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Parquet Courts : « Avec une chanson, tu tamponnes ta vie »

Le 27 octobre dernier, Parquet Courts investit la scène de la Grande Halle de la Villette. Sur sa guitare, Andrew Savage, frontman du groupe, restitue le son frénétique de New York, celui que l’on attribue souvent au Velvet Underground. Pas de doutes sur les raisons de leur présence sur le line-up du Pitchfork Music Festival, Parquet Courts rend à New York son souffle rock’n’roll regretté depuis 6 années d’expérimentations soniques. Rencontre.

Il y a une scène rock importante au Texas, de Dallas à Austin, de nombreux groupes émergent et s’y développent. Pourquoi avez-vous cependant décidé d’aller à New York ?

Andrew Savage : L’histoire de Parquet Courts n’a pas débuté au Texas mais à New York. Je suis né à Denton, une ville universitaire au Texas et c’est là-bas que j’ai rencontré Austin Brown. Quand j’y étais, il y avait une bonne scène punk avec des groupes comme The Marked Men, Bad Sports, Video, Fergus & Geronimo (un groupe dont je faisais partie), Teenage Cool Kids… Mais les gens ne restent pas très longtemps dans une ville universitaire. C’est vrai que la ville d’Austin a une bonne scène musicale aussi et c’est parti pour rester. Ensuite, Austin et moi avons déménagé à New York séparément. Je connaissais déjà Sean Yeaton, de Boston, il jouait dans un groupe qui était venu faire un concert chez moi à Denton. J’accueillais pas mal de concerts à l’époque. Bref, on s’est tous retrouvés à New York, j’ai fait les présentations et on a commencé la première répétition. On voulait avant tout aller dans une ville plus grande, trouver la plus opposée à celle dans laquelle je suis né.

Comment résonne en vous le titre de la chanson de LCD Soundsystem « New York I Love You But You’re Bringing Me Down » ?

Sean Yeaton : C’est la raison même pour laquelle j’en ai ensuite déménagé.

Andrew Savage : « You Always Hurt The Ones You Love » et tu peux aimer autant que tu veux New York, cette ville te fera toujours du mal.

Austin Brown : C’est un endroit assez impitoyable mais c’est ce qui le rend si attirant.

Sean Yeaton : Même après avoir quitté New York, je me dis que je veux trouver un moyen d’y retourner. Enfin une autre manière. Peut-être dans un univers parallèle. Il y a une certaine amertume à l’idée de ne plus pouvoir me rendre aux endroits que j’aime le plus là-bas. Et pourtant, j’y vais souvent.

Austin Brown : Tu l’aimeras toujours.

Austin Brown et Sean Yeaton chantent en chœur à la manière de Whitney Houston : « And I Will Always New York, New York, New York » (rires)

Votre nouvel album Human Performance a l’air d’être empli d’une certaine vulnérabilité qu’il n’y avait pas dans les précédents. Est-ce difficile de jouer ces chansons devant plein de gens ?

Andrew Savage : Si, c’est parfois étrange de revivre l’état dans lequel j’ai écrit, quand j’étais amer et malheureux. Parfois, c’est un peu le stress post-traumatique de jouer certains morceaux. Mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose, comme ça au moins je n’oublie pas. Et puis une chanson, c’est comme le tampon d’un pays que tu as visité apposé sur ton passeport. Tu tamponnes une partie de ta vie, qu’elle soit triste ou heureuse. Comme une sorte de photographie furtive de l’état de ta vie au moment où tu l’as écrite.

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©Chad Wadsworth

Avez-vous ressenti qu’il devenait nécessaire, alors que vous enregistriez très rapidement au début, de prendre plus de temps à créer un album ?

Austin Brown : Avec Human Performance ça a été un effort conscient de changer la manière d’enregistrer, d’essayer quelque chose de nouveau. On a eu l’opportunité de prendre plus de temps, et ce pour la première fois. Pour les albums d’avant, nous avons effectivement été rapides mais c’était une nécessité, nous n’avions pas les moyens de passer une année entière à enregistrer. Il fallait faire un nouvel album parce qu’il y avait une nouvelle tournée après. On avait besoin de produire plus. On était plus jeunes aussi donc c’était plus facile de créer beaucoup et rapidement, toutes les idées étaient plus fraîches. Human Performance est quand même le cinquième album. Le seul moyen de faire quelque chose de différent, c’est de changer la méthode. On a choisi de prendre le temps, on a éparpillé dans l’année les sessions d’enregistrement qui ont eu lieu un peu partout et on a laissé nos idées mûrir. Ça n’a été possible que grâce au label [Rough Trade, ndlr] qui a cru en nos capacités. On a beaucoup appris sur nous, sur ce qu’on est capable de créer et d’accomplir. On avait l’impression que tout devait être immédiat alors qu’on se rend compte que certaines idées méritent de longues réflexions.

Andrew Savage : L’idée importante finalement ce n’est pas le temps que tu passes à faire un album mais plutôt que tu le fasses de manière différente à chaque fois pour que chaque album soit unique. Le mieux, c’est de ne pas s’enfermer dans une méthode d’enregistrement. Court ou long n’est pas la question, les deux ont leurs avantages. Nous avons enregistré rapidement des albums qui sont très spéciaux justement grâce à cette rapidité. Mais on savait qu’on ne devait pas se reposer dessus.

Ce n’est pas très habituel de mettre l’improvisation au cœur d’un enregistrement. Comment avez-vous eu l’idée de l’EP Monastic Living ?

Sean Yeaton : On a toujours écrit pas mal de chansons en improvisant. Human Performance et Monastic Living datent de la même période mais on ne s’est pas dit « ça, ça va dans Human Performance et ça dans Monastic Living ». En travaillant sur Human Performance, on avait assez de sons pour faire deux albums, et certains étaient très intéressants par leur particularités soniques et ils avaient leur propre univers, leur propre vie. C’est difficile d’en parler sans avoir l’air nunuche mais ils méritaient leur propre publication. Finalement, ça tombait bien parce que c’est notre première sortie sur Rough Trade et elle se situe entre avant-garde et noise, sans voix. C’était une bonne manière de présenter le début d’une collaboration.

Andrew Savage : Il y a vraiment un cycle qui se répète. Quand on a commencé, on allait sur scène et on jouait. C’est la manière dont on a enregistré pas mal de nos chansons du début.

Pour beaucoup, la musique rock n’est plus que revival et tout ce qu’il y avait à faire a déjà été fait. Quel est votre avis ?

Andrew Savage : Je suis sûr que beaucoup de gens ont toujours tenu ces propos. Il devait y en avoir qui disaient ça dès les années 1950. Je ne pense pas que ce soit le cas. Rien que le fait qu’il y ait de nombreux très bon groupes de rock réfute cette idée. Il y aura toujours des gens qui créeront des choses nouvelles. Le rock est effectivement une tradition mais l’électro aussi maintenant. C’est tellement canonisé aujourd’hui, il y a tellement de styles de de sous-genres qui lui sont affiliés que c’est autant une tradition que le rock. Pareil pour le hip-hop. Le but même d’être créatif, c’est partir d’une tradition pour se développer.

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©Matt Lief Anderson

J’imagine que vous avez une histoire bien personnelle avec le rock. D’où vient votre amour pour ce genre de musique ?

Andrew Savage : Le premier groupe dont j’étais obsédé était les Smashing Pumpkins. Mais c’est quand Austin et moi avons commencé à nous intéresser à la scène punk ensemble que ça a vraiment cliqué pour moi. C’était si accessible comme style de musique. Cet esprit DIY m’a rendu amoureux. Le punk, c’était vraiment la première fois de ma vie que je suis tombé amoureux.

Sean Yeaton : Je me souviens quand j’avais huit ans, j’étais obsédé par le dessin. J’avais un copain à l’époque qui s’appelait Sean aussi. Il était tellement meilleur que moi que ça me décourageait. Il pouvait dessiner de mémoire un visage alors que moi je dessinais des BD bizarroïdes. Être dans son ombre ne m’a pas donné envie de continuer. Heureusement, quand j’ai commencé la guitare et la musique, il s’est passé l’opposé de cette situation. Mon meilleur ami était tout autant amateur de musique que moi mais on était très différents. On s’apprenait des choses, se montrait des vinyles, etc. Je regrette toujours d’avoir arrêté les arts visuels mais je suis reconnaissant parce que ça m’a permis de trouver mon propre truc. Et le punk m’a aidé à développer mes idées folles. Je voulais jouer de la musique agressive et puissante et j’ai trouvé ma communauté.

La presse vous compare souvent à Pavement. Ça a l’air de vous énerver, pourquoi ?

Andrew Savage : C’est pas vraiment une grande influence pour nous. C’est difficile d’être toujours comparés à un groupe qui est le favori de nombreuses personnes, surtout des journalistes musicaux qui adorent tous ce groupe visiblement… Les gars de Pavement aiment sûrement Roxy Music et le Velvet Underground autant que nous mais on ne partage pas grand chose d’autre. Je pense que se sont de meilleurs musiciens, Stephen Malkmus est un très bon guitariste. En revanche, je pense qu’on est de meilleurs paroliers et compositeurs.

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