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Comment la Cour de justice européenne met la création musicale française à genoux

Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pourrait bien porter un coup terrible aux quatre OGC (organisme de gestion collective des droits des artistes interprètes) français et, par ricochet, aux artistes et aux structures musicales les plus fragiles. Dans un contexte déjà marqué par la crise sanitaire et ses conséquences désastreuses sur le secteur, ce jugement ne pouvait pas tomber plus mal.

Rien ne va en 2020. Et malheureusement pour l’industrie musicale, ça n’est pas près de s’arranger. Le 8 septembre dernier, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne a asséné un coup de massue sur la tête des labels et des artistes, notamment les indépendants et les plus fragiles. Il n’y avait pas besoin de ça en ce moment, pourtant, le sort continue de s’acharner. Le sujet est complexe, et les conséquences lourdes et encore floues. Tout de même, on sait que certains labels indépendants vont très vraisemblablement perdre jusqu’à 35 % de leur budget, et cela pour une durée indéterminée (voire définitive). « C’est panique à bord, c’est catastrophique », assène David Morel, label manager de Jarring Effects. Comment, alors que la crise sanitaire a déjà rendu exsangue certaines structures (source), a-t-on pu ajouter encore plus d’incertitude et de difficulté à ce secteur si instable ?

Vous n’avez pas les bases

Pour comprendre cette décision dramatique pour la création musicale française, il faut d’abord rappeler quelques points techniques. En France, il existe des structures appelées organismes de gestion collective (OGC), qui sont en fait des groupements de producteurs (principalement des maisons des disques) ou d’artistes en sociétés civiles. Deux d’entre elles représentent la majorité des artistes-interprètes :

-L’Adami (Administration des droits des artistes et musiciens interprètes)
-La Spedidam (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes)

Deux autres représentent la majorité des producteurs (et donc des maisons de disques) :

-La SCPP (Société civile des producteurs phonographiques)
-La SPPF (Société civile des producteurs de phonogrammes en France)

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Toutes ont une mission principale : collecter (via une autre entité appelée la SPRE) ce que l’on appelle les droits voisins, qui se divisent eux-mêmes en deux catégories principales, à savoir la rémunération équitable et la copie privée :

-Les fabricants et importateurs de disques durs externes, de CD vierges ou de clés USB paient une redevance au titre de la copie privée (on estime que ces supports peuvent servir à copier de la musique, il faut donc que les artistes et producteurs s’y retrouvent).
-Lorsque qu’une radio, un bar ou une boîte de nuit diffusent une musique en France, ceux-ci doivent payer des droits voisins au titre de la rémunération équitable. Ce sont eux qui nous intéressent.

Oui mais voilà. Il existe plusieurs accords internationaux encadrant tout cela, à savoir la convention de Rome (1961, notamment signée par la France, mais pas par les États-Unis) et le TIEP (1996, signé par les États-Unis et la France). Ces deux traités sont les bases sur lesquelles la répartition des droits voisins perçus par les sociétés civiles se repose. Ce qu’il faut retenir, c’est que la convention de Rome impose notamment aux États signataires de répartir équitablement les droits voisins collectés entre les producteurs et les artistes de chaque pays. Par exemple, les maisons de disques n’ont pas le droit de tout garder pour elles, il faut que les artistes-interprètes touchent un pourcentage équivalent. Le TIEP, lui, impose aux États signataires, entre autres choses, de reverser à chaque pays les droits qui lui sont dus. Autrement dit, si une radio française passe un morceau d’un artiste américain (prenons Eminem), elle verse des droits voisins aux sociétés civiles françaises comme l’Adami ou la SPPF, qui doivent ensuite les reverser aux ayant-droits américains. Vous suivez ? Bien.

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Pas très fair-play

C’est là que ça se complique (et oui, jusque là c’était simple). Dans certains traités internationaux, les États ont le droit d’émettre des réserves, comme l’explique la docteure en droit Johanna Bacouelle dans un excellent article sur le site Le Village de la justice. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas sommés d’appliquer tous les points du traité. Et justement, les États-Unis, qui ont signé le TIEP en 1996, ont émis une réserve sur celui-ci. Elle concerne justement le point disant que chaque pays doit reverser les droits collectés sur son territoire aux pays correspondant à l’artiste. En somme, que si PNL ou Jul sont diffusés à la radio américaine, il doivent toucher des droits voisins. Et bien non, venant des États-Unis, ils ne touchent rien. Pas très fair-play, direz-vous. On est d’accord.

Pourquoi les États-Unis ont-ils pris cette décision en apparence discutable ? C’est difficile à dire. Plusieurs raisons sont avancées (source), la première étant celle du coût. Les radios, les bars, les boîtes de nuit américaines perdraient trop d’argent en reversant ces droits aux artistes et producteurs des autres pays. Déjà qu’ils doivent payer pour passer de la musique produite chez eux, il ne faut pas trop en demander. Le lobby des radios, très puissant outre-Atlantique, y est peut-être pour quelque chose. D’ailleurs, une grande partie des stations américaines ne paient aucun droit voisin du tout depuis 1998. Autre raison, plus culturelle cette fois : l’industrie musicale américaine s’est construite via la culture des toutes puissantes « record sales ». Si tu vends ta musique au public, tu gagnes de l’argent, point barre. La méritocratie est bien ancrée. Alors, la collecte des droits voisins, qui ne correspondent pas à des ventes mais à des diffusions, semble être secondaire.

Le groupe des rebelles

Imaginez : vous êtes une société civile française, comme la SCPP. Vous collectez les droits voisins relatifs à la diffusion en France de la musique d’Eminem, et vous devez les reverser aux États-Unis. Très bien, c’est après tout ce que stipulent le TIEP et la convention de Rome, que vous avez signés. Mais en retour, vous ne touchez pas les droits de la musique de Jul diffusée aux États-Unis parce que ces derniers n’ont pas envie de vous les remettre. Dans ce cas, pourquoi ne pas faire de même et, à votre tour, émettre une réserve pour « non réciprocité », d’autant que les États-Unis n’ont jamais signé la convention de Rome ? C’est exactement ce que beaucoup de pays, dont la France (avec la loi Lang en 1985), ont décidé de faire.

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David Morel, Jarring Effects, DR

Et puis, David Morel de Jarring Effects l’explique : « Si l’on compare le montant des droits non reversés aux artistes américains par la France, il est bien plus élevé que les sommes collectées par les ayant-droits français aux États-Unis. » Bah oui, Eminem passe plus souvent à la radio en France que Jul ne passe à la radio aux États-Unis. SoundExchange, plateforme américaine de collecte de droits voisins, listait en février dernier les pays rebelles : le France, donc, mais aussi la Finlande, le Japon, l’Australie, les Pays-Bas, le Canada, l’Irlande, la Suède… Il y en a d’autres.

« On ne peut pas se passer de ces aides »

Très bien, mais avec tout cela, les sociétés civiles françaises se retrouvent avec les droits voisins générés en France par la diffusion de la musique américaine sur les bras. L’État a donc décidé que ces sommes seraient considérées comme non répartissables. Dans cette catégorie, on retrouve également des droits voisins collectés pour des artistes et producteurs français, mais dont les bénéficiaires ne peuvent pas être identifiés clairement en raison d’un manque d’information.

Tous ces droits non répartissables sont regroupés par les sociétés civiles dans des fonds d’aides à la création. Régulièrement, la SCPP, la SPPF, l’Adami et la Spedidam organisent des commissions qui examinent les demandes d’aides de leurs adhérents (producteurs et maisons de disques pour les uns, artistes-interprètes pour les autres), et accordent des montants en fonction des projets. « Avec l’Adami, on a droit à trois aides par an, précise Yannick Matray, cofondateur et gérant du label InFiné. C’est uniquement pour les projets d’albums. On est également à la SCPP chez qui on peut présenter autant de projets qu’on veut à l’année. » Sourdoreille bénéficie aussi de certaines de ces aides. L’Adami nous soutient depuis 5 ans pour notre série Variations, par exemple, pour laquelle nous rémunérons les artistes. Et plusieurs labels (dont InFiné, justement), nous permettent de profiter indirectement de certains financements pour la production de clips concernant leurs artistes.

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Yannick Matray (InFiné), DR

Concrètement, ça se partage le fric de l’Oncle Sam de bonne guerre. « Si nous, petit label indépendant, voulons faire les choses dans les règles de l’art en salariant les artistes, les techniciens et autres, on ne peut pas se passer de ces aides », assène David Morel. Pour son label Jarring Effects, cela représente environ 35 % du budget annuel. Pour InFiné, on est plutôt aux alentours de 25 %. Une grande partie de l’industrie musicale vit grâce à ces aides. La preuve : chaque année, la Spedidam seule reverse des aides à environ 34 000 artistes et interprètes différents.

Mais ça, tout ça, c’était avant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 8 septembre.

Le choc est terrible

Décollage pour l’Irlande. Depuis plusieurs mois, un conflit oppose deux sociétés civiles locales. Voici le match :

-La RAAP (Recorded Artists Actors Performers Ltd), qui gère les droits d’artistes-interprètes. L’équivalent irlandais de l’Adami ou de la Spedidam.
-La PPI (Phonographic Performance Ireland Ltd), qui gère les droits des producteurs de phonogrammes. L’équivalent irlandais de la SCPP ou de la SPPF.

L’Irlande est signataire du TIEP, mais, comme la France, a décidé de ne pas reverser les droits voisins aux États-Unis (puisque ces derniers n’en reversent à aucun pays, rappelons-le). Cependant, elle n’est pas signataire de la convention de Rome, et n’a donc pas été obligée de mettre en place une répartition égale de ses droits voisins entre artistes et producteurs. Conséquence : c’est la PPI qui récupère tous les droits voisins du pays, auteurs-interprètes et producteurs compris, et qui ensuite en reverse une partie à la RAAP. Sauf que les droits non répartissables qui devraient normalement revenir à la RAAP sont conservés par la PPI. Bof bof… La société défendant les auteurs-interprètes, qui estime que cette situation n’est pas équitable, et a donc décidé de saisir la justice irlandaise dans un premier temps. Qui, constatant qu’il y aurait probablement une question de conformité au droit européen derrière tout cela, a finalement demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de trancher.

Et oui, car l’Union européenne ne se contente pas de regarder ses pays membres faire ce qu’il veulent avec la propriété intellectuelle. Le 7 décembre 2000 entrait en vigueur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Si l’on se réfère au chapitre 2 intitulé « Liberté », que l’on cherche ensuite l’article 17 intitulé « Droit de propriété », et que l’on s’arrête au point 2, on peut lire : « La propriété intellectuelle est protégée. » C’est simple, et cela permet à l’Union Européenne d’exiger que les règles décidées par chaque pays en matière de propriété intellectuelle ne valent pas les siennes. En somme, c’est l’UE qui décide, et qui, via sa Cour de justice, met aujourd’hui tous ses membres au diapason : il faut redistribuer les droits voisins aux pays non membres de l’UE même si ces derniers ne le font pas. Désormais, il faut payer Eminem et ses compatriotes.

Le choc est terrible, car en France, tous les fonds d’aides qui dépendaient en grande partie de ces droits pourraient diminuer de 50 % selon un communiqué de la SPPF, soit de 25 millions d’euros. Pour la SPPF seule, par exemple, cela représente 8 millions d’euros. Pire, la Cour de justice de l’Union européenne dit aussi qu’un principe de rétroactivité sur cinq ans doit être instauré. Si c’est bien le cas (c’est encore en suspens), ce montant pourrait être bien plus élevé encore.

Le clip de Rone, « Room With A View », a été produit par notre équipe pour Infiné, qui bénéficie de subventions de la SCPP pour financer des projets audiovisuels de ses artistes.

 

Le coup de grâce

Alors certes, cela ne s’est pas décidé en une journée. En juillet 2020, la CJUE était déjà saisie, et l’avocat général, très souvent suivi par la Cour, avait requis cette exacte décision. Dans une industrie musicale aux abois, rares sont ceux qui avaient senti le vent tourner durant l’été. L’épée de Damoclès était bien là, mais même les quelques avertis ne connaissaient pas la date du jugement définitif. Problème, les choses sont allées inhabituellement vite du côté de la CJUE. « Ça a pris tout le monde par surprise, y compris l’État français, explique Benoît Galopin, juriste pour la Spedidam. Ce dernier est habituellement très réactif et peut apporter des observations auprès de la CJUE avant qu’elle ne rende une décision. Mais là, il n’y avait pas d’observation de sa part. Ça n’a pas été anticipé, c’est le choc. »

« Nous, on ne savait même pas que ces tractations avaient lieu en Irlande, ajoute David Morel. La décision est tombée comme ça. Dans le secteur, on sait depuis des années que puisqu’il n’y avait pas de principe de réciprocité avec les États-Unis, quelque chose planait. Mais la décision et ses conséquences sont brutales. Et plus le label est petit et fragile, plus l’impact de la décision est fort. » Vivien Gouery, codirecteur du label Yotanka et membre du conseil d’administration de la SPPF, abonde : « On se retrouve dans une position catastrophique. La situation n’était pas claire mais nous respections les décisions de l’état. Maintenant la situation est claire… Elle n’est pas dans notre sens du tout, et elle tombe au pire moment possible. »

Au pire moment possible, car inutile d’être spécialiste en droit européen pour savoir que le secteur musical traverse actuellement sa pire crise depuis… Et bien depuis toujours. Selon certaines estimations, les droits voisins générés en 2020 ont déjà baissé de 30 % par rapport aux autres années. Logique : qui dit confinement et restrictions dit fermeture des bars, des clubs et des restaurants, et donc baisse des droits voisins. Cette décision, c’est bien le coup de grâce au pire moment imaginable.

« C’est très mal barré »

D’autant que la France est clairement l’un des pays les plus touchés. Elle partage ce système de fonds d’aide basé sur les droits non répartissables avec la Finlande, qui doit tirer la tronche également. Dans les autres contrées d’Europe, les cas varient. « En Suède, par exemple, les droits non répartissables n’étaient tout simplement pas prélevés, précise Benoît Galopin. Cela signifie que les radios ou les bars ne payaient pas de droits voisins sur la diffusion de musique américaine. Désormais, ils devront le faire. » Eux aussi vont trinquer. En Italie, plusieurs maisons de disques internationales parvenaient déjà à rapatrier des droits voisins aux États-Unis via leurs filiales américaines. Bref, il y a de tout, et comme le dit Guillaume Damerval, gérant de la Spedidam : « Il va surtout falloir prendre le temps d’analyser la situation en concertation avec les autres sociétés civiles et tous les acteurs touchés. Nous travaillons avec des professeurs de droit et des organismes européens pour évaluer les pertes. Ensuite, on verra quels sont nos moyens d’action. »

En attendant, les sociétés civiles françaises, en plus d’avoir pris contact avec le ministère de la Culture qui leur promet un rendez-vous dans ses locaux lundi 5 octobre, ont globalement décidé de geler les demandes d’aides (lire l’annonce de suspension des demandes de l’Adami). Même celles qui avaient déjà été votées. « La semaine dernière, une commission de la SPPF a eu lieu malgré tout, raconte Vivien Gouery. Si une issue positive était trouvée entre temps, certaines aides auraient déjà été décidées. Les commissions sont maintenues, mais sans savoir si l’argent sera versé ou pas. » Entre temps, une autre source affirme qu’une dernière commission de l’Adami est prévue pour la mi-octobre. Puis, plus rien.

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Vivien Gouery, du label Yotanka et membre du CA de la SPPF

« Certaines structures ont des demandes d’aides en cours qui chiffrent à près de 15 000 euros, et qui sont de nouveau mises en attente, précise David Morel. Quand tu dois revoir tout ton plan de trésorerie en fonction, c’est flippant. » Et de souligner un climat d’incertitude pesant : « Si on prend en compte les soldes pas encore perçus et les demandes que l’on comptait faire, on est à 30 000 euros en moins sur les six prochains mois, minimum. C’est simple, ça représente environ 35 % de notre budget qui disparaît. A moyen terme, on peut atteindre 50 % de pertes globales puisque nos ventes baissent d’année en année. On est sur de gros projets en termes de masse salariale. On enregistre des albums en Jamaïque, au Congo… Ça a un coût. Entre l’Adami et la SPPF, ça peut représenter 10 000 euros par projet. On est en train d’annoncer à nos artistes que l’on revoie tous nos plans pour 2021. Personne ne sait jusqu’où ça va aller, mais c’est très mal barré. On est dans un engrenage psychologique vicieux. »

En mode survie

Des pistes, lancées dans la précipitation par plusieurs sources, évoquent un soutien de l’État via le Centre national de la musique (CNM), créé en janvier 2020. Rien n’est moins sûr à l’heure actuelle. D’autres mentionnent des hypothétiques fonds de réserve que les sociétés civiles auraient à leur disposition. Réponse : « A la Spedidam, c’est très simple : les sommes qui sont engagées dans la création artistique sont perçues puis redépensées chaque année, explique Guillaume Damerval. Entre 50 000 et 80 000 euros sont conservées en prévision de l’année suivante, mais c’est un petit pourcentage, il n’y a pas vraiment de réserve. L’argent rentre et ressort aussitôt. Il y a même des recommandations nous disant de dépenser. » Pour preuve, dans son rapport rendu le 5 juin 2019, la Cour des comptes demandait aux sociétés civiles de ne pas garder de réserve, et de ne pas gonfler leurs trésoreries (source).

Pour autant, l’heure n’est pas à l’abattement. « On est une petite structure, on sait s’adapter, lance Yannick Matray chez InFiné. On a fait face au piratage, à la baisse des ventes physiques, à la crise sanitaire… InFiné est né il y a quinze ans et a grandi dans un contexte très dur pour l’industrie musicale. Plutôt que de se laisser abattre, on va essayer de penser les choses différemment. On va peut-être moins dépenser, moins se faire plaisir, privilégier les choses commercialement viables… Il est probable qu’on essaie de limiter les risques. » Ce qui est sûr, c’est qu’en plus des pertes sèches pour les structures et les artistes, l’impact sur la nature de la création elle-même pourrait bien se faire ressentir dans les prochains mois. L’avenir est peut-être flou, mais il n’est clairement pas radieux.

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