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Alex Stevens : « Dour doit énormément à Internet »

Dour est un événement à part dans la galaxie des festivals européens. Un colosse qui assume et cultive sa fragilité. Avec plus de 230 artistes sur 8 lieux pendant 4 jours et 140 000 spectateurs chaque année, le festival belge ne propose que très peu de têtes d’affiche, préférant s’aventurer dans la construction de prog par niche, dans des styles aussi variés que le métal, l’electro, l’indie et le hip-hop. Un peu comme si La Route Du rock, Astropolis et le Hellfest avaient passé une nuit torride ensemble pour accoucher de ce monstre si attachant ! A quelques jours de souffler ses 25 bougies, rencontre avec Alex Stevens, l’unique programmateur du festival.

Comment, en 25 ans, Dour s’est construit cette identité de festival de niches ?

La particularité en Belgique, c’est qu’on a deux des plus grands festivals d’Europe : Werchter et Pukkelpop. Ils arrivent à drainer les très grosses têtes d’affiche. Donc dès le départ, notre idée était de construire un événement complémentaire en diversifiant les styles et les publics. On a été énormément aidés par internet ces dernières années. Avant, les gens écoutaient ce qui était mis en avant à la radio ou chez les disquaires. Mais désormais, le choix est beaucoup plus large et varié. Les gens vont du coup de plus en plus loin dans leur niche. C’est ce phénomène qui nous permet de faire la moitié des entrées du Werchter sans avoir de Muse ou de Metallica, simplement en rassemblant les différentes niches. L’autre particularité, c’est que notre public est particulièrement jeune. Et les jeunes ont tendance à beaucoup plus passer d’un style à l’autre.

Ce serait envisageable d’aller encore plus loin et d’enlever toutes les têtes d’affiche ?

C’est une question qu’on se pose régulièrement. Moi je me dis que ce dont les spectateurs se souviennent, et ce qui fait l’identité d’un festival, ce ne sont pas les concerts de la grande scène mais les ambiances bien spécifiques que peuvent offrir des petits lieux. Je serais donc tenté d’aller encore plus loin dans cette démarche, un peu comme ce qu’on propose cette année avec la scène Dub Corner. Donc il y a vraiment cette réflexion de savoir si tout le budget investi dans le plateau artistique de la grande scène, on ne pourrait pas l’utiliser pour multiplier des petits projets bien spécifiques. Après, il y a des difficultés logistiques mais aussi en terme de communication. Et il y a évidemment un risque que le public ne suive pas. Mais la question se pose effectivement.

La tendance actuelle est à l’expansion des festivals, aussi bien en terme de jours que de scènes. A Dour, cela fait longtemps que le festival dure si longtemps et propose autant de lieux. Comment vois-tu ce rapprochement vers votre modèle ?

C’est vrai que le modèle de Dour se démarque depuis quelques années. Mais c’est aussi le modèle adopté depuis longtemps par le Roskilde et le Paléo : passer sur 4 jours avec de nombreuses scènes. De toute façon, au niveau de ta proposition artistique, tu dois proposer quelque chose que les autres ne proposent pas. Et quand tu n’as qu’une ou deux scènes, tu dois forcément vendre tes tickets là dessus, tu vas donc prendre beaucoup moins de risques et te retrouver avec des artistes qu’on voit partout mais qui font vendre. Donc nous, plutôt que d’avoir la tête d’affiche électro à 100 000 euros, on va en programmer dix à 10 000 euros. La proposition artistique sera donc beaucoup plus étalée et variée. C’est notre unique moyen de sortir de cette surenchère des cachets et de la course à la tête d’affiche. Je serais vraiment pour aller encore plus loin dans ce délire, en multipliant des lieux encore plus petits, en proposant même des concerts secrets…

Quelle pourrait être l’esthétique un peu oubliée de cette édition ?

Cette année je trouve l’équilibre assez bon. On a pas mal amplifié sur le hip-hop par rapport à l’an passé. Sur l’indie rock on est un peu moins fort qu’en 2012, notamment sur les gros groupes. Sur l’electro, il y a une grande variété de styles. Le seul où j’ai été un peu en difficulté, c’est sur le « vrai » métal. Parce qu’avec Graspop, Hellfest et Sonisphère qui se déroulent en juin, tous les artistes viennent en Europe à cette période et quittent le continent juste après.

C’est toi qui t’occupes de programmer l’intégralité des 230 groupes ?

Toutes les décisions finales sont prises par moi. Après, je consulte pas mal quand j’ai des doutes. J’ai notamment deux/trois personnes qui me conseillent sur les deux styles que je maîtrise un peu moins : le métal/hardcore et le reggae.

Comment se fait le choix des horaires et des lieux de passage de tous ces groupes ?

Je ne réfléchis pas en terme de niche mais en terme de public. Il y a des gens qui écoutent du reggae et qui seront aussi friands de hip-hop ou de dub. Donc je n’hésite pas à mélanger ces styles en terme de lieux et d’horaires. Sur la Petite Maison c’est plutôt indie dans l’aprem et techno/electro/house dans la soirée. En gros, les chapiteaux sont divisés en deux : les ambiances de jour et les ambiances de nuit.

A quoi ressemble ce public de Dour ?

Très varié. C’est une difficulté pour nous. Si on faisait un festival comme le Hellfest, Astropolis ou même les Nuits Sonores, ce serait plus simple pour communiquer. L’idée, c’est de dire : « Si tu viens à Dour, tu as un meilleur rapport qualité/quantité/prix« . Et puis, quand tu es dans un festival électro pendant 4 jours non-stop, il y a des moments où t’en as marre, où tu as envie de voir autre chose.  Moi quand je vais dans un festival de niche, généralement, je sature un peu. Typiquement, Primavera, c’est super. Mais après 4 groupes indie, t’as envie d’un autre son, de varier les ambiances, les délires. Et je pense qu’il y a pas mal de monde comme ça. C’est ce qu’on essaie de faire à Dour. Typiquement, j’ai des potes qui n’écoutent jamais de métal, sauf lorsqu’ils viennent à Dour où ils s’éclatent sur la Cannibal Stage parce qu’ils adorent l’ambiance et le public.

Si Dour avait été du côté français de la frontière, aurait-il été exactement le même ?

La question s’est déjà posée de déplacer le festival en France pour éviter tous les problèmes d’exclu des gros festivals belges. On aurait plus facilement de gros groupes. En Belgique, on est un festival de moyenne taille. Si on était en France, on serait parmi les plus gros. Maintenant en terme de public, ce n’est pas évident, notamment parce que la moitié de nos spectateurs vient plutôt du nord (Flandre et Pays-Bas). Sans ce public, qui est ultra consommateur de musique indie et de niche, on ne pourrait pas se faire autant plaisir sur la prog. Et au delà de l’artistique, le public flamand et néerlandais reste beaucoup moins difficile sur les à côtés du festival. La culture festival n’est pas la même qu’en France. Les Flamands, ils viennent pour écouter de la musique, manger une saucisse, une frite et une bière. Alors qu’en France, le public recherche plus de la nourriture locale, des stands à vin…

Si on devait trouver un festival qui serait le « Dour français » ?

A ses débuts, il y avait le Garorock qui avait une approche assez proche de la nôtre. Mais ce n’est plus du tout le cas. Sinon, vraiment, je vois pas.

Sur les festivals européens de l’été, quelle prog te plait le plus ?

Je regarde toutes les progs mais sincèrement, aucune me colle aussi bien à la peau que celle de Dour. Mais c’est normal ! Après, il y a quelques beaux noms que j’aurais aimé avoir et qui sont dans d’autres festivals… Je trouve notamment que La Route du Rock, même si c’est un festival de niche, a réussi son pari. Ils assument leur positionnement et ils y vont à fond. Cette année, leur prog est vraiment belle et équilibrée. Pour moi, une bonne prog, c’est lorsqu’elle défend une ligne artistique claire, mais aussi lorsqu’elle est pertinente par rapport au festival, au lieu et au public.

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