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Shintaro Sakamoto, weirdo à jamais

Ex-leader du groupe Yura Yura Teikoku qui, pendant une vingtaine d’années, oscilla entre power-pop & indie avant l’heure, Shintaro Sakamoto, en solo depuis 2011, enchaîne des bijoux orfèvreries pop-lounge qui redéfinissent par la douceur les contours d’une pop hors cadre, définitivement weird & attachante.

Le premier contact que l’on a eu avec Shintaro était cette pochette ci-après, génialement dérangeante : on découvre le musicien, la petite cinquantaine, en tenue d’afterwork qui se tient (vraiment) très près d’un mannequin aux traits féminins, l’un de ceux qui remplissent les vitrines des grands magasins et qui, sans aucun vêtement à mettre en avant, paraissent comme des êtres à la fois proches de nous – ils nous ressemblent, c’est le but – et si loin. Des clones en papier mâchés, plastiques parfaits, lisses de la tête aux pieds, prêts à être utilisés pour nous vendre une collection dont on n’avait de toute façon pas besoin. Sakamoto se tient donc juste derrière « elle », nous fixe du regard tandis que son amie « regarde » au loin. En passant (très) vite nos yeux sur cette pochette, on pourrait croire à un couple. Inutile de vous décrire le verso de l’album, le mieux est de le découvrir par soi-même.

Shintaro Sakamoto et mannequin

Cette image fixe la rétine et intrigue suffisamment, sans effrayer l’auditoire pour qu’il appuie sur play. Bien loin de l’avalanche de bizarreries à laquelle on s’était préparé, la surprise est totale quand se déroule sous nos pieds un tapis pop ouaté, aux accents tropicaux, jazzy & même, disco : How To Live With A Phantom, son premier effort en solo. Une collection douce, sucrée même à quelques instants, de comptines, entre l’easy listening et une pop-louange.

Un alliage presque indolent, en décontraction totale, à l’image du classique parmi les classiques au pays du Soleil Levant de Mr. Haruomi Hosono, Hosono House qui, lui aussi, mélangeait avec une aisance dingue pop-FM, jazz & riffs disco dans une danse lascive. La filiation semble poussive tant les deux hommes n’ont pas grand chose en commun dans leurs parcours respectifs. Mais c’est bien cette habilité à habiller la pop de ses plus belles parures qui fascinent : une ballade western très 60’s par-ci, un groove discoïsant par-là, sans jamais sonner faux ou emprunté.

C’était donc en 2011. Trois années plus tard sort le second LP solo de Shintaro Sakamoto, Let’s Dance Raw. Une pochette toujours aussi barrée – on le voit, assis devant un synthé, grimé en squelette (avec ses cheveux), dans les airs – un énorme champignon atomique derrière lui. C’est, comme pour le précédent, une sorte d’indication totalement erronée du contenu. Pire, Sakamoto réussi à être encore plus laidback sur cet opus, sur le titre éponyme « Let’s Dance Raw », « Gently Disappear » ou le morceau final « This World Should Be More Wonderful ». Impossible de vérifier le texte bien sûr – un traducteur japonais/français dans les parages ? – mais on ne peut qu’être adouci par un titre si naïvement beau.

Une douceur qu’il teinte (encore plus) d’étrangeté dans son troisième album, Love If Possible. Des organismes cellulaires colorés peuplent la pochette, et sa propre voix dépitchée au possible dans les aigus – comme lorsque l’on parle après avoir inhalé de l’hélium, c’est rigolo – qui se répond à lui-même dans le titre « Purging The Demons ».

Une fantaisie sans excès : c’est comme ça que l’on imagine le personnage ; un musicien qui joue de la quasi-totalité de ses instruments sur ses productions, un homme de studio qui ne manque pas d’inclure des bizarreries bienveillantes dans ses œuvres. Un doux-dingue, rêveur et prolifique qui, passé vingt années de scènes plus ou moins intenses dans son ancien groupe, a eu envie de déverser une pop joyeusement décalée. On se trompe peut être, mais notre Shintaro Sakamoto est un grand sensible.

Vous pouvez retrouver la musique de Shintaro sur Bandcamp et plein d’infos sur son groupe et son label ici et ici.

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3 commentaires

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Laurent Nguyen 16.04.2020

Bonjour,
Navré, faute de notification, je viens tout juste de voir votre message.
Voici des traductions très rapides (et très littérales) des morceaux qui vous intéressent. Tous deux font partie de la veine douce et romantique du groupe (opposée donc à ce que j’ai décrit plus haut). Personnellement, je trouve que ce sont d’excellentes chansons brillant par leur simplicité, et bien mieux écrites que ce que leur traduction pourrait laisser entendre. ^^ »

Quant à des recommandations, je vous avoue que Yura Yura Teikoku représente une sorte d’idéal musical à mes yeux, et je ne connais très peu de groupes ayant ce sens si particulier de la mélodie et de la texture. Néanmoins, dans la catégorie « rock japonais mélodieux à reverb douce », je peux vous conseiller la période gold sound (groupes japonais influencés par les Beatles), et notamment l’Original First Album du groupe PYG (dont voici un extrait https://www.youtube.com/watch?v=d61ZNZXWtD8).

« Band wo yatteru tomodachi » – Mon ami(e) qui est dans un groupe

J’ai un(e) ami(e) qui est là, sur la scène du soir
Tu chantais, on aurait dit une star
Une chanson à propos de ton(ta) petit(e) ami(e), avec ton groupe
Je l’ai trouvée si belle

C’était comme lorsqu’on touche à une guitare pour la première fois
Comme lorsqu’on est vraiment amoureux
Comme lorsqu’on se sent capable de faire quelque chose, là tout de suite
Une sensation comme ça

J’ai un ami(e) qui est là, sur le parterre
Tu dansais, on aurait dit un jouet
Le groupe jouait une chanson à propos de ton(ta) petit(e) ami(e)
Si mes souvenirs sont bons

C’était comme lorsqu’on touche à une guitare pour la première fois
Comme lorsqu’on est vraiment amoureux
Comme lorsqu’on se sent capable de faire quelque chose à nouveau
Une drôle de sensation

« Koi ga shitai » – Je veux (t’)aimer

Pourquoi l’oiseau ne chante-t-il pas ?
Alors que je suis amoureux. Mon regard…
Pourquoi les fleurs et les brins d’herbe ne dansent-ils pas ?
Alors que je suis amoureux. Mon regard…

… est braqué sur toi
Je suis lié à ce cheval blanc que je n’arrive pas à dompter
Dans sa cage… Je voudrais que tu ôtes ses rênes
Que tu déverrouilles la porte

Je ne peux m’en empêcher

Je veux t’aimer

Pourquoi l’étoile n’éclaire-t-elle pas le chemin ?
Alors que je suis amoureux. Mon regard…
Pourquoi les enfants ne rient-ils pas ?
Alors que je suis amoureux. Mon regard…

… te cherche
Il se noie. Dans ce conte de fées, la sirène est prisonnière de la glace
Je voudrais que tu brises sa prison, que tu défasses ses chaînes

Je ne peux m’en empêcher

Je veux t’aimer

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Laurent Nguyen 22.11.2019

Bonjour,

Je suis traducteur japonais > français et fan de ce monsieur (enfin, surtout de son ancien groupe).
Si vous êtes curieux de connaître le sens d’un morceau en particulier, je peux vous aider à l’occasion.

En général, sa plume parle comme beaucoup de l’aliénation de nos vies modernes, avec des touches de fantastique et d’humour noir bien à lui. Rien de très joyeux donc, contrairement à ce que la musique pourrait laisser penser…

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Isaline Léger 13.01.2020

Bonjour,
Je suis tombée sur ce groupe au détour du film « Love exposure », une aventure cinématographique certaine, par le réalisateur Sion Sono. La musique m’avait beaucoup marquée au visionnage et il se retrouve après une petite recherche sur internet qu’il s’agissait du groupe Yura Yura Teikoku. Le « son » de leur musique m’a tout de suite beaucoup plu et j’aurais souhaité savoir ce qu’il en était de leurs paroles. Il m’intéresserait de connaître les paroles de deux de leurs morceaux, « Band wo yatteru tomodachi » et « Koi ga shitai ». Je vous suis reconnaissante si vous pourriez m’en indiquer le sens général. Par ailleurs, si vous avez d’autres groupes ou artiste dans ce genre, je suis preneuse :)

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