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The National, à la faveur de l’automne

Cette année, l’automne a pris de l’avance, de façon brutale. Dès les tout premiers jours de septembre, quand certains retrouvaient encore du sable dans leurs affaires et qu’on se remettait à peine de la période des festivals d’été, il était là à attendre son tour. Rassurez-vous ou non, si le cafard vous gagne, The National n’est jamais très loin.

Mine de rien, avec Sleep Well Beast (8 septembre, chez 4AD), The National sort son septième album en 15 ans de carrière. Au fil des albums, Matt Breninger et les frères Dessner ont conçu un son identifiable, en évitant tant que faire se peut le copier-coller. D’un départ lo-fi, assez minimaliste, leur son est devenu beaucoup plus opulent, au fur et à mesure qu’ils gagnaient en expérience et en notoriété, notamment grâce aux travaux parallèles d’Aaron et Bryce Dessner.

Dans Sleep Well Beast, on retrouve donc à la fois ces morceaux intimistes au piano très épurés tout comme des morceaux très structurés sur une base de riff saturés, d’une rythmique qui martèle et de cuivres discrets mais accrocheurs. En somme, un son à la fois simple et raffiné qui colle parfaitement à l’image de ces intellos new-yorkais ayant grandi dans l’Ohio.

D’ailleurs, sur « Turtleneck », chanson de haine directe envers Trump, cet équilibre se casse. Trop rentre-dedans pour être crédible, même si c’est finalement le seul faux-pas complet d’un album rempli de subtiles nouveautés dans la composition. D’abord, des sonorités électroniques auxquelles le groupe ne nous avait pas habitués, comme dans « Walk It Back », « The System Only Dreams in Total Darkness », « Sleep Well Beast » ou bien encore « I Will Destroy You ». Souvent, la musique répond réellement aux paroles de la chanson. Exemples dans « Walk It Back » où le bourdonnement électronique fait écho à la colère qui bourdonne dans les oreilles de Matt Berninger ; dans « The System Only Dreams in Total Darkness » où le petit riff saturé colle à la frustration et à l’énervement ; dans « Empire Line », le roulement rythmique fait sens avec les paroles contant un voyage en train.

Par ailleurs, l’identité de The National tient aussi en grande partie au tempérament de son frontman, Matt Berninger. Ce genre de gars propre sur lui, calme en apparence mais d’un coup, capable de balancer sa bouteille de Chardonnay à l’autre bout de la pièce. Toujours aussi habité, autant à fleur de peau, il continue à trouver les mots (souvent en compagnie de sa femme sur cet album) pour parler d’amour, de New-York, des gens et de son monde, dans une veine très automnale.

Oui, automnale. Ce n’est pas un hasard si en anglais américain, l’automne se dit « fall ». Ce terme sans équivoque évoque la chute. Les feuilles qui tombent des arbres, la nuit qui choit de plus en plus vite, les températures qui chutent. Et le moral qui chute, lui aussi. Devant nous, l’horizon ne semble être fait que de pluie, de pourrissement, de boue et de grisaille.

Alors on se réfugie dans notre maison, dans ce cocon qu’on a créé, organisé, modelé pour s’y sentir bien, même si au fond on sait que tout ce confort matériel est totalement vain. On y multiplie les apéros, les goûters, les repas afin de ressentir à l’intérieur de nous une chaleur qui a disparu à l’extérieur (« Nobody Else Will Be There »). S’y enfermer permet également de s’évader d’un monde qui nous angoisse (« Turtleneck » ou « The System Only Dreams in Total Darkness »), parfois à l’aide de certaines béquilles plus ou moins légales (« Walk It Back » ou « I Will Destroy You »). On y sort que pour aller dans un autre lieu fermé, évitant le plus possible les flaques d’eau et le froid saisissant (« It’s getting cold again but New York’s gorgeous / It’s a subway day » observe Berninger dans « Nobody Else Will Be There »).

Certes, ce n’est qu’une question de cycles et l’automne n’est pas responsable de tous nos maux mais il nous fait réaliser que les beaux jours sont bien derrière nous, aussi bien d’un point de vue météorologique qu’amoureux (« Another year gets away / Another summer of love / I don’t know why I care / We miss it every summer » dans « Guily Party »). Pourtant, dans cette morne atmosphère, parfois surgit un rayon de soleil, surtout quand on s’y attend le moins, dans un magasin pour faire le plein d’alcool (« Carin at The Liquor Store ») ; dans un gymnase à la rentrée (« Dark Side Of The Gym »).

Le groupe originaire de Cincinnati ne nous avait pas habitués à une si longue attente entre deux albums. Mais cet album tombe à point nommé car justement, on retrouve toujours The National avec plaisir et réconfort comme on se réfugie dans sa maison à la sortie de l’été. On y retrouve ses repères et cette douce chaleur pour lutter contre notre spleen et on tente de se concentrer sur les belles choses qui peuvent nous accompagner, en attendant sagement le retour du printemps. Amen.

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