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We love FKA

En pleine dynamique des marches pour le climat et du succès des Verts aux Européennes, l’édition 2019 de We Love Green se déroulait ce weekend dans le bois de Vincennes. Dame nature avait eu l’intelligence de programmer deux jours de canicule pour ce weekend écolo-musical, histoire de couper l’herbe sous le pied de Pascal Praud et autres climato-sceptiques trouvant le printemps trop froid pour que le réchauffement climatique soit une réalité !

Quand on est accroc’ à des festivals comme Dour ou les Eurockéennes, il peut paraître un peu étrange de se retrouver dans un événement comme We Love Green. Non pas que la cause climatique ne nous concerne pas, mais le public est tout de même bien différent de la plupart des autres festivals. Pour vous donner un exemple, sur cette édition 2019, nous n’aurons ainsi croisé aucun drapeau breton. En fait, aucun drapeau tout court, en dehors d’un petit étendard japonais. Très peu de personnes déguisées, sauf à considérer les looks de défilé de mode pour Instagram comme des déguisements. On est également surpris par le côté très calme des festivaliers, très peu enclins à des débordements éthyliques (ou d’autres substances). Globalement, les festivaliers sont responsables. We Love est un festival responsable. Cela peut paraître parfois un peu frustrant quand on veut se lâcher un peu. Mais avouons que c’est aussi par moment très agréable, notamment en terme de propreté du site dans son ensemble. Et si les stands un peu cliché du « bobo bio citadin » peuvent faire sourire, We Love Green est probablement le gros festival français le plus épargné par la pollution visuelle de marques et autres sponsors.  Tellement agréable et improbable en 2019.

Et avouons-le, nous n’étions pas venu à We Love pour admirer les festivaliers ou pour l’ambiance. Un peu comme ces clubs de foot que sont Chelsea ou le PSG, où les supporters et l’ambiance sont plus que décevants, mais qui se composent de génies du ballon rond et proposent un jeu léché. On savoure alors le talent de ces artistes sans se soucier des spectateurs qui nous entourent. Et à ce jeu-là, We Love Green est en 2019 vraiment au dessus de la mêlée.

La composition de cette dream team 2019 de WLG était en effet assez folle. Très loin de nos squatteurs de festivals, We Love propose du lourd et du rare, aussi bien sur les têtes d’affiche que sur les middle names et les artistes émergents, le tout dans des esthétiques assez larges. L’édition 2019 nous a particulièrement marqués par la présence d’artistes féminines solo aux univers soul, hip-hop, r&b : Erykah Badu, Rosalia, FKA Twigs, Kali Uchis, Tierra Whack, Blu Samu, Lolo Zouaï… Elles ne parlent pas la même langue, elles n’ont pas le même âge, elles ne font pas la même musique. Et pourtant, toutes ces artistes défrichent ensemble un chemin pour la musique des prochaines décennies. Et surtout de nouvelles propositions scéniques redéfinissant les critères du spectacle musical.

LA REINE FKA TWIGS

À ce jeu-là, toutes n’ont pas aussi bien réussi leur challenge du week-end. Aya Nakamura, l’une des premières et des plus attendues (par amour pour sa musique autant que par curiosité), est ainsi passée totalement à côté. Sur une scène beaucoup trop grande pour elle, la jeune Malienne n’a pas su proposer autre chose qu’une pale restitution de ses titres. Ce n’était pas mauvais. Mais ce n’était pas non plus très bon. Le moment sera tout de même sauvé par son bonheur d’être sur scène et par l’accueil du public, qui n’en attendait visiblement pas beaucoup plus et qui s’en est satisfait.

Quelques heures plus tard, sur la même scène, le décalage est saisissant avec la proposition de Christine & the Queens. Qu’on aime ou pas sa musique, qu’on apprécie ou pas le personnage, on ne peut que constater la prise de risque et la recherche scénique de cette nouvelle tournée de la reine de la pop française. Si les effets pyrotechniques étaient dispensables, tout le reste du show est d’une rare cohérence.

Mais c’est encore plus tard le samedi que surgit le splendide. Le génie. Alors que Booba prend du retard sur la scène principale, la deuxième scène du festival accueille FKA Twigs. Si nous étions depuis des années sous le charme de sa musique, le concert de la Britannique nous a complètement rendu accroc et amoureux. Les premiers titres du show se font avec l’artiste seule sur scène. Pas de scéno, pas de musiciens, pas de danseur. Et pourtant, dès les premières secondes, FKA Twigs nous attrape dans son univers obscur et fantastique : une voix claire, presque divine, sur des prod lourdes et hypnotiques, le cocktail maléfique fonctionne aussi bien sur scène que sur album. Et puis, au bout de trois titres, FKA Twigs s’entoure de danseurs, rendant l’atmosphère encore plus charnelle. Ce n’est qu’au bout de 20 minutes que la supercherie est dévoilée : un immense rideau tombe et dévoile des échafaudages. A l’étage, des musiciens jouent depuis le début du concert alors que nous pensions que la prod musicale était balancée depuis un ordi. Les danseurs et FKA Twigs naviguent dans la structure, le tout avec un show lumineux complètement hypnotique. Chant, danse, acrobatie, pole dance… Pendant plus d’une heure, FKA Twigs nous plongera dans un monde unique dans lequel nous aurions voulu ne jamais sortir. FKA Twigs est plus qu’une musicienne. Peut être même plus qu’une artiste.

Difficile de se remettre d’une telle expérience, et d’enchaîner avec un dimanche pourtant prometteur sur le papier. C’est d’ailleurs sur cette même scène de la Clairière que la plus belle surprise de ce deuxième jour se produira : Rosalía. Flamenco, R&b, pop et rap… Ce qui aurait pu être un mélange indigeste se révèle avec la jeune Espagnole une épopée jubilatoire et rafraîchissante.

NO FUTURE

Un moment, nous avons cru que le secret de We Love se trouvait dans cette deuxième scène de la Clairière. Que nous pourrions y voir toutes les pépites et un enchaînement de concerts magiques. Ce fut presque le cas. Jusqu’au dernier concert du week-end. L’un de ceux que l’on attendait le plus : Future. Le rappeur d’Atlanta nous enchante depuis plusieurs années à coup de mixtapes et d’albums ultra bien produits. Des dizaines de tubes et des prod devenues cultes, un flow lancinant et bien tranchant. Comment est-il possible de proposer un concert aussi nul avec autant d’atouts en poche ? Car son concert fut un condensé de tout ce qui se fait de pire dans un concert de rap : l’artiste a balancé tous ses titres, en l’état, en se contentant de chanter (ou plutôt de crier) par dessus. Son DJ était totalement à côté de la plaque. Le son était affreux (aussi bien celui de la prod que le chant de Future). Sur scène, deux de leurs potes faisaient les idiots et des parodies de chorégraphies. Quel gâchis au vu du talent de ce mec, mais aussi au vu de la ferveur des milliers de spectateurs reprenant quasiment tous ses titres en cœur.

TAME IMPALA, PSYCHÉ MONUMENTAL

Heureusement que pour clôturer le festival, l’orga avait eu la bonne idée de jouer la carte de la sécurité en programmant Tame Impala. Année après année, les Australiens ne cessent de prendre une ampleur insoupçonnée. Du groupe cool et un peu fantasque qu’on voit sur la troisième scène d’un festoch, la bande à Kevin Parker est passée à un supergroupe de stade, proposant un show presque démesuré et pourtant toujours très fin et jamais tape à l’œil : lasers, confettis, projections, scène surélevée et illuminée…  Tame Impala réussit à distiller son rock psychédélique dans un écrin monumental, dans une grande messe de la fête et de l’amour. Cela faisait très longtemps qu’un groupe psyché n’avait pas été aussi loin dans la folie des grandeurs. Peut-être depuis Pink Floyd ! Mais surtout, au delà de cette proposition visuelle parfaitement maîtrisée et efficace, les Australiens continuent d’offrir une musique live ô-combien salvatrice. Des guitares, des claviers, de la batterie… Tout cela est d’un classicisme presque ringard et pourtant, dans les mains de Tame Impala, cela touche au sublime et devient totalement hype.

Minuit dépassé de quelques minutes. Il n’en faut pas plus pour sonner la fin de la récré dans un festival parisien qui se cale sur les derniers métros. Frustrant mais responsable. Sans aucun doute le mantra de WLG.

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