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Romain Turzi n’y va pas tremolo avec nos nerfs

Celui qui déclarait à GQ en 2015 « je ne suis pas né copiste comme peuvent l’être certains de mes potes qui bossent dans la pub et composent du sous-Kavinsky » n’est ni humoriste ni énervé contre le monde entier. Pourtant, le groupe de Turzi nous fait rire, nous émeut, nous transporte, nous, pauvres petites entités perdues au sein de ce foutu merdier constitué de matière organique qu’on appelle le monde.

Comprenez-le comme ça : le monde est une superposition de couches, de nuances, d’événements et d’une quantité d’autres trucs indénombrable qu’on mettra dans la case « Autre » pour ne pas se faire épingler par une personne compétente pour expliquer le boxon scientifique. Ce qu’il faut retenir dans notre affaire, c’est qu’il peut être bon et rassurant de pouvoir isoler cette matière et la décortiquer. C’est sur ce chantier que le Français Romain Turzi cravache depuis son labo musical. L’artiste crée sous ses différentes affaires un orchestre acoustico-électronique sans but avoué. Ce qu’on y trouve se morcelle d’événements dont l’existence est due aux nuances, aux confrontations de rythmes, de textures et de mélodies. Une carrière en trois albums pour autant de lettres enfantines, A, B et C, une tapée de remixes et collaborations dont Kavinsky, Zombie Zombie, Arnaud Rebotini, Sébastien Tellier, Phoenix, des choses plus ou moins pop, plus ou moins électro, plus ou moins synthwave, et des projets de créations diverses vouées au live.

Et c’est là que réside notre intérêt précis : un concert de Turzi a eu récemment raison de nos esprits mièvres. Nianiania la vie, c’est comme-ci, c’est comme-ça, ça ne doit pas être ça mais un peu plus de ci rendrait le monde meilleur. Stop, finito. Oubliez tout vos préceptes, les œillères et les bouchons au bûcher pour ce soir, Turzi a retourné (détourné ?) la Gaîté Lyrique dans le cadre du Festival Marathon et il ne fallait pas penser à la soupe qui cuisait ou aux factures impayées pour prendre le train direction Paranormal Guitaractivity.

Le 24 novembre, Romain Turzi proposait Tremolo Army, nouvelle lubie organique jouant sur les différences soniques de guitares soprano, alto et tenors. Et puis, comme à son habitude, à la façon d’un Moï Moï Band (dream team improvisationnelle du festival Baleapop), la pièce était aussi enrichie d’une voix féminine, une batterie, des synthétiseurs. Au premier plan Romain, véritable chef d’orchestre au sens propre, qui gère son armée de fidèle au doigt et la baguette électronique et surtout par une souple gestuelle.

turzi

Honnêtement, dans des concerts d’impro basés sur des rythmes répétitifs, il est une chose que l’on apprécie particulièrement : s’ennuyer pour mieux vibrer. Parce que la vie n’est ni une succession de drops, ni un frisson continu, ni une excitation perpétuelle, ni un plaisir constant, ni une satiété parfaite, ni une conviction, ni une assiette pleine, ni un amour éternel, ni une victoire totale, mais plutôt une succession de périodes d’inactivité, d’angoisses infondées, d’ennui, de manque de confiance, d’inattention, d’erreurs, de « pas d’avis sur la question », de faux plats, de consensus mous, il nous faut accepter que la musique suive aussi ce cheminement. Qu’il n’y a rien de plus beau dans la musique expérimentale que d’oublier jusqu’à notre présence physique, mentale et… vivante pour lui permettre de saisir les nuances et les fulgurances.

Sylvain Tesson, qui n’était pas qu’un énorme alcoolique solitaire perdu en Russie quand il a écrit Dans les forêts de Sibérie mais aussi un grand auteur français, a dit une chose superbe : « le luxe n’est pas un état mais le passage d’une ligne, le seuil où, soudain, disparaît toute souffrance. » Fin de l’histoire.

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