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Duchess Says, dernière transe avant la foudre

Une atmosphère spéciale régnait en France, le 25 mai dernier, au soir des élections européennes. Notre chroniqueuse a saisi ces moments qui ont précédé l’oppression médiatique en allant voir le groupe montréalais Duchess Says au Nouveau Casino. Les airs de lutin de la chanteuse, le sweat Nirvana et le gin bon marché en ont fait un moment à part.

Cela fait un peu plus d’une semaine. Un dimanche où il faisait mollement beau et où partir voter m’a autant amusé que d’aller récurer mes latrines. Mais bon, j’ai fait les deux. J’ai mis une robe à fleurs, histoire d’appeler le printemps. C’est marrant, il a fini par faire beau dans l’après-midi. C’est plus tard qu’on a pris la foudre.

À côté du Nouveau Casino, Duchess Says finit son repas avant d’aller soutenir Solids, leur première partie. Ce qui frappe tout de suite à leur approche, c’est le regard de la chanteuse de Duchess Says, Annie Claude Deschênes ; doux et à toute épreuve. La front girl charismatique a des airs de lutin. Ce qui la rend sans doute encore plus crédible sur scène, ou dans la fosse.

Ce soir, le groupe glissera quelques nouveaux morceaux en préparation. Des textes qui parlent d’inertie, du cercle répétitif et aliénant de la vie, « comme si quoi qu’on fasse, on se retrouve à reproduire les mêmes choses. Il faut pouvoir prendre du recul, sur ses propres pensées négatives. Il faut pouvoir continuer à travailler son muscle d’émerveillement » me confie-t-elle. D’expérience, Duchess Says joue aussi bien dans des squats que dans des musées d’art contemporain. « Nous ne nous prenons pas la tête et restons les mêmes, quel que soit le public ». Avec une pointe d’appréhension, elle me demande si les gens ici se laissent aller. Je ne suis pas sûre que la moue qu’elle reçoit en guise de réponse l’ait vraiment rassurée. On se quitte là-dessus, elle dans son sweat Nirvana rafistolé, moi dans ma robe à fleurs.

A cinquante mètre de nous, Solids a commencé à jouer. Une power pop énervée aux accents californiens. C’est sympa, plutôt frais et bien exécuté, mais si j’en crois les paroles glanées dans la salle « c’est un peu chiant, mais si j’étais en camping, j’aimerais bien qu’ils aient la tente à côté de la mienne ». D ‘autres reprocheront au duo montréalais de les « forcer à bouffer du taboulé par les oreilles ». En ce qui me concerne, je les trouve certes un peu lisse, mais la pop est sans doute le genre le plus difficile à bien exécuter.

21h : Annie-Claude débarque les yeux écarquillés devant un public déjà conquis. Cela doit être ça, avoir une aura palpable. Antepoc ouvre le bal et des frissons parcourent la colonne vertébrale uniforme de la fosse. Un peu plus tard Tenen Non Neu finit de réveiller définitivement les quelques vieux roublards qui étaient venus sans grande conviction. Dans un éclair éphémère, le masque protecteur de la chanteuse se fendille de joie et d’étonnement devant tant d’enthousiasme. Je lui ai donc dit n’importe quoi, les gens ici sont capable de se lâcher. D’ailleurs, elle est déjà parmi eux pour les arroser à coup de gin bon marché. Une fan vient l’embrasser tendrement sur la joue. Un autre tente d’intimer l’ordre à tous de se mettre à genoux devant elle. La femme timide que j’ai rencontré une heure plus tôt à laissé place à une prêtresse Bauhaus.

C’est à peu près au moment de Negative Thoughts que me vient l’idée de regarder les scores des Européennes. Je dois avoir le timing pour ce genre de choses. Une sorte de sixième sens de l’à propos. Faut que j’aille fumer une clope. Ou douze.

Avec des cris de chatte coincée dans une porte, Annie-Claude, perchée sur le bar chante Gainsbourg. Un garçon qui ne doit pas avoir plus de 14 ans se fait renverser une bière sur la tête. Des paquets de mouchoirs géants circulent de mains en mains de la scène à la fosse. D’ailleurs on ne sait plus très bien qui joue et qui danse tant il y du monde à tous les coins de la salle. Une toute petite fille en robe rouge, lourdement casquée, saute sur les épaules de son père. La musique de Duchess Says transporte tout le monde dans une transe cathartique. C’est donc ça, l’effet du rock sincère.

Tout à l’heure, les parents regarderont eux aussi les infos. Tout à l’heure, tout le monde sera blasé. Mais pour le moment, contestation consciente ou pas, Duchess Says a hissé le drapeau noir.

Crédits photo : Robert Gil

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