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C’est fou ce qu’on peut raconter sur les Trans Musicales

Cette année encore, on est allés fouler le sol rennais en quête d’ivresse non mesurée, à la recherche d’artistes inconnus. Les Trans Musicales ont 39 ans, ma p’tite dame. Un âge que l’être humain n’a pas forcément l’envie de célébrer. Tant pis, on verra demain. Voici quelques mots sur une édition rythmée par nos joies répétitives et des spectacles rassembleurs.

Rennes, ici Rennes. Quand on arrive en ville pour en découdre avec les premiers concerts du jour, le vendredi 8 décembre, le crachin et les bourrasques semblent avoir déjà perdu du terrain face aux petites bouteilles vertes ingurgitées. Pas de quoi s’en vanter, pas de quoi s’en blâmer, le point de non-retour est déjà atteint. Les filets diluviens lancés par Zeus font gagner du volume à nos cheveux pourtant chauffés par nos front tels des légumes finement huilés sur une plancha. C’est donc en princes de la ville qu’on attaque les rues bardées de touristes flâneurs et de festivaliers décidés.

Marche rapide. Au Liberté. Foire. Punk à chiens. Nage droit devant toi.

Pour d’obscures raisons éthyliques nous poussant à réaliser n’importe quelle action en trois fois, c’est le cœur serré qu’on loupera le concert de Mister Milano, projet en italien de deux des membres de Puts Marie, formation suisse hantant nos nuits depuis des années. À la place, ce sera retour à l’Étage pour un live ultra-carré de Smooth Motion. Les Paimpolais ont pu dérouler des morceaux rock’n’roll, boogie et blues avec une maîtrise parfaite, nous rappelant étrangement (sur la démarche, moins sur le style) le groupe Kokomo, plutôt rock 70’s, vu deux ans plus tôt, même jour, même heure. Comme si pour commencer un week-end sous le signe de l’improbable mélange des genres, les Trans voulaient nous rassurer avec un bon rock des familles. Comme un plat de pâtes en sauces avant une nuit de bières et de spiritueux.

Kebab. Apéro. Pluie. Navette. Pluie. Parc expo.

Les récits de festivals, vous le savez comme nous, c’est souvent d’un ennui palpable : on lit un type ou une nana se gaver d’adjectifs grandiloquents pour nous raconter comme il a pris sa claque sans avoir payé son pass. Cynique, vous ne trouvez pas ? C’est le cas. Ne nous en privons pas, donc, de passer sur un paquet de groupes ayant survolé l’événement sans que notre mémoire n’ait pu les choper au vol. « Bref, ça me passe dessus comme sur une toile cirée », disait l’autre. Et puis qui, autre qu’un psychopathe mathématicien, pourrait avoir la prétention de voir ne serait-ce que les deux tiers des groupes programmés.

Si, en 2089, l’on devait retenir une chose des Trans Musicales, ce serait peut-être que les groupes qui s’y produisaient ont en commun de savoir tenir royalement leur scène et d’être totalement adaptés au caractère festif et jovial de l’événement. Tout ça malgré leur relative absence de renommée. Bref, aucun groupe à l’horizon de type Autechre « allez, tous dans le noir, on va bien se marrer! » ni de type PNL « trop chaud pour déprimer assis par terre en fumant des oinjs! » Et que personne ne nous balance « Quoi vous comparez PNL à Autechre ? Vous êtes des malades » sinon on se fâche.

Cashless. Pinte. Marche. Hall 9. Greenroom. Pinte. Marche rapide. Danse saccadée.

On s’attardera notamment sur le chœur gospel accompagnant la chanteuse SheZar au sein du House Gospel Choir qui, à l’instar de la fanfare Meute ayant clôturé l’édition 2016, à force de reprises et adaptations populaires de tubes de house 90s et 2000 ont provoqué rires, danses et joies naïves. Que demande le peuple ? On passera longuement sur le set de Sabrina & Samantha, dj set electro maximaliste à quatre mains lancé par le saxo de Poni Hoax et n’ayant rien à voir avec Samantha VS Sabrina qui sont elles à l’origine de… ça. Si on a squatté la Greenroom, c’est aussi et surtout pour voir le meilleur set qui nous ait été donné de voir pendant le week-end, celui de Théo Muller, co-fondateur de Midi Deux. Entre dub, 4/4 techno et psychédélisme-jamais-sans-son-kick, on est restés ébahis dans le chaudron du hall, écrasés comme des légumes, bons pour la soupe. On s’en voudra de ne pas être allés voir Flamingods et leur musique universelle (= babel music), ça nous aurait changés d’une soirée principalement portée sur les platinistes en herbe, mais que voulez-vous. Même déception relative d’avoir loupé le live de Feder parce que… parce que… enfin, mais si, parce que ça aurait été…

Manger mal. Dormir peu. Marcher vite. Galette.

Parce qu’il faut toujours commencer une journée musicale avec des guitares avant de se prendre des kilotonnes de son dans les oreilles, on est allés souquer les artimuses au live des locaux Le Groupe Obscur, à l’Étage toujours. Une voix fabuleuse pour une musique rêveuse (le narrateur nage-t-il en plein Disney ? Rien n’est moins sûr), on se sent emportés dans le Manège enchanté, ou le Bus Magic, et The Zombies ou Robert Wyatt ne sont pas loin, au moins dans la féerie. En plus, ils inventent une langue. Grande classe.

Fait étonnant : l’avantage aux Trans Musicales, c’est qu’on a 89% de chances de tomber sur un groupe qu’on ne connaît pas. Alors, même quand vous connaissez ce groupe (ou que vous avez fait publier un article le concernant quelques jours avant), vous êtes capables, surtout à deux grammes, de ne pas vous en rendre compte. Tout ça vous semble triste ? Ne le soyez pas, l’inconscience et la naïveté vous pousseront à ressentir à chaque fois une émotion neuve, belle, entière. Votons pour un shot d’Alzheimer avant chaque concert. Défaisons-nous de nos chaînes d’apriori. Et vive la République.

Apéro. Bolos. Apéro. Bière. Bière. Bière. Navette. Pololop Pop Pop Pop Po.

On se rappellera de cette nuit des Trans (déjà, en voilà un bon point) comme l’une des toutes meilleures en terme d’énergie positive et de concerts à but festif. Notre premier concert a tout d’abord été unanimement détesté par notre bande de potes autant qu’il nous a filé une pêche mémorable. Il faut dire que Snapped Ankles ne fait pas dans la dentelle psychédélique. Avec ses huit couches de sons, ses guitares brillantes et aiguës, ses rythmes répétés à l’infini (comme on fout en transe en touriste américain au Pérou pour lui soutirer ses dollars), bref, un son hyyyyper chargé, il ne faut surtout pas être cardiaque ni sujet aux acouphènes. Foutez James Holden et Can dans une tribu traditionnelle et voilà comment ils en ressortiront.

C’est pourquoi notre cerveau et nos muscles ont eu ensuite l’envie de se détendre. Tant mieux, parce que ce sont Confidence Man, à moitié à poil, à moitié rave-pop , tirant sur du Fatboy Slim et leurs chorégraphies sous speed qui ont eu raison de toute notre retenue. Sans parler de Tshegue, le duo d’afro-garage (et ses titres tubesques) qui a fini le boulot. Repérez donc bien la chanteuse franco-congolaise, casquette noire bien vissée sur la tête et classe galactique, parce qu’elle ne vous lâchera pas, et si vous êtes aussi masos que nous, vous en redemanderez. On se finit tranquillement sur le set de Voiron, qu’on avait programmé à Petit Bain quelques semaines auparavant, très breaké, pas toujours dansant, mais impressionnant de maîtrise.

Ivre. Navette. After. Réveil violent. Train. Bourrin. Tout lu ? Dur.

Crédits photo en une : Marion Bornaz

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