèbre techno, ou d’un enterrement de Mad Max, si tant est qu’on enterre encore les gens dans un futur post-apocalyptique. « Tu t’accroches à quoi » est nouvelle mélodie pop délicieuse qui ne fait pas de mal.

Et « Marche Hop Là » – tout comme « Marche Courte » – est le point de départ de l’intégration de la musique dans le spectacle. Cuivres célestes, tambours ultra rapides sonnant une fin en trombe, où l’on délaisse l’électronique, et où on annonce la fin du spectacle, en fanfare à l’italienne.

Ceux qui ont vu le spectacle y reconnaîtront des numéros de la pièce, mais c’est pas exclusif, promis. C’est comme un épisode de Barnaby : vous n’avez pas besoin de connaître le précédent épisode pour apprécier le flegme de celui qui arrive.

victoire chose

Fin de la
chronique indigeste

Par chance, tout ça fait désormais l’objet d’un disque, Victoire Chose, sorti sur le label Teenage Menopause (Xiu Xiu, JC Satan, Jessica93, Scorpion Violente, Essaie Pas, Violence Conjugale, etc). On trouve Vimala Pons au chant, au clavier, au multipad, à la clarinette et aux claquettes ;  Tsirihaka Harrivel au chant, au clavier, à la groovebox, à la guitare et à la trompette. Le très fameux Olivier Demeaux, qu’on retrouve chez Cheveu, Heimat ou Accident du Travail, s’est quant à lui occupé des arrangements, du basson midi, du solo de guitare et des cordes synthétiques. Plus globalement il est le grand manitou du son du disque. Et des synthétiseurs additionnels ont été produits par Morgan Romagny.

Voici quelques titres en écoute :

Et voici un lien vers une playlist YouTube avec l’album intégral : ici. Et sur Bandcamp ici.

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