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Comment les artistes chantent le football

Impossible d’y échapper, même pour ceux qui le voudraient de tout cœur : en ce moment, c’est la Coupe du Monde. Une période de dilemme pour ceux qui aiment le ballon rond et la musique, obligés de regarder le calendrier des matchs avant de prendre leurs billets pour un concert. D’où l’idée de faire une playlist totalement subjective et non exhaustive (à retrouver en fin d’article) pour voir comment les artistes traitent ce sujet (quasiment) universel. Le tout garanti sans Jean-Pierre François, Johnny Hallyday ni Francis Lalanne.

Au premier regard, football et musique ne font pas forcément bon ménage. D’un côté, ceux qui croient que le football est trop sérieux et complexe pour être raconté en musique, de l’autre, ceux qui croient que la musique est trop importante pour s’abaisser à parler de 22 mecs en shorts courant derrière un ballon. Pourtant, quand on voit les efforts de la FIFA et de l’UEFA pour nous pondre un hymne « fédérateur » à chaque grande compétition, on peut se dire que les deux disciplines sont intimement liées. Et elles le sont, avec qualité, quand on ne laisse pas le micro aux footballeurs eux-mêmes, ou pire, aux commentateurs sportifs (Thierry Roland, ta troisième mi-temps, tu ne l’as pas emportée au paradis).

Depuis sa création en Angleterre à la fin du XIXème et à mesure qu’il gagnait en importance, le football, plus que tout autre sport, a eu besoin d’hymnes. Peut-être justement parce que c’est le sport le plus imprégné de religiosité avec ses chapelles que l’on fréquente le week-end, ses idoles, ses rituels, son penchant universaliste, ses mythes, ses démons et ses malédictions. Les hymnes de stade ont souvent des genèses incertaines mais ils durent dans le temps parce que le public se les sont appropriés, parfois malgré l’absence de bon goût : en France, en 2018, l’OM rentre toujours sur le terrain du Vélodrome avec « Jump » de Van Halen, le PSG sur Phil Collins et l’AZ Alkmaar, sur un remix hardtek des « Lacs du Connemara ».

En Angleterre, berceau du foot et de la pop, quasiment tous les clubs ont un hymne qui marque l’entrée des joueurs. Parmi eux, comment ne pas citer le « You’ll Never Walk Alone », hymne de Liverpool FC, du Celtic Glasgow ou du Borussia Dortmund ? Ce titre d’entre-deux-guerres, repris par Gerry & The Pacemakers dans les années 60, a acquis une telle puissance émotionnelle qu’en 1971 Pink Floyd agrémente son morceau « Fearless » d’extraits du chant lancé par le Kop d’Anfield. Et parmi les chants de supporters, sur les airs de « Go West », « La Lambada », «Porque Te Vas », « Emmenez-moi » « Hey Jude », « Love Will Tear Us Apart » ou encore « Just Can’t Get Enough », un a dépassé les travées des kops pour être repris par tous, dans tous les sports, grâce à son riff simple : « Seven Nation Army » des White Stripes. Evidemment, quoi de plus facile que de reprendre un air entêtant sans avoir à rougir de ne pas connaître les paroles ?

You’ll never walk alone (Supporters de Liverpool cover)

Reprenant cette tradition des hymnes de stade, depuis des décennies, chaque grande messe que sont les Coupes du monde et les Euros, un hymne bien marketé nous est asséné, le plus souvent par un nom ronflant. Pourtant, seul au milieu des enfers musicaux que sont les hymnes sortis par Pitbull, Ricky Martin, Placindo Domingo, David Guetta, Vangelis ou bien encore Ennio Morricone. Rappelons-nous, le succès planétaire de « Waka Waka » de Shakira écrit pour la Coupe du monde 2010. Jusqu’à l’overdose. Si ce succès doit avant tout à la qualité tubesque et à la fraîcheur de l’interprète, il s’est progressivement détaché de l’événement (honnêtement, ce n’est pas grâce au parcours de l’équipe de France cette année-là que ce titre a pu demeurer n°1 en France pendant de longues semaines). De même pour le « We Are The Champions » de Queen. S’il a été composé pour en faire un hymne de stade à une époque où le groupe commençait à les remplir, il n’a été utilisé qu’après coup pour la Coupe du Monde 1994 et 3 ans après la mort de Freddie Mercury. Finalement, le vrai hymne de foot, composé en tant que telle et qui électrise tout le monde, joueurs et (télé)spectateurs, c’est l’hymne de la Ligue des champions inspiré de Haendel.

De même, une chanson plus ou moins officielle est chargée d’accompagner les grandes équipes à l’approche d’une grande compétition. Là encore, écouter ces morceaux revient à passer le Styx et a plutôt tendance à porter la poisse qu’à galvaniser l’équipe. L’Angleterre, berceau de la pop et du foot s’y est essayé depuis les années 60 avant de jeter l’éponge, le résultat sur le terrain étant aussi affligeant que le niveau musical. Seule exception notoire, le « World in Motion » de New Order, à l’occasion de la Coupe du monde 90. Loin d’être le meilleur morceau du groupe, il a le mérite d’apporter la fraîcheur du Second Summer of Love et symbolise un vrai tournant : quand le foot anglais devient cool après des années de kick and rush austère et de hooliganisme. Hasard ou coïncidence, l’Angleterre se hissera cette année-là jusqu’en demi-finale.

D’autres chansons sont associées au foot mais indirectement, par un simple jeu vidéo. Le cultissime FIFA 98 et son « Song 2 » d’ouverture ont rythmé les journées de millions de personnes aujourd’hui âgées de 28 à 45 ans. Dans une moindre mesure le « Club Foot » de Kasabian, qui, malgré son nom, n’est pas du tout lié au foot. Pourtant, la chanson fait partie de la bande-son de FIFA 13 et l’équipe espagnole l’a écoutée avant tous les matchs de leur parcours victorieux à la Coupe du monde 2010, à l’initiative de Fernando Torres. Un peu comme le « I Will Survive » sorti des placards en 1998 grâce une vanne de vestiaire lancée par Vincent Candela. Ah et il y a même les Slow Sliders, Woodrow, Djokovic, Bantam Lyons, Souvenirs ou encore Classe Mannequin qui font un ciné-concert Les Yeux dans les Bleus, pour revenir à ce merveilleux été 98.

Kasabian – Club Foot

La musique dans les stades est, en somme, une évidence mais mettre en musique la grande histoire du foot, c’est une autre paire de manches (longues). Longtemps, à de rares exceptions près, le foot était très peu abordé dans la pop ou le rock. Ou alors, il l’était mais pour le critiquer vertement. On citera La Mano Negra dans « Santa Maradona (Larchuma Football Club) », comme Belle & Sebastian dans « I Don’t Want to Play Football » ou ironiquement chez The Fall avec « Kicker Conspiracy ». Ceux qui osaient évoquer leur amour pour le ballon rond le faisaient de façon détournée par leur nom de scène (Astonvilla, Kid Francescoli, Déportivo) ou par un album, comme George Best de The Wedding Present – encore que ce joueur à part, considéré comme le 5ème Beatles, dépassait les frontières du foot. Le problème est que parler de foot sans tomber dans le cliché ou le clivant, c’est compliqué. Certains ont osé déclarer leur amour à leur joueur fétiche, parfois avec second degré, qu’il s’agisse de Vaudeville Smash avec « Zinédine Zidane » ou de La Lucha Libre avec « Bruno Grougi » ; d’autres avec sérieux comme Mickey 3D et « Johnny Rep », Gilberto Gil et « Meio de Campo » à propos d’Afonsinho, joueur rebelle des années 60, ou encore Sheiks et « Eusébio ». Mettre en musique le football paraît aussi compliqué que de le porter à l’écran. Peut-être un seul cas arrive à mettre en lumière les trois disciplines d’un coup : Zidane A 21st Century Portrait des artistes Douglas Gordon, et Philippe Parreno avec sa BO signée Mogwai.

Certains se sont quand même aventurés à chanter le football sans être ridicules : Le Prince Miiaou avec « Football Team » qui parle de sa colère de ne pas être choisie dans l’équipe de foot parce que c’est une fille et que les filles ça ne jouent pas au foot ; Miossec, qui, dans « Evoluer en Troisième Division » évoque par le spectre footbalistique son romantisme de loser magnifique : conscient d’être trop bon pour être un énième anonyme mais avec trop de défauts pour être un crack ; ou le peu connu mais talentueux groupe de Liverpool Half Man Half Biscuit qui avec ironie affirme « Dead Man Don’t Need Season Ticket ». Tout récemment, Parquet Courts dans « Total Football », assimile ce style de jeu offensif où tout le monde met la main à la pâte à un combat politique, un mode de vie et une façon personnelle de concevoir un groupe de rock : complémentaire, sans leader individualiste prenant toute la lumière, offensif, en apparence simpliste mais pour autant très technique et efficace. Ajoutons à ça un clip formidable rendant hommage aux Panini, albums photos de la grande famille du football et on peut dire que le plus bel hommage au football dans la musique pop rock nous vient d’un pays où on l’appelle soccer.

Miossec – Évoluer en Troisième Division

Un style musical a pourtant réussi à donner ses lettres de noblesse au foot, c’est le rap. Parce que les rappeurs d’hier ont été élevés dans l’esprit Canal qui faisait la part belle au ballon rond, que ceux d’aujourd’hui ont grandi dans les mêmes cités que bon nombre de footballeurs pro d’aujourd’hui et parce que regarder des matchs toute la journée avec ses potes en lançant des punchlines, c’est parfaitement dans l’esprit du rap. Deux pratiques populaires, longtemps boudées par l’intelligentsia et qui ont acquis aux yeux de tous, sinon une crédibilité, une légitimité.

En France, IAM, dans « Le Feu », a repris le chant marseillais du même nom dès l’ouverture d’Ombre et Lumière sorti en 1993, année de la victoire de l’OM en Ligue des Champions. Une façon de se poser en figure de proue de la scène hip-hop française de l’époque. Trois ans plus tard, Doc Gynéco balance tout en nonchalance son redoutable « Passement de Jambes », mélange de références foot et d’egotrip. Un exercice de style qui est devenu une coutume du rap, se comparer à joueur de foot et à sa puissance, sa technique, son sens du comba. De Zidane à Roy Keane, en passant par Philip Lahm, Mario Balotelli, Blaise Matuidi, Raï, Freddie Adu ou Valérien Ismaël, tous ont été cités par des rappeurs aussi variés que Jedi Mind Tricks, Jay-Z, La Caution, Drake, Niska, Alpha Wann, PNL ou JeanJass.

Parmi toutes ses références aux joueurs de ballon rond, « N°10 » de Booba fait figure de référence : sur une production incroyable d’Animalsons, le Duc s’identifie au numéro mythique du foot, celui du meneur, du maître à jouer, qui est la base de toutes les attaques. 14 ans plus tard, Booba fait toujours figure de taulier du rap français. Quant à Lorenzo, lui qui se marre à porter des jogging mélangeant couleurs du PSG et de l’OM, il utilise de façon décalée les références footballistiques dans « Carton Rouge », petit hommage à la grande tradition des bouchers sur gazon. Tout le contraire de Jazzy Bazz qui parle avec sincérité de son amour de jeunesse pour les tribunes du Parc dans « Ultra Parisien ».

Foot et musique interagissent très souvent, sous de multiples aspects et parfois de façon heureuse. Alors, puisqu’il faut faire une sélection, voici 22 titres comme autant de joueurs sur un terrain. Et si vous souhaitez aller plus loin, vous pouvez toujours consulter ce site-, mais aussi le livre Le Petit Manuel Musical du Football ou encore la chaîne YouTube Le Règlement qui fait actuellement une série de vidéos spéciale punchlines footballistiques.

La voilà la playlist

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