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Dans un parc à Bruxelles avec ascendant vierge

Le premier mini-album d’ascendant vierge n’est clairement pas le disque que les amateurs de chanson française attendaient. Mais ils vont devoir sérieusement reconsidérer leurs habitudes musicales.

Pour beaucoup, l’EP Vierge, un condensé radical de pop futuriste à la production tubesque, est la grosse claque de cet automne. Sans concession et sans peur, le duo d’apprentis astrologues ne lit peut-être pas l’avenir dans les étoiles mais il réveille en tout cas les raveurs – et les rêveurs. On s’est posé dans l’herbe d’un parc bruxellois avec Paul Seul et Mathilde Fernandez pour gratter tout cela.

Longueur d’ondes et alignements de planètes

Un peu comme une évidence. Quand on commence la discussion sur la rencontre et l’origine d’une telle symbiose entre les mots, la voix (Mathilde Fernandez) et le bestiaire électronique (Paul Seul), les deux comparses ne prennent pas la peine de s’inventer une mythologie.

Paul : Mathilde m’avait contacté pour remixer son titre « Oubliette » (tiré du EP Hyperstition – 2018)

Mathilde (contextualise) : J’avais envie de faire faire un remix d’un de mes morceaux par des membres de Casual Gabberz que j’avais découverts sur le net, ça s’est imposé à moi que c’était avec Paul que je voulais collaborer grâce à ses prods sorties à ce moment-là, notamment « Gardez vos distances » (sur l’EP ESS – 2018). Il y avait un côté très mélodique qui, je trouvais, pouvait fonctionner. Je l’ai donc contacté sur les réseaux.

Paul : J’ai reçu les fichiers, et j’ai passé toute la nuit à jouer avec les pistes de voix Mathilde sur des sons, je trouvais que c’était cool.

Mathilde : Et moi, le lendemain, j’avais le remix dans ma boîte mail. Et là gros choc, car c’était clairement pour moi le meilleur morceau de ce disque. On s’est rencontré à Paris quelques semaines plus tard.

Paul : Et on s’est vite dit que l’on devrait faire quelques try-outs, quelques sessions ensemble… Sans avoir l’idée de faire un groupe.

Mathilde : Jusqu’à ce qu’on se rende à l’évidence, que l’on devait monter un projet ensemble.

Mathilde (toujours) : A la fin de notre première séance studio dans l’optique de ce projet à deux, on a appelé le fichier de Session « ascendant vierge » car on venait de terminer une conversation sur l’astrologie et découvrir que mon signe était vierge et Paul, ascendant vierge.

Ines Ziouane_@ineskarma-17822

L’Univers est connecté, autant laisser les choses se faire

Sens-tu comme l’air vibre ? Les définitions apposées par le public et les critiques pour décrire les vibrations musicales sont généralement réductrices.

Mathilde (se confie) : On nous a collé vite l’étiquette de gabber lyrique mais je ne fais et je n’ai jamais fait de chant lyrique

Paul (acquiesce) : Il y a des petits passages qui peuvent être qualifiés de gabber, mais l’étiquette vient principalement du fait que je viens du collectif Casual Gabberz, c’est donc un raccourci un peu rapide. Si on veut être précis dans les sous-genres électroniques, on trouve autant de hard tek, hard dance, trance progressive (même des rythmiques drum’n’bass sur l’excellent « La vie d’avance » ou reggae sur « Impossible mais vrai ») sur le disque. Même si j’ai conscience des codes que l’on manipule, notre intention avec ascendant vierge c’est de faire des chansons d’aujourd’hui. Et d’ouvrir le spectre sonore de ce qui tourne en ce moment, ce serait déjà super.

En effet, autant chanson française que party bangers, les morceaux prodiguent la trop rare alchimie entre musique à texte et chanson de club, sans verser une seconde dans le second degré et la parodie.

A cela, on peut ajouter un sens aigu du phrasé et des priorités : la voix de Mathilde est un élément musical à part entière qui obéit plus à la reverb’ et aux drops qu’aux normes de scansion en vigueur. A mille lieux des normes d’une certaine « molle » électro-pop à la française, on ne peut qu’être admiratif de la maturité musicale du projet, sur ce qui reste un premier EP.

Eurodance, cyberpunk et chaussures à plateformes

Quand on regarde les trois clips et les performances confinées du duo, il est clair qu’il n’a pas qu’une identité sonore inédite à défendre mais aussi un univers visuel déjà bien échafaudé, à faire pâlir les pointures US de l’entertainment.

Mathilde : Kevin Elamrani-Lince a été très important, avec la réalisation du premier clip (« Faire et refaire ») et du second (« Influenceur ») en collaboration avec Golgotha, une boîte qui fait de la 3D et des effets visuels. Il a fait ce choix d’espaces très industriels, qui font autant référence à la musique techno qu’à un certain cinéma. C’est ce qui nous a permis d’amener nos références, entre autre le film Le Cinquième élément.

Paul : On ne va pas se laisser croire, comme des gros naïfs, qu’on a réinventé le cyberpunk. On a plutôt pensé aux années 90, à une série de films ou d’ambiances qui nous ont forcément défini à ce moment-là, dans notre enfance et notre adolescence. Mais avec un petit twist, comme l’intégration des masques Instagram dans le clip de « Influenceur. »

Mathilde : Peut-être le fait aussi que l’on vit maintenant en Belgique. Musicalement, j’aime bien re-contextualiser cette période fin 90, début 2000 où la techno et la house se croisent et où cette eurodance émerge, accompagnant un peu aussi la promesse de l’Europe, l’arrivée de l’euro… une énergie très positive. Quand on regarde comment les jeunes s’habillent aujourd’hui, on est de retour dans cette tendance, alors qu’au niveau social, écologique et politique, on est clairement dans un gros down.

Paul : Même si les années 1990, c’était quand même bien down aussi…

Un temps se suspend dans le noir

La crise du Covid a forcément eu un impact sur le développement du groupe ?

ascendant vierge : Pas tant que ça, on n’a pas arrêté la machine. Même si la maison de disque (le label berlinois Live From Earth Klub) voulait par exemple décaler la sortie du clip « Influenceur », on a résisté. Bien sûr la tournée d’été pour les festivals a été annulée, le EP reporté de juin à octobre mais on en a profité pour finir la production de nouveaux morceaux pour avoir un disque plus copieux. On a aussi sorti cette cover de David Guetta pendant le confinement (« Stay » massivement remanié pour devenir « Où sont nos rêves ? ») et multiplié les livestreams et résidences, comme ici au Botanique à Bruxelles.

Vierge sort le 9 Octobre chez Live from Earth Klub et c’est de la frappe.

discoteca_@ineskarma-141

Crédits photos de l’article : Inès Ziouane (@InesKarma)

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