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Hip Opsession est une histoire très sérieuse

Si contrairement à mon téléphone Made in China et à ma couperose, vous vous posez la question de ce que j’ai foutu la semaine dernière à Nantes, la réponse est simple : Hip Opsession. Du 1er au 9 octobre, une dizaine de lieux (Trempo, Le Ferrailleur, Le Lieu Unique, le Château des Ducs de Bretagne, le Warehouse, Transfert…) ont accueilli l’édition musique 2021 d’un des évènements socles de la culture hip hop en Loire-Atlantique.

Après une année 2020 durant laquelle le festival avait joué les solides malgré le peu de marge de manœuvre et le risque d’annulation qui planait au dessus des têtes jusqu’au dernier moment, cette nouvelle saison réalisée et produite par Pick Up Production m’a enfin permis de revenir chez moi en me disant que je n’allais peut-être pas remettre les mêmes sapes le lendemain. Loin de vouloir partir dans tous les sens à cause d’une euphorie qui malheureusement serait encore trop précoce, quatre axes y ont été développés : rap, human beatbox, Djing et beatmaking, avec toujours cette volonté fil rouge de cultiver cette idée de transmission des connaissances et des expériences. Conférences, concerts, projections de films et tables rondes ont donc jalonné ce parcours dans la ville dont la ligne d’arrivée fût un week-end ensoleillé dans l’ambiance métallique et illuminé de Transfert où trône le totem de toute une génération aux yeux sulfités rien que d’y repenser, le Remorqueur.

HOS 2021 - Virus ©David Gallard-11 HD

Virus © David Gallard

HOS 2021 - Vadek ©David Gallard-52 - HD

Vadek © David Gallard

HOS 2021 - Sheldon ©David Gallard-7 - HD

Sheldon © David Gallard

HOS 2021 - Le Juiice ©David Gallard-2 - HD

Le Juiice © David Gallard

HOS 2021 - Di-Meh ©David Gallard-20 - HD

Di-Meh © David Gallard

Rocé, Vîrus, Sheldon, Svinkels, Di-Meh, Le Juiice, Benjamin Epps, Team Punk, The Architect… En plus de ces noms qui attirent du monde sans être toujours gage de qualité – à l’instar de Rocé au Ferrailleur, qui n’a pas semblé totalement au point sur scène et sur les morceaux de son dernier EP Poings Serrés, ou des Svinkels au Warehouse, scéniquement dans ce que le public a envie de voir mais sur un son bien mal réglé pour le rap – cette édition a surtout permis aux spectateurs de se rendre compte qu’on en avait enfin fini avec cette image d’Epinal Hocus Pocusienne du rap à Nantes. Merci, car l’hégémonie des soirées dites, d’après la Préfecture, de musiques répétitives, pouvait laisser penser qu’il ne se passait pas grand chose niveau productions rap ici. Je ne sais pas si tous les grincheux du « c’était mieux avant », en route pour leur brunch hebdomadaire, tremblent au feu rouge en y réfléchissant, le cul vissé sur leur single speed en carbone, mais cette salve de fraicheur devrait faire à certains l’effet d’une ligne blanche sur route mouillée.

Ce serait s’enflammer de dire qu’il y a désormais une identité rap propre à Nantes. Par contre, c’est être lucide de dire que depuis cinq ou six ans maintenant les projets, fomentés par cette nouvelle génération qui se bute à la trap, la drill, le R’n’B, sans non plus mettre de côté le boom-bap, sont très sérieux. Il n’y a qu’ à voir de qui s’entourent Coelho, Don Max, FullBaz, Malik alias Omar : Isha, Sheldon, Yung Coeur ou encore Easy Dew en ce qui concerne notamment les trois premiers. Il est donc normal au bout d’un moment, et ce n’est pas un mal niveau bilan carbone, que les acteurs concernés jouent désormais titulaires dans ce genre d’évènement qu’est Hip Opsession. Ils ont d’ailleurs bien cassé la clim’ durant la soirée organisée à Trempo par Slasher, collectif de vidéastes et de photographes nantais qui met régulièrement en image leurs productions sonores.

En plus de revoir avec plaisir Coelho, sur scène à Transfert le jour 1 du closing, dont le track « Vevo » résonne en tête comme un vocal du banquier, les spectateurs ont aussi pu constater le lendemain, l’étendue du talent d’un autre Nantais, Vadek. Le vainqueur de la 11e édition du tremplin Buzz Booster, et dont le second EP Polyvalent 2 est sorti au début de l’été, a foutu de la drill et de la trap partout sur la scène du chapiteau. Très affûté ce couteau suisse. Heureusement que je me suis barré avant le ménage.

Autres faits marquants du week-end de clôture, le concert de Sheldon qui en a surpris plus d’un en jouant des morceaux de Spectre, son nouvel album qui sortira le 4 novembre ; celui de Le Juiice qui a bien « tout niqué, tout niqué, tout niqué » avec sa « trap sale » produite en indé sur son label Trap House et une prestation scénique qui nous a fait traverser Atlanta (« Trap Mama »), Rio (« Bonne Bonne feat. Jok’Air ») et du cash plein de cyprine (« Fuck la fin du mois ») ; le concert de Benjamin Epps, très attendu, et dont le seuls bémols restent le moment où il a appelé les rappeuses potentielles présentes dans le public « à venir rapper sur moi ! Enfin sur scène je veux dire » et celui où il a harangué la foule au rythme de l’insupportable « Seven Nation Army » de The White Stripes. Jure, tu ne le referas plus, Benjamin ! Sinon, c’était carré fraté ; et enfin le set de Di-Meh  énervé comme un avant-centre en manque de réussite malgré le nombre de battes qu’il doit quotidiennement se foutre dans les poumons. Même sensation que de faire une heure de sauna en K-Way après un marathon. Après tout ça, tendu comme un koala devant un eucalyptus, mes jambes n’ont pas eu la force de chercher la porte de l’after.

En ce qui concerne le reste de la semaine, Vîrus a fait du feu avec son micro au Ferrailleur, juste avant Rocé. C’est peut-être aussi pour ça que le manque de préparation de ce dernier fût encore plus visible. Toujours en verve et en tension, le Rouennais a livré un set bouillant comme un SIF sous Baume du Tigre. Longtemps que je n’avais pas mis une oreille dans ses projets et ceux d’Asocial Club, d’où l’envie d’aller écouter Les Soliloques du Pauvre de Jehan-Rictus et de découvrir son autre projet entre théâtre, littérature et politique SCHTILIBEM. Brûlot de Georges Arnaud, auteur du célèbre Salaire de la Peur, dans lequel ce dernier dénonce sa condamnation à tort en 1941 pour meurtre et les conditions inhumaines des dix-neuf mois de détention qui en ont découlé. « Différents types de frappes comme un buteur. J’arrive blindé comme un lutteur ». Ce n’est pas de lui mais de Freeze Corleone dans « Welcome to the Party (freestyle) » mais ça définit assez bien sa polyvalence à fleur de peau qui vise à chaque fois juste.

À noter aussi les conférences organisées au Château des Ducs de Bretagne, avec notamment celle de Célia Sauvage (retrouver notre interview), docteure en études cinématographiques et audiovisuelles et chargée d’enseignement à l’Université Paris Sorbonne Nouvelle, portant sur le traitement de la colonisation dans les clips de rap français et américain. Elle est aussi l’une des créatrices de Balance Ton Clip dont l’objectif est de décoder, dans des clips comme ceux de Rihanna par exemple, les représentations symboliques de classe, de genre…

Enfin, le regret de la semaine restera le concert manqué de la Toulousaine signée chez Low Wood, Zinée, pour cause de Svinkels et sur laquelle il va falloir plus que porter de l’attention dans les mois qui viennent. Elle a sorti en juillet dernier, Cobalt (Low Wood), son premier album, sur lequel Sheldon est encore de la partie, notamment sur la confection de pas mal de ses instrus, ainsi qu’Yveline Ruaud venue présenter l’année dernière les documentaires Clasher l’ennui et 75e Session, la famille du Dojo et qui s’occupe de mettre en image certains de ses morceaux. Une voix vaporeuse, douce, hypnotique au service d’un stylo qui tacle à la gorge.

Photo en une © David Gallard

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