Une voix grave, des cheveux longs, des ongles rouges, une version travestie de la Vierge immaculée, un visage d’éternel martyr, Lauren Auder est venu vous clamer ses complaintes avec un sens de l’orchestration bienvenu. Ou comment se plaindre avec harmonie.
Artistes de tous pays, vous avez beau avoir une carrière semée d’embûches, de victoires et de salles clairsemées, sachez que cela ne suffit pas forcément à se faire tirer le portrait chez Pitchfork et Les Inrocks. Vous ne le recherchez pas, voire vous en foutez royal ? Vous avez 100% raison. À l’inverse, si vous êtes signé sur le label True Panther Sounds dont les noms qui le composent parlent d’eux mêmes (King Krule, Abra, Tobias Jesso Jr), c’est une chose envisageable que de voir votre nom s’afficher dans les lignes de ces médias dits influenceurs. Et ce même si vous n’avez qu’un titre en écoute ou que vous trouvez que le mot d’influenceur est à placer en dessous de fistule et klaxon dans la catégorie des mots à bannir éternellement. Mais trêve d’aigreur, place à la musique.
Lauren Auder n’invente rien. Sa voix profonde est déjà son ticket d’entrée dans le jardin royal de l’indé, puisque le chemin de terre a été préalablement déblayé pour lui. Pratique. Pourtant, on s’est laissé entraîné au-delà, par l’orchestration superbe et constamment sur la tangente qui peuple ses œuvres. Ce compositeur anglais (mais élevé en France) emprunte autant à la pop enchantée de The Zombies qu’au down tempo de James Blake avec des états d’âme baroque que partageait non sans souffrance (le toujours pas mort) Robert Wyatt. On patauge sur la lande en sa compagnie. Ça et là, ce sont des expérimentations rock, répétitives, idm qui croisent notre chemin. Il serait presque de bon ton d’en invoquer Oneohtrix Point Never (« sur For Those Who Patiently Endure ») mais on aurait peur d’aller un peu loin dans l’influence.
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