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Cigarettes After Sex, histoire numérique d’un bouche à oreille

Hors radar des médias et inconnus au bataillon des non-connectés, les Texans de Cigarettes After Sex ont provoqué une détonation digne des meilleures histoires d’internet en collectionnant les dizaines de millions de vues en cinq ans. A l’aube de leur tournée européenne et d’une certaine saturation d’internet en musique, on s’interroge sur les meilleures manières d’accéder au plus près de l’auditeur. Lui forcer la main ou lui murmurer à l’oreille ?

Après les artistes façonnés par l’industrie, les gagnants de tremplins, les chouchous des médias et les ovnis populaires, notre heureux siècle a mis en avant une nouvelle trempe d’artistes : celle qui a des facilités à créer un projet pluridisciplinaire allant bien au-delà de la simple musique. Eh oui, la musique a aujourd’hui bien du mal à exister sans enrobage, après avoir gloutonné 60 ans de pop. Pour répondre aux codes d’internet et des réseaux sociaux, l’artiste a bien été forcé de se mettre en scène. Pour son plus grand déplaisir ou son intime satisfaction narcissique. Aujourd’hui, on accède à un artiste via toute une palettes de couleurs : son goût pour une imagerie bien référencée, une réactivité face aux actualités brûlantes, ses punchlines fracassantes, ses courtes vidéos Instagram nous montrant l’intérieur de sa maison, le making-off de ses créations. Tout est bon pour appâter le chaland 2.0.

Par la suite, pas de chance, tout le monde s’est mis à danser sous sa douche en multi-caméra en direct Facebook. Doublé des vidéos en lancement automatique et des statuts politiques ô combien indispensables au nettoyage des océans, le web a pris l’eau, et les possibilités d’exister en son sein, avec.

Mais certains petits malins ont toujours un temps d’avance et n’ont pas besoin de recourir à ces fanfaronnades. Prenons le cas de Cigarettes After Sex, un groupe dont 99% de la population mondiale connectée à YouTube n’avait jamais entendu parler il y a encore un an, mais dont 97% avait paradoxalement sans le savoir déjà écouté l’intégralité de ses chansons. Commentquipourquoi ? Grâce à une stratégie de référencement maîtrisée comme des chefs ? Un bouche-à-oreilles, comme on en connaît que trop peu ? Un peu des deux.

Sans déconner, jamais encore on n’avait vu les algorithmes de YouTube focaliser autant l’internaute sur un groupe indé. Ou presque (mais les hyperboles, ça fait du clic). On pourrait appeler ça L’Effet Rag’n’Bone Man, soit le type inconnu qui concentre dans le plus d’écoutes Spotify de tous les temps. Difficile de pronostiquer précisément pourquoi Cigarettes After Sex a été tant proposé dans le YouTube Mix après n’importe quel morceau, d’un Gala à un Ben Klock, en passant par un Bonobo ou un Drake, mais le bilan est complètement dingue : des dizaines de millions de vues pour un ersatz agréable de The XX, ni trop oui ni trop non, qui rassemble enfin les générations X, Y et Z à l’heure des fins de soirée.

Qui de Cigarettes After Sex ou du référencement, qui de l’œuf ou la poule a commencé la course folle à la gloire numérique dont se sont emparés des millions d’internautes ? Rien n’est moins sûr. Il n’empêche qu’on a face à nous un groupe qui a su plus que n’importe qui, sans placarder plus que de mesure sa vie privée, sans multiplier les photos de presse et les happenings, se hisser dans dans la mémoire inconsciente, à la façon de ces rues placardées de publicités insidieuses.

Au-delà du marketing et d’un nom vendeur aux volutes gainsbouriennes, Cigarettes After Sex possède toutes les qualités du premier The XX. Il en ajoute tout de même quelques défauts, notamment celui de rajouter à la longue liste de groupes de dream pop mélancolique du moment. Mais que voulez-vous, il faut bien qu’on sache vibrer quand, couchés sur le dos le regard scrutant au-delà du plafond, on prend toute la mesure d’un mardi de semaine où la vie nous semble tout simplement neutre et sans but, où l’on prend conscience de notre extrême normalité dans un monde qui a l’air d’une course descendante de gouttelettes sur la vitre d’une bagnole sale. Point de méchanceté en règle pourtant à leur égard, il en découle une musique largement écoutable à l’heure de l’apéro.

Tout le défi pour ces groupes multi-starisés sur le net demeure ensuite de monter sur scène et de tenir une foule. Un boulot d’une autre ampleur. Autant pour l’album studio, on ne doute pas une seconde que les labels aux aguets et les producteurs compétents ne manquent pas, autant ouvrir la fenêtre, s’habiller, réciter sa leçon, mettre de côté sa timidité et son stress devant le jury n’est pas la plus mince affaire. Combien de fois la génération Soundcloud-Youtube-Spotify s’est-elle retrouvée dans ce cas de figure ? Cigarettes After Sex attaque cette année sa saison de gros festivals et va devoir transformer l’essai en Europe. C’est tout ce qu’on peut lui e-souhaiter.

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1 commentaire

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Edgar 30.04.2017

Chouette article, c’est vrai qu’il aurait été intéressant de voir pourquoi et comment leur poignée de titres se retrouve sur toutes les playlists… Des génies du référencement ?

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