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Les brumes électroniques de Cate Hortl

Cate Hortl sortait son premier EP sur le label toulousain Ritmo Fatale. Paru le 22 octobre 2021, Smog représente le début d’une aventure en solo pour Charlotte Boisselier, anciennement membre des duos Ambeyance et Oktober Lieber. Après de multiples tournées à faire danser les foules de clubs et festivals, Cate Hortl est une plongée plus intime dans son univers musical, imprégné des années 1980 chères aux Toulousains chez qui elle signe.

Cate Hortl est le dernier visage de Charlotte Boisselier, l’alias, anagramme de son prénom, qu’elle s’est choisie pour défendre un rêve caressé de longue date, composer et se produire sur scène en solo. Souhait accompli en 2021, puisque Cate Hortl signe un premier morceau en juillet puis un EP de cinq titres en octobre sur le label toulousain Ritmo Fatale, Smog.


Sortir de sa chrysalide

Avant ça, la musicienne originaire de Carcassonne et installée à Paris depuis ses études de musicologie a fait ses armes dans deux excellents duos qui ont connu leur lot de tournées : Ambeyance, entre 2015 et 2020, et Oktober Lieber entre 2017 et 2020. Le premier plutôt synth pop frénétique, tendance italo kitsch, le second porté sur une techno indus hypnotique, gardant toujours un pied dans les années 1980. « Ce sont deux projets dans lesquels je me suis investie à fond, et qui ont naturellement pris toute la place », raconte Charlotte. « Ils m’ont beaucoup apporté. Grâce à eux, j’ai pris confiance en moi, et eu beaucoup d’expériences de la scène et du studio », complète-t-elle.

Mais l’appel de la composition solitaire, par laquelle elle a débutée à l’époque de ses études, continue de se faire sentir. « Malgré mes groupes, mon travail de régisseuse son et de créatrice son pour le spectacle vivant, j’ai toujours composé des tracks en solo dans le peu de temps qu’il me restait. Ça faisait un moment que j’attendais d’avoir l’opportunité de m’y consacrer ». L’interruption des tournées en 2020, et l’arrêt de ses deux projets le lui permettront.

Elle pioche alors dans son ordinateur pour y déterrer tous ces brouillons suspendus restés dormants, pépites dans l’intarissable filon des œuvres avortées. « J’ai repris et travaillé des morceaux laissés en stand-by depuis parfois des années. J’ai voulu tout reprendre et aller jusqu’au bout », explique Charlotte. En remettant son ouvrage sur le métier, elle construit peu à peu l’univers musical de Cate Hortl, celui le plus à son image jusque-là.

Amours eighties et chant des machines

Somme de ses influences musicales et de ses expériences personnelles, Cate Hortl synthétise le goût de Charlotte pour les sonorités des années 1980, fil conducteur de ses aventures musicales. « J’ai eu une grosse période années 80, new wave, minimal wave, coldwave, darkwave, etc. », détaille-t-elle. Par rapport à ses précédents projets, dopés à l’énergie dansante de l’italo ou de la techno, ces influences 80’s retrouvent une dimension plus pop dans Cate Hortl, où la voix prend plus de place, et où le rythme a tendance à s’apaiser, sans pour autant s’effacer. « J’ai toujours eu envie de faire danser. Même si c’est moins club dans Cate Hortl, il y a toujours un petit groove entraînant », commente-t-elle.

Charlotte admet pourtant que l’objectif premier de ce nouvel alias est de « faire voyager dans [s]on univers, où il y a à la fois du club et des choses beaucoup plus introspectives, ça donne peut-être plus de variété au son ». La composition solitaire lui permet de puiser à l’envi dans des influences plus variées et anciennes, d’apporter des choses plus intimes. Elle ne délaisse pas pour autant ses amours italo et EBM, des genres pourtant familiers du kitsch et du rentre-dedans, mais qui relèvent subtilement certains morceaux de son premier EP, ou celui sorti sur le VA Liquid Sky de Ritmo Fatale en juillet 2021, “Get Out Of Your Habits”.

Un autre fil conducteur dans le parcours musical de Charlotte Boisselier, étroitement intriqué au premier, à n’en pas douter, est l’utilisation de machines dans la production et le live. « J’ai commencé à composer quand j’étais à la fac. J’étudiais la musique contemporaine, électroacoustique, concrète, etc. », raconte-t-elle. « C’est à ce moment-là que j’ai découvert les machines. J’ai toujours eu un côté geek, alors ça m’a passionné. Et j’ai adoré le son des synthés, le grain qu’on peut trouver quand on fait de la synthèse sonore, tout ce champ de recherche infini autour des machines, des sons de synthétiseurs », continue-t-elle.

4- Cate Hortl© Vincent Ducard

Seule face aux machines… et au micro

Le set up, les machines utilisées dans Cate Hortl, sont à peu près les mêmes que dans les précédents projets de Charlotte. « Avec Ambeyance et Oktober Lieber on travaillait déjà dans mon studio avec mes machines », précise-t-elle. En live par contre, elle se débarrasse finalement de son ordinateur au profit d’une MPC.

La principale nouveauté dans Cate Hortl est bien de devoir composer seule, de bout en bout. Après la confiance gagnée grâce à ses précédents groupes, Charlotte trouve l’exercice finalement plus excitant qu’autre chose : le sentiment de pouvoir aller au bout des choses, dans une liberté sans compromis, mais aussi la prise de risque totale en l’absence de retour critique, comme une chute libre délibérée. Dans cette aventure solitaire, Charlotte s’est trouvée une compagne, comme un guide, une lumière dans les ténèbres brumeuses de la composition : sa propre voix. « Je me suis rendu compte que la voix m’aidait beaucoup quand je bloquais dans mes morceaux. En produisant l’EP, au moment où je cherchais à écrire et poser des paroles, le reste se dénouait. J’en mettrai tout le temps dorénavant », témoigne Charlotte.

Sa voix avait déjà fait des apparitions dans les derniers temps d’Ambeyance, et dans Oktober Lieber, mais plus scandée que chantée. « Utiliser autant la voix, c’est nouveau pour moi. J’ai l’impression que dans ce projet solo, j’ai trouvé la manière dont j’aime m’en servir, à la fois parlée, un peu chantée, travaillée avec beaucoup d’effets pour en faire une vraie matière sonore », explique Charlotte. La voix s’entremêle alors au tissu électronique, sans le dominer, participant à son concert. « J’aime bien le fait qu’elle puisse être là comme un personnage, qu’elle ajoute de l’étrange », précise-t-elle.

Et en effet, de morceau en morceau, le personnage revient, fantôme du sujet lyrique qui subsiste dans une mélancolie darkwave. Même s’il n’y a pas de chanson à proprement parler dans Cate Hortl, l’écriture de paroles, par son jeu de références, de clin d’œil à la réalité ou à sa psyché, est un nouveau moyen pour Charlotte de faire de ses morceaux des miroirs intimes, se prêtant inévitablement à la déformation par l’interprétation de celui ou celle qui écoute. De la poésie, en somme.

Ritmo Fatale, une famille d’influences artistiques

Cette nouvelle recette musicale a su trouver des oreilles attentives du côté de Toulouse, chez le label Ritmo Fatale, mené par l’artiste Kendal et son complice Paul Guglielmi. Bien décidés à défendre l’italo moderno, boosté aux déchaînements EBM, les deux mélomanes cherchent aussi à diversifier leur catalogue en gravitant dans leur univers sonore de référence, les années 80 et 90, vers des territoires moins club. L’EBM downtempo et chanté de Le Martinet, une des dernières parutions du label signées Mimmo et Hirschmann, amorçait déjà cette orientation.

L’EP de Cate Hortl, Smog, est sans doute la sortie la plus pop de Ritmo Fatale. On y retrouve pourtant, ça et là, les échappées cosmiques de l’italo et les rythmiques inquiétantes de l’EBM, chères aux Toulousains. « Finalement, il y a eu quelque chose d’assez évident à signer l’EP avec eux, parce qu’on partage les mêmes univers », affirme Charlotte. L’usage appuyé des synthétiseurs dans Cate Hortl renvoie aussi à un vaste univers cinématographique, fréquemment mentionné dans la communication du label, du giallo au film d’horreur, de John Carpenter à Angelo Badalamenti.

L’aspect cinématographique de la musique de Cate Hortl a eu l’occasion de s’exprimer pleinement dans le clip de “Deadpan”, réalisé par Julia Tarissan pour Sourdoreille. Charlotte a composé le morceau en ayant déjà en tête l’image d’un personnage coincé dans l’encadrure d’une fenêtre. Elle est précédée par une séquence onirique et pleine de couleurs, à la Tim Burton, qui tranche avec le monde réel, froid et minimaliste des dernières images. La musique de Cate Hortl se situe entre ces deux extrêmes, à la fois lancinante et hypnotique, froide et à la sensibilité déchirante. « Même si elle est étrange et plutôt mélancolique, il y a aussi de la lumière dans ma musique, dans les synthés, les morceaux plus dansants, les touches plus pop. Ce serait ça les couleurs », affirme-t-elle.

Cate Hortl en concert

Cate Hortl s’est produite pour la première fois en live en septembre 2021 au Petit Bain à Paris, puis à La Maroquinerie. C’est une nouvelle expérience pour celle qui a écumé les scènes de clubs et festivals en duo, une plus grosse prise de risque, mais d’autant plus épanouissante. Entre la pop et le club, ses performances alternent interprétation fidèle des morceaux de l’EP ou variation de rythmiques et d’effets pour les morceaux plus dansants. Charlotte travaille actuellement sur de nouvelles productions, que certain.e.s chanceux.ses pourront sans doute entendre lors de ses prochaines prestations. Cate Hortl jouera le 27 novembre au festival Girls Don’t Cry à Toulouse, le 3 décembre au festival Bars en Trans à Rennes, en compagnie du label Warriorecords avec qui elle prépare un EP pour 2022, et le 15 décembre à la Gaîté lyrique à Paris.

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