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Tout au Bout du Monde : la maturité

Le Bout du Monde c’est une histoire d’équilibre: plaire au plus grand nombre, savoir surprendre, être familial sans être guindé, rester petit mais être reconnu. Bientôt sorti de son adolescence, du haut de ses 17 ans d’existence, le festival semble avoir atteint une forme de maturité.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore le festival, on leur conseille de faire un petit tour du côté de l’article de l’année dernière.

 

Vendredi. Comme à chaque édition, on arrive submergés par un flot de noms plus ou moins (in)connus. Activité récurrente, on se prend à ranger tout ce petit monde dans de grandes cases en se basant sur l’expérience des années passées. Avec, à chaque fois, le désir caché d’être surpris et de devoir revoir nos catégories un peu simplistes.

Déjà, on nous parle de légende caribéenne et on pense savoir à quoi s’attendre. Calypso Rose, dès le premier concert, nous prend par surprise. Difficile de retranscrire le sentiment de bonheur collectif qui a traversé le public quand elle s’est mise à chanter. Même quand le message se fait fort, lorsqu’elle parle de l’esclavage avant de chanter « Back to Africa », elle dégage sur scène une sorte de joie de vivre primale et communicative. A peine arrivés, déjà tartés.

Pierre-Henri Berthézène

Pour notre quota de polyphonie slave (si, si… on a une case pour ça) on va voir du côté des Polonaises de Laboratorium Piesni, élégantes et lumineuses, aux mélodies lancinantes au risque d’être un peu répétitives. Slave toujours, le projet d’Otava Yo est plus obscur même si le tout reste amusant, et on finit par passer plus de temps à réfléchir aux motivations derrière leurs looks improbables, tendance rednecks canadiens option Sibérie (on vous ment pas).

Plus au sud, on va chercher notre dose de musique balkanique. Avec Haïdouti Orkestar notamment le samedi, pas forcément très énergique au début, avant que la moitié du champ se prenne par la main et se mette à danser, avec quelques pas de gavotte dans le lot selon nos spécialistes. Plus intrigant, le projet de Kiril Dzajkovski. À la base, de l’électro balkanique de qualité, l’un des classiques des fins de soirées du Bout du Monde. Au final, on a le droit à une collaboration avec MC Wasp, rappeur australien, et TK Wonder, chanteuse new-yorkaise un peu Beyoncé sur les bords, avec chorégraphie, sex-appeal assumé et technique irréprochable. Comme souvent ici, on se gratte un peu la tête en voyant la description et on ressort avec un sourire approbateur.

Côté Moyen-Orient, on a eu le droit cette année à quelques jolies surprises, avec le natif du Liban Bachar Mar-Khalifé notamment et son jazz électronique mâtiné de mélodies arabes. C’est précis, exigeant mais intense. Dans l’interprétation même, on le sent en contrôle mais habité par sa musique. Dans une thématique très large, les Israéliennes A-Wa ont proposé le mélange très cohérent de chants yéménites à la traditionnalité assumée, d’électro et de pop. Mais c’est leur présence sur scène qui a surtout donné à l’ensemble un charme évident.

A-Wa

Le créneau chanson française – passage obligé – a été élégamment mené par Thiefaine, fidèle à lui-même avec ses textes à la saveur unique portés par sa voix si reconnaissable, le tout sur des accompagnements très solides. Moins solides Les Innocents par contre, on ne s’attardera pas trop sur le sujet, à part pour remarquer qu’étonnamment les habitants du coin semblaient connaître très bien les paroles de « L’autre Finistère ».

Dans un autre style, le morceau de bravoure du festival côté ambiance revient sûrement à Soviet Suprem, transfuges de Java et de La Caravane Passe partis en lutte contre les crypto-fascistes de tous poils. Pas forcément super original côté musique, et 15h30 un dimanche dans la brume ça pouvait ressembler à une contre-programmation, mais on s’est bien marrés en se souvenant que, même si on rigolait bien en Russie soviétique, le goulag n’est jamais loin, qu’on soit féministe, socialiste ou juste mauvais danseur.

Soviet Suprem

Un autre très bon moment musical a été la prestation de Feu! Chatterton. Avec ce petit doute avant de les voir :  leur poésie grandiloquente et leur rock léché est-il fait pour la scène ? Pour ceux qui ne les auraient pas encore vus, on va les rassurer : oui, même en live Feu! Chatterton, c’est! vraiment! bien! On retrouve cette même intensité dans la musique comme dans le ton un peu bravache de son chanteur (anti-)charismatique. Mais c’est aussi un set mature, entraînant sans problème le public du fond de la lagune jusqu’à son grand final, « La Malinche », hymne orgasmique.

Feu Chatterton

Les plus attentifs auront sûrement remarqué que le mot « électro » revient un peu à toutes les sauces cette année. Ça semble être un choix assumé de la programmation cette année, qui n’est pas sans rappeler une tendance propre à beaucoup d’autres festivals de rock. L’air du temps. Jusqu’à l’électro pop de The Shoes bizarrement dansante, avec en prime le plaisir un peu coupable de se trémousser devant des montages de Dawson, Chuck Norris et le reste de ces « memes » qu’on a tous vus. Et ce même si le reste de l’équipe Sourdoreille n’a pas du tout adhéré à cette version 2016. Et pour finir, en dernier concert, Thylacine, intellectuel, élégant et profond, jusqu’aux effets visuels fascinants qui accompagnaient le set. Mais peut-être un peu froid pour le Bout du Monde, pas forcément habitué à ce type de prestation.

C’était pas tout, bien sûr, on citera parmi d’autres, la folk péchue de Jeremy Loops, l’électro-swing (encore !) terriblement dansante de Caravan Palace, l’élégance d’Oxmo Pucino, les guitar/kora-heroes Joe Driscoll & Sekou Kouyate, ou encore le trip un peu foutraque des Québécois de Bears of Legend. S’il n’y a pas eu de très grosse surprise cette année, l’ensemble de la programmation nous a paru cohérent, sans bouche-trou et bien dansant en prime. Mature quoi.

Oxmo

On finit par un petit tour des nouveautés sur le site : la déco dont on avait parlé l’année dernière et qui s’améliore encore, avec ses lampadaires stylisés et de plus en plus de confort et ses tables disposées un peu partout. Très bons échos du stand fromage aussi. Un peu moins cool à notre goût, les stands sponsorisés qui se multiplient. D’un côté on veut pas faire les vieux cons, ça met du beurre dans les épinards et tous les festivals le font. Mais voir notre stand bar à vin disparaître au profit du « Comptoir » Grimbergen, ça fait un petit pincement au cœur. On vous excuse si vous ouvrez un stand Tri Martolod l’année prochaine. Ou Britt. Ou même Coreff tiens. Chiches ? On sera là pour vérifier de toute façon.

 

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1 commentaire

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DyshMoten 17.08.2016

Ce festival est toujours un plaisir, le site est vraiment très agréable et chacun peut y trouver son compte.
Petit bémol de cette année, une programmation un peu mollassonne qui permettait assez peu de se défouler devant les concerts (d’autant que l’électro de fin de soirée n’est pas mon truc), surtout pour la journée de samedi. Je sors habituellement d’un bout du monde avec plusieurs bonne surprises et quelques grosses claques, cette année point de grosse claque.

Autre bémol qui va un peu avec le style des groupes programmés, des prestations scéniques assez faiblardes (la palme revenant pour Les Innocents avec des « inter-chansons » absolument affligeantes). A l’opposé, Soviet Suprem avec un vrai travail scénique ont largement réussi à lancer une journée de dimanche brumeuse.

Le bout du monde, un festival qui se fait avec l’envie de découverte, multi-style, multiculturel. Qu’on accroche ou pas devant les concerts, il y a toujours un point commun, les groupes ont un vrai talent et quelque chose à apporter.

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