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Tout ce qui se passe à Astropolis reste-t-il vraiment à Astropolis ?

Pour reprendre l’adage des nouveaux riches dont le rêve ultime est de boire un Malibu coco à dos de dauphin dans un bain à remous du 345ème étage d’un bungalow à Dubaï : tout ce qui se passe à Vegas reste à Vegas. Mais tout ce qui se passe à Astropolis reste-t-il vraiment à Astropolis ? Ou plutôt, tout ce qu’on laisse à Astropolis reste-t-il immuablement à Astropolis ou au contraire, en garde-t-on un petit quelque chose pour toujours ?

A Astropolis, vous avez passé deux à trois jours à donner de votre personne à différents niveaux d’intensité. Car oui, contrairement à ce que l’on croit, il est possible de faire un parcours « détente » du festival techno : pétanque en musique, dj sets d’après-midi, vinyl market, astroboom avec les marmots. Ne venez pas nous demander si on a déjà rencontré quelqu’un qui l’a fait, ce parcours. On peut cependant attester sur l’honneur qu’un pote du frère du grand brun de la billetterie a bien vu un mec se coucher à la tombée du soir et se réveiller à l’aube. Mais qui se rappellera de cette personne, pote de pote de pote universel du festivalier lambda ? Pour tout le reste, laisser des plumes à Brest fait partie du parcours obligatoire.

La dignité :

Chaque année en fin de festival, au moment de recenser les objets trouvés par les festivaliers, un petit malin s’efforce de mettre un commentaire vieux comme le monde. Derrière son ordinateur ou à la cafétéria, il se prépare des heures entières pour la sortir, sa blague : « J’ai perdu ma dignité, quelqu’un l’aurait trouvée ? » Cette personne-là n’est clairement pas une « blagueuse naturelle » et, comme l’enfant qui apprend soudain qu’il peut avoir des bonbons en pleurant à chaudes larmes, elle va sentir sa confiance monter, connaissant son nouveau pouvoir. Très cher-chère, ta dignité n’a jamais quitté ton domicile, elle n’a jamais approché aucun de tes congénères. Mais par chance, tu n’es pas seul-e, et si tu postes ton comm’ assez rapidement, tes clones fileront un like à ton esprit étroit.

A la question « ma dignité laissée à Astropolis est-elle restée à Astropolis ? », on répondra donc « non, elle n’y est jamais entrée ».

 

Les effets personnels :

Sachez qu’en ce moment-même où ce torchon est écrit avec les miettes de cerveau qu’il reste à son auteur, certains et certaines d’entre vous possèdent une partie d’eux-mêmes en Mairie de Brest. Ce (adjectif qualificatif introuvable) « bâtiment » aux cinquante nuances de gris possède pourtant un service des objets trouvés absolument fantastique. Aidé par l’équipe du festival, il a pu retrouver un paquet de belles choses allant du téléphone au chargeur, de la CB à la carte d’identité, de la veste au sac. Et même une perche à selfies. Chance ultime, vous pouvez donc retrouver la part administrative qui est restée dans la boue de Keroual en appelant la mairie au 02 98 00 80 80.

A la question « mes effets personnels laissés à Astropolis restent-ils à Astropolis ? », on répondra donc : « oui, mais avec un peu de chance, ils peuvent en repartir »

 

Les festivaliers :

Après 22 ans de bons et loyaux services, le rayonnement de l’un des plus vieux festivals de France a largement dépassé les côtes bretonnes et les frontières nationales. Ainsi en 2016, on se bouscule au portillon sur les routes gauloises et européennes par dizaines, se farcir des centaines de kilomètres et faire face à des questions type « mais, tout ça pour te taper la pluie ? » pour aller tout en haut à gauche de la mapfrance. Pour cette édition, 24.000 festivaliers ont répondu à l’appel dont 13.000 juste à Keroual. Dans cette masse, ces personnages ont souvent ri sans connaîte la raison, tapé de la botte, se sont égarés, ont cherché leurs potes, les ont retrouvés, ou pas, ont dormi dans des positions improbables, y sont allés un peu fort, ont réussi à bien s’économiser, ont appelé le week-end « un marathon », ont pris une tarte devant un dj set ou ont écarquillé les yeux en arrivant à Keroual. Beaucoup sont rentrés chez eux. D’autres sont encore en train de dormir sur des abribus. On vous demande d’avoir une pensée pour eux.

A la question « tous les festivaliers d’Astropolis sont-ils restés à Astropolis ? », on répondra donc : « non, mais certains ne sont pas allés bien loin »

 

La boue :

Comme il est impossible pour un média musical digne de ce nom de ne pas parler du temps qu’il fait dans un report de festival, voici le point météo. Les petites gouttes annoncées par cette vilaine coquine de Mère Nature n’ayant pas beaucoup ému les festivaliers après une belle journée de soleil, peu de monde avait prévu le rôle majeur qu’allait apporter la boue à la grande messe du samedi, à Keroual, pour le main event d’Astropolis. Après une douce caresse du crachin local, la pluie est devenue assez insistante pour pousser les danseurs sous les chapiteaux. L’impossibilité de tendre les bras ou de faire plus de deux pas sans se prendre des files de gens devenant particulièrement irritante sous l’Astrofloor tenu par Len Faki, il a fallu se résoudre à affronter la pluie qui mouille. C’est en milieu de nuit (correspondant à un début de soirée à Brest) que la pluie a repris son rythme de léger crachoir, laissant la possibilité de s’amuser sous l’eau. Et dans la boue. Ainsi, le concours de roulades annoncé sous la scène Mekanik a pu prendre une tournure plus drôle et les ventriglisses sont devenus plus populaires que la grande roue quelques heures avant.

A la question « la boue d’Astropolis est-elle restée à Astropolis ? », on répondra donc : « non, regarde tes grolles et ton futal au fond de ton sac pas encore déballé »

Les souvenirs :

Beaucoup de choses sont floues et pire, se mélangent progressivement les jours qui suivent le festival. Le trop plein d’émotion, de gens, d’alcool pour certains, de drogues pour d’autres, de pas, de dj sets, de lives, de types improbables, d’idées ingénieuses. Mais sachez-le : les blessures, la gueule de bois, le retard de sommeil, le décalage horaire, le compte en banque vidé, les poumons en feu, le retour futuriste de votre cerveau au bureau ou en classe, la réadaptation difficile, la dépression post-festival, etc, rien de tout ça n’est réversible. Foutu pour foutu disaient les mecs à plat ventre dans la boue. Rien n’est sans conséquence.

S’il y a souvent des choses qu’on veut oublier sur son état après un festival, pour tout le reste, il y a Sourdoreille :

A la question chevrotante et nostalgique « tout ce qui s’est passé à Astropolis est-il vraiment resté pour toujours à Astropolis à tout jamais ? », on répondra donc au moins pour ceux qui ont globalement su gérer leur état : « non, ce qui s’est passé à Astropolis restera toujours en toi petite personne libérée. »

La suite dans la cité des étoiles, bientôt.

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