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Les interplateaux des Trans Musicales, une expérience unique

Balancez les chiffres : les Trans Musicales 2016, ce sont 62.000 personnes et 103 artistes invités sur Rennes qui se baladent de jour et de nuit dans les salles de la ville et dans le gigantesque Parc d’Expositions (qui a compté à lui tout seul 33.000 personnes) . Pour la programmation la plus attendue, le principal du déroulé des événements a lieu dans des halls qu’aucun des artistes ne peut remplir en temps normal. C’est ça les Trans, permettre à l’émergence d’émerger et lui donner le privilège de jouer devant un public pas forcément venu pour lui. Et parmi de nombreux jeunes groupes, la quintessence du petit nom : les interplateaux, sorte de boulot ingrat, sauf aux Trans bien sûr, qui a agité les quelques neurones de notre psyché pendant cette 38ème édition.

Encore des chiffres ? Les Trans 2016, ce sont 531 journalistes dont 29 étrangers et 2000 pro qui ne sont, selon les organisateurs, pas uniquement venus pour siroter au bar VIP (mais que dit la police ?). Sans nous concentrer sur la portée d’ivresse que comporte ce haut-lieu culturel annuel, on préférera cibler nos pensées sur l’amoncellement de groupes inconnus à nos oreilles quelques semaines auparavant. Une à une, nous découvrons les prestations d’artistes qui se rendent bien compte de la chance offerte par l’équipe de Jean-Louis Brossard, programmateur de l’événement. Ou alors, c’est qu’ils crachent sérieusement dans la pe-sou.

Parmi les climax de notre week-end, on citera évidemment celles de BCUC, couplant sans détour rythmes Nguni et Tsonga, transe et punk rock, danse possédée et yeux fermés, le groupe d’électro progressive celte Super Parquet, le duo de beatmakers ouverts sur leur monde Douchka et Les Gordon sous leur projet Leska ou encore la voix résonnante et à pleurer de Laura Cahen dans l’antre chicos-champagne-shower du bar Le Gatsby. On s’est plus qu’attardés devant le DJ Mimetic, originaire de Genève mais résidant en France, aux détours transe techno (typée 90s) / techno abyssale / IDM (typée Kangding Ray, par exemple, à qui il est difficile de ne pas penser) mais enfin (et surtout !) au collectif hambourgeois Meute, fanfare techno, hip-hop et pop hallucinante qui a clôturé sans faute un festival qui n’attendait plus qu’eux.

Voilà, il nous semblait important de nous attarder un instant sur ces noms qui auront réussi à eux seuls à nous rappeler pourquoi on aime, profondément, les Trans, année après année. Pas qu’on ait complètement oublié mais bon, l’année est longue, les concerts nombreux, l’hygiène de vie souvent en retard aux rendez-vous.

Opérons à présent un saut, non dans le temps, mais hors des digressions. Woop. Voici qui est mieux. Comme vous pouvez vous en douter, dans tout festival, mille et une choses s’organisent dans notre dos sans qu’on ne puisse réellement les voir. Les hommes et les femmes de l’ombre qui prennent leur semaine pour faire du bénévolat à l’accueil, au cashless ou au bar, les ingés-lumières de la régie de chaque scène qui se prennent pour des DJs qu’ils sont dans notre cœur (ou des pilotes de vaisseaux, au choix) ou encore ces types de la sécu qui demandent une à une toutes les clopes allumées des festivaliers pour les éteindre (pensée pour vous, soutien indéfectible et désolé pour hier soir).

Ici, ce sont les DJ d’interplateaux qui nous intéressent. Ces disc jokeys méconnus qui font patienter, qui jouent moins fort mais qui jouent quand même, qui sont tout en bas des progs du monde – mais pas des Trans qui n’a pas de préférence -, qui attendent leur tour, qui s’en foutent, qui ont d’autres projets, dont on confond jusqu’au nom. Ceux-là même qu’on n’avait pas prévu d’aller voir mais qui se sont offerts à nous. Pourquoi en parler ? Parce que, festival géant oblige, nos pas nous ont perdu de nombreuses fois, nos potes ont mis beaucoup temps à pisser, commander à boire, se cashlesser et aussi, tout simplement marcher d’un hall à l’autre pour marcher, et attendre pour attendre. « Pourquoi on attend ? – Je sais pas, on n’attend pas machin ? – Non, il est là. – Donc on fait quoi ? – Ben, on y va. – Bah je sais qu’on doit y aller, pas besoin de crier – Eh mais t’es qui d’ailleurs ? -… »

Trans - Meute

Meute, par Nico M

Par un étonnant hasard (IL N’Y A JAMAIS DE COÏNCIDENCE, C’ÉTAIT ÉCRIT), il se trouve que nos pas nous ont conduit à chaque fois pendant les interplateaux des halls, deux soirs de suite. D’abord, un grand merci à El Vidocq, valeureux chevalier du Hall 3 le vendredi. Le coeur du boss du label bordelais Platinum Records balance du rock bluesy au doo-wop en passant par le plus électronique krautrock depuis 20 piges sans s’essouffler alors qu’il a dû – depuis 1998 – se battre contre le digital à coups de lancers de 45 tours sur la génération Z qui, après être née, s’est mise à écouter de la deep-house hollandaise composée par des robots conçus par des esprits machiavéliques pour créer du temps de cerveau disponible pour leur vendre des matelas 180×200 quand ils deviendront trentenaires. Ce type a du flair et l’a bien montré avec une discographie pour la plupart inshazamable.

Trans - EL vidocq

El Vidocq, par Nico M

Vendredi, toujours : « Eh, si on allait voir The Barberettes – Grave (…) – Ce serait quand même top de voir Leska – Mais carrément! » Eh non, le destin a décidé que tu les verrais tous un par un tes interplateaux. Rien de grave, direction le Hall 8 et un génial DJ set de Chepapusa qui n’avait pas envie d’être aussi sympa que son homologue bordelais avec nos chaussures. Infrabasses hip-hop, électro aïe-aïe-aïe (nouveau style répertorié à la Sacem), le maximalisme était de rigueur. Au-delà d’une bonne partie de défouloir, Matthieu Trochu, le Rennais derrière les platines, n’a pas oublié que pour réussir un set, il faut virer les œillères. En même temps, quand on sait qu’il fut à la fois chanteur de flamenco, prospecteur de talents à l’Olympia, grand voyageur et dirlo artistique de la cave à cocktails Joséphine à Paris, on se dit qu’il ne serait pas du genre à balancer des phrases comme : « il faudrait mettre plus de policiers aux frontières, vous en pensez quoi ? »

Rebelote le lendemain avec AmZo dans le Hall 3, un véritable cumulard des mandats. Percussionniste dans Frànçois And The Atlas Mountains, membre de Babe mais aussi d’Archipel, il a également collaboré avec Rozi Plain, Etienne Daho ou Stranded Horse. Mais bien évidemment, c’est de son talent d’interplateur dont il est question à présent. Amaury Ranger flirte avec toute l’imagerie sonore du psychédélisme et n’a rien du type qui pense que cet état d’esprit se limiterait aux années 60 aux Etats-Unis. Non, non, AmZo est un pur produit de son programmateur : un type qui vient de partout. C’est plutôt du côté du Moyen-Orient, de l’Afrique et des Antilles qu’il faudra lui claquer la bise. Dance music filtrée, mariages algériens, oud et mandolines rappellent que le terme world music est bien un qualificatif vide inventé par des journalistes en carton convertis au marketing. Oui, il n’existe uniquement que la musique qui nous construit. Et parfois, heureusement, nous déconstruit.

Trans - Chepapusa

Chepapusa, par Nico M

Notre dernier héros de la soirée s’appelle Kosmo Pilot. Comme pour les précédents, on aurait dû comprendre que traverser le public en sens inverse en se prenant des kilolitres de foule n’était pas normal : le concert qu’on allait voir était encore bien fini. Faut quand même être con. Mais l’inattendu est toujours plus beau. Le plus beau ici est un Malouin qui digge plus vite que son ombre. Procédure habituelle : à peine entrait-on qu’on se plongeait dans l’ailleurs, et même un peu plus loin. Au cours de son set, le DJ nous a amenés dans la direction qui lui plaisait et fusionnait les genres mieux que deux paires de chaussettes.

Au vu du déroulé des événements, on aurait pu penser qu’on sortirait du Parc des Expositions de Rennes avec un goût amer dans la bouche. Mais il n’en n’est rien pour une bonne raison qu’un type a crié en courant :

On n’est pas là pour être ici.
Crédits photos : Nico M Photographe
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