MENU
En lecture PARTAGER L'ARTICLE

Shame : « C’est juste parce qu’on sue beaucoup qu’on a de la salive à partager »

Ces mauvais garçons du rock ont chamboulé le public de l’édition hivernale de La Route Du Rock. Dégoulinants de sueurs, les visages tout rouges et l’attitude arrogante, les jeunes « brats » de Shame se sont donnés à cœur joie de mettre le bazar sur scène. Avec une poignée de chansons sur YouTube et pas un enregistrement, ils ont déjà fait partie des line-ups de Glastonbury et Pitchfork Music à Paris, ainsi que des salles françaises telles que la Maroquinerie et le Trianon. Une carrière improvisée qui nous offre de l’excitation et de la passion. On voit déjà cette bande de Londoniens aller loin. Rencontre.

Vous êtes du sud de Londres, qu’aimez-vous le plus dans ce quartier ?

Les pubs. Il y a des pubs partout mais ceux du sud sont spéciaux. The Windmill… C’en est un qu’on adore. Sinon, l’animation, les cafés. Il y a un bon skatepark. C’est un peu un paradis, un lieu sûr. Non on rigole, c’est affreux. C’est un trou merdique mais c’est le nôtre.

Vous étudiez dans le bus quand vous êtes en tournée ?

Mon dieu, non. On a raté le coche pour ce genre de rêves. On pourrait mais on ne savait pas que le groupe marcherait si bien. Certains d’entre nous ont commencé les études après le lycée mais on a préféré nous focaliser sur le groupe.

Vos mères ne sont pas trop énervées ?

Si, elles sont carrément remontées contre nous. Le plus difficile c’était vraiment le moment où on leur a dit : « C’est notre travail maintenant« .

Vous en vivez ?

On avait des boulots alimentaires merdiques à côté mais on ne peux plus vraiment. On n’a pas le temps. On vit tous chez nos parents. On gagne de l’argent de l’édition aussi. J’ai du mal à imaginer quelle publicité voudrait de notre musique mais bon c’est une autre question. On ne vit pas dans le luxe mais ça va, on n’est pas à plaindre.

Quand vous donnez tous ce que vous avez dans le ventre et que le public n’y répond pas vraiment, vous avez pas trop envie de leur taper dessus ?

Ça nous donne envie de nous surpasser un peu plus. Quand on joue devant des grandes scènes, on ne peut pas s’attendre à ce que tout le monde apprécie notre musique. On n’a pas d’égo ou d’attentes particulières. On a 19 ans, on ne s’attend pas à ce que tout le monde danse ou nous aime. S’ils n’aiment pas la manière dont on saute, on sautera encore plus haut.

Qu’est-ce qui fait un bon concert pour vous ?

Quand les gens sourient beaucoup et que les agents de sécurités sont énervés, c’est parfait. Quand les gens se moquent de nous, on est content aussi. Par contre quand ils s’en vont, c’est pas très bon signe.

Et de votre côté est-ce que cracher, vous mettre à moitié à poil, tout ça, c’est important pour faire un show mémorable ?

C’est bien plus important que notre son soit bon. On n’a pas besoin d’en faire des caisses pour apprécier le moment, bien qu’on en fasse à chaque fois. C’est juste parce qu’on sue beaucoup qu’on a beaucoup de salive à partager. C’est plus agréable de bouger sur scène, d’être actif, de sauter. Si tu restes trop longtemps statique ça emmerde les gens.

Comment arrivez-vous à faire de grosses dates sans avoir aucun EP ni d’album ?

On a beaucoup fait de premières parties, celle des Garden, des Fat White Family et d’autres groupes à la bonne notoriété. Ça aide à nous faire repérer. Pour le Pitchfork Festival et la date des Fidlar à Paris, on s’est fait repérer au Great Escape par JD Beauvallet.

Peu de groupes veulent parler politique de nos jours, vous par contre vous n’hésitez pas. Vous pensez que ces groupes n’ont pas de couilles ?

Clairement. Quand tu as la chance de pouvoir toucher des gens comme c’est le cas, lorsque tu fais partie d’un groupe et que tu n’en profite pas pour résister, t’es clairement une tapette. On ne dit pas aux gens quoi penser ou quoi faire mais quand tu vois que des groupes pourraient éduquer les plus jeunes et ne le font pas pour des raisons de succès, ça nous insupporte. Les gens ont peur de diviser. Il faut s’exprimer, exprimer l’injustice. Parfois par contre il y a un côté trop facile, trop de groupes tapent sur Trump parce que c’est convenu mais ceux-là ne disent jamais rien d’autre de politique. Ça a l’air d’être un moyen facile de plaire. Ces gens là préfèrent l’argent au fait d’éduquer.

Beaucoup de groupes se font la malle parce que les loyers londoniens sont trop chers. Vous pensez que le maire Sadiq Khan pourra faire quelque chose à ce propos comme il l’avait promis ?

On l’espère. Enfin, tu ne peux jamais faire autant de choses que tu le voudrais quand tu fais de la politique. Il me semble qu’ils vont faire pas mal de choses mais ça reste encore trop réservé aux gens qui ont de l’argent. On est dans la merde. Les gens bougent vers la côte, vers la France parce que c’est moins cher. Sadiq Khan ne peut pas contrôler l’économie globale de la ville, ce n’est qu’un maire. Tant qu’on aura des gros riches de Russes qui viendont mettre des milliers de livres sterling pour développer le centre de Londres, la ville ne sera jamais abordable. La différence entre le niveau de vie que nos parents avaient et celui dont on bénéficie à présent est incomparable. Les gens qui avaient notre revenu pouvait largement payer leur loyer. Maintenant c’est devenu très difficile. L’argent des gens qui vivent à Londres va directement dans leur loyer et dans les transports. On va vivre avec nos parents jusqu’à nos 50 ans, peut-être pour toujours même. Sadiq Khan est un mec sympa, c’est un local. Il a fait beaucoup pour les Londoniens. Surtout concernant les transports. Mais il y a tant à faire.

Apparemment l’un d’entre vous s’est bien battu pendant l’un de vos concerts, dernièrement…

On n’a pas lancé la baston, on a essayé de stopper un gars complètement maboule qui essayait de taper une flopée de gens. Ceux qui ont vu la scène de loin ont décidé que c’était nous qui avions commencé une bagarre. On est un groupe pacifiste, nous.

Vos paroles sont plutôt violentes pour un groupe pacifiste. Vous trouvez que la violence verbale est plus acceptable que la violence physique ?

On n’a pas vraiment les muscles qu’il faut pour la violence physique… (rires) On a déjà du mal avec la violence verbale.

Vous avez vraiment réussi à vous introduire à Glastonbury sans avoir acheté de billet ?

Oui. On y a même joué.

Pourquoi vouliez vous y jouer ? Quand on entend ce que vous dites dans vos paroles, c’est étonnant de vouloir absolument jouer dans un line-up plus vraiment underground.

Il y a des centaines de groupes. En fait, il y a tous les groupes là-bas. C’est un endroit massif. On a dû marcher 6 heures entières pour pouvoir s’y introduire. C’est immense. Une fois que tu rentres, tu peux y jouer si tu veux.

Le prix du billet n’est pas correct à votre goût ?

On peut même pas les acheter, ils sont épuisés au bout de 30 secondes lorsque la vente commence. La moitié des gens font comme nous. On ne conseille à personne de le faire, cela dit. Ce n’est pas drôle du tout. Ça nous a pris 14h, il faisait tellement froid, il pleuvait. Mais ça valait le coup, le concert était génial. C’était sur une scène non-officielle dans le camping. Glastonbury, c’est une ville à part entière. Pour aller voir un groupe, tu dois parfois marcher 45 minutes pour aller d’une scène à l’autre. Il y a des centaines de petites scènes, des scènes underground. La véritable manière de vivre Glastonbury, c’est de s’y balader. On y était 4 jours et on a pas dû voir le tiers du line-up.

Dans vos paroles, vous dites mépriser les gens qui lisent le NME pour savoir quoi écouter. Mais vous faites partie de ces groupes que le NME promeut, non ? Vous dépendez quand même pas mal de la presse.

Non. Les gens se font dicter une opinion. On leur dit qu’un groupe est hype ou cool et ils écoutent et reproduisent le même jugement sans jamais vraiment écouter ou réfléchir. Ils y croient direct. Les Inrocks c’est différent, ils ont plus d’intégrité que NME. On a grandi avec le NME et voir son parcours nous a dégoûtés. Les rédacteurs de Pitchfork ils créent ou tuent un groupe à eux seuls. Les gens continuent de boire les paroles de la presse musicale. On n’est pas français mais les gens français qu’on connaît nous ont dit que ce que JD Beauvou… (rires) Beauvallet sorry, fait est bien.

Photo en une : Jenna Foxton
Partager cet article
0 commentaire

0 commentaire

Soyez le premier à commenter cet article
Chargement...
Votre commentaire est en cours de modération
Merci
Une erreur est survenue lors de l'envoi de votre commentaire
Sourdoreille : la playlist ultime
Toutes les playlists

0:00
0:00
REVENIR
EN HAUT