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Thomas Azier : « Je ne supplie pas les gens pour qu’ils m’écoutent »

On vous avait parlé de ce Néerlandais installé à Berlin quand il avait dévoilé le superbe clip d’Angelene. Aujourd’hui sort son tout nouveau single, Ghostcity, massif et romantique à l’extrême. On l’a rencontré le mois dernier, on vous raconte.

Ce qui frappe d’abord dans la musique de Thomas Azier, c’est son immensité. Avec un chant qui balaye tout sur son passage et des synthés brillants comme des soleils, ses compositions électroniques et lyriques fascinent, et on reste là, les bras ballants, comme devant un magnifique incendie. On sent bien que dans ces morceaux tout a été pensé, mentalement trituré jusqu’à l’épuisement, et pourtant ils rayonnent d’une poignante sincérité : si les scientifiques s’accordent à dire que « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », on voit bien qu’en art, de la superposition de couches minutieusement choisies peut naître la spontanéité la plus pure.

C’est d’ailleurs un sentiment similaire qu’on ressent lorsqu’on écoute Thomas Azier parler. Même si son discours est bien rodé – on retrouve avec amusement quelques anecdotes qu’on avait déjà lues plusieurs fois sur le web, son application presque scolaire semble simplement naturelle et sa modestie profondément sincère.

Avant de le rencontrer, on savait que c’était au terme de cinq années de perfectionnement que ses deux premiers EPs avaient vu le jour. Ce qu’on ne savait pas par contre, c’est que ces cinq années, il les a principalement passées seul dans sa chambre, avec ses instruments et son ordinateur. « Quand j’avais 19 ans, je trouvais que je n’avais rien à dire, donc j’ai décidé de ne plus avoir de vie pendant cinq ans, pour voir si ça changerait. Si ça n’avait pas été le cas, je n’aurais pas fait de musique ».

A une époque où la musique est devenue un passe-temps comme les autres, il ne se pose pas en sauveur qui tenterait d’inverser la tendance, seulement comme un passeur d’émotions simples. Il explique : « Le problème, c’est que les gens ne ressentent plus rien. Ils se disent juste ‘Cool la musique, ça me donne envie de danser’… A Berlin, ils ne pensent qu’à faire la fête, personne ne sait qui est le DJ. ». C’est d’ailleurs là-bas, dans les clubs où il joue entre deux sets de techno, qu’il a appris à « aller droit au but, en 30 minutes de set ». En bon perfectionniste, il commence tout juste à être satisfait de ses performances live : « Après un an de travail, c’est un bon point de départ », sourit-il.

Cette transmission d’émotions, il ne cherche pas à la forcer : « Je fais les choses comme je les sens. Si j’arrive à communiquer avec les gens, j’en suis ravi, mais je ne supplie pas les gens pour qu’ils m’écoutent, je ne cherche pas à tout prix à me faire remarquer ». Parmi ses influences, il cite Woodkid (qui l’a fait connaître en France), James Blake et Jamie XX. « Ce sont des artistes qui essayent de faire quelque chose d’honnête », alors qu’aujourd’hui en général la plupart des groupes « ne disent plus rien ». Amoureux des mélodies, il écoute aussi de la chanson française, Barbara et son Aigle Noir ou Henri Salvador et sa Maladie d’Amour. Même s’il est conscient que le web est un élément essentiel dans la carrière des artistes, y compris dans la sienne, il dénonce la « mer de vidéos YouTube » dans laquelle on est plongés, qui fait perdre petit à petit la notion de qualité au public, et plus globalement, un système médiatique basé sur le sarcasme et l’ironie, avec des émissions TV musicales où « c’est soit blanc, soit noir : ils se moquent des mauvais et font applaudir pour les bons ». Il regrette : « Aujourd’hui, c’est presque un crime d’oser faire quelque chose de sérieux ».

Si ses EPs sont plutôt sombres, en particulier le deuxième, c’est qu’ils reflètent l’extrême solitude qu’il a vécue. « J’étais devenu une ombre » confie-t-il. Mais à l’image d’Angelene, grandiose et étincelante, ça ne veut pas dire que tout est perdu : « Je vois ma musique comme un balancement entre espoir et désespoir. Si c’était complètement noir, on ne ressentirait qu’une émotion négative, ce n’est pas ce que je veux ». On retrouve même sur Hylas 001 un titre carrément estival, Metropolitan Tribe.

L’album à paraître à la rentrée sera la conclusion de cette trilogie Hylas commencée il y a cinq ans. Une œuvre sur le thème de l’évolution et de la métamorphose (du corps, des relations, de la ville), intimement liée à son expérience berlinoise : « Quand je suis arrivé à Berlin, la ville m’a fait l’effet d’une pierre brute, comme le monolithe qu’on voit sur la pochette du premier EP. Pour moi, l’album est une pierre, qui devient de plus en plus polie, et dont la forme la plus pure serait le cristal ». Cette transformation coïncide avec une étape essentielle de sa propre vie, celle du passage de l’adolescence à l’âge adulte : « Berlin m’a vraiment changé. Je suis juste arrivé avec mon sac à dos, sans rien connaître de la ville, et aujourd’hui j’ai une vraie relation amour/haine avec elle: je la trouve belle et laide en même temps, sombre et brute, mais tellement honnête. » Et de conclure : « Je n’aurais pas pu écrire ça ailleurs. » Une belle déclaration d’amour.

Il sera en concert le 17 septembre au Café de la Danse.

 

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