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Quand le hip-hop craint sérieusement

On ne peut jamais autant détester que quand on a vraiment aimé. Cette phrase faussement proverbiale doit au moins vous donner un aperçu de la vindicte qui suit. De la même façon qu’on évoque Dieu par les rites religieux, on parlera de hip-hop via ses mauvaises habitudes en concert. Klaxon immonde, remise en question en intro, impatience, manque de confiance, entourage gênant, petite liste non-exhaustive de choses qui ne servent pas vraiment le hip-hop.

Raconter sa vie en intro/outro

« Je n’ai pas le temps de vous le dire dans mon morceau et de toute façon vous n’attendez de moi que des mots qui claquent. Ma vie, elle, ne claquait pas à l’époque, pas jusqu’au jour où je vous ai rencontrés, où vous m’avez rencontré. Ma vie a changé, les couleurs sont plus vives. Il faut que je vous dise, les fleurs ne fâneront que lorsque nous le déciderons. Nous construisons quelque chose ensemble, et ce quelque chose ne s’arrêtera pas. Non, jamais. Aucun gouvernement, aucune loi, aucun flic, personne ne peut nous commander. Nous sommes unis pour faire entendre nos voix. A plusieurs, ne sommes-nous comparables à un mégaphone ? Essayez pour voir… Vous voyez ? C’est si beau, c’est vraiment…oh shit ça commence déjà, all the bitches in the place ??!! Aight, listen up, listen up, if you go right, i still can go left ». Cliché ? Si peu.

Cet immonde klaxon

Fini les dimanches matin onze heure en plein hiver où tu devais enfiler le short de foot sous -8°C. A l’époque tonton Gillou (pas David, l’autre) sortait à tous les coups son klaxon préféré. A peine rentré, même histoire sur Cartoon Network, ce satané klaxon. Tes parents sont partis faire un tour ? Cet ignoble bruit se retrouvait aussi dans Jackass. Maintenant, tu t’es mis à la bière et la clope, tes passions sont de ne rien faire du tout, dire qu’un jour tu feras des choses de ta vie et écouter de la musique subversive au chaud sur ton canapé. Manque de pot, à tous les concerts de hip-hop que tu es allé voir, de Jurassic 5 à Mobb Deep en passant par le Wu-Tang, c’est toujours la même rengaine. Cet ignoble klaxon. Où que vive la première personne à avoir enregistré ce bruit pour l’intégrer dans les banques de sons du monde, qu’elle meure. Immédiatement. Et ça vaut aussi pour son cousin le bruit de gun.

Le DJ qui chauffe l’assistance trop longtemps

Chose qu’on ne voit dans aucun courant musical : les rappeurs arrivent parfois trente minutes après l’horaire prévu. Appelons ça le retard syndical du MC. Sont-ils tous flemmards, irrespectueux de leur public, stressés ou amnésiques ? Pas du tout. Seulement, une coutume veut que pour que l’accueil soit total, la foule doit d’abord avoir été chauffée à blanc. Pour poser le décor, le DJ dudit rappeur passe une série de hits de hip-hop old-school, toujours les mêmes : « Only God Can Judge Me » de Tupac, « Represent » de Nas, « Protect Ya Neck » du Wu-Tang, « Insane In The Brain » de Cypress Hill, etc. Des fois, un Kendrick Lamar, un Stormzy ou un Skepta vous prouveront que le DJ a « travaillé » quelques minutes de son année sur sa playlist. Bravo! Alors quand vous êtes en festival et que le concert est censé durer une heure, vous n’avez plus qu’à vous armer de vos claviers et de pourrir son mur de commentaires haineux.

Le pote un peu trop chaud

Sur scène ou en pleine battle, la proximité avec un fan qui idéalise un peu trop le rappeur ou un ami qui veut absolument – et uniquement maintenant – prouver tout son soutien ne sont pas vraiment à conseiller. Omniprésence, vol de vedette, gêne certaine et tentatives de jouer à l’animateur de soirée sont souvent à déplorer chez ces êtres bizarres. Espérez que le rappeur ne soit pas Gérard Baste par exemple, la mandale ou le hi kick arrivent souvent au moment où on lui témoigne le plus d’amour. La chute serait fatale et vous aurez beau pleurer en disant que vous dislikez sa page Facebook, la Terre ne s’arrêtera pas de tourner, Monsanto vous fera toujours bouffer de la merde et les pélicans n’ont pas fini de s’éteindre. Les comédiens Key & Peele vous proposent une parodie de ce fléau dans le court-métrage « Rap Battle Hype Man » pour Comedy Central.

Quel est mon nom ?

Principale preuve de manque de confiance affiché du rappeur : l’incessant rappel à l’ordre de son existence, de sa présence, de sa position « Say my name : Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang. » Posture œdipienne de l’enfant inquiet que ses parents ne le regardent pas suffisamment, elle nous en apprend beaucoup plus qu’une bio mal écrite d’un attaché de presse débordé. Mis de côté par des tuteurs trop occupés par leur vie d’adulte qu’il ne comprend pas, l’enfant découvre la solitude et se construit un monde à partir de figurines de Hulk. Peu sociable (car pas habitué à la maison), il écrira des textes dans sa chambre en prônant la révolution, l’horizontalisation de la société, la destruction des frontières et plus de Frosties à la cantine. Après un EP remarqué dans son quartier qui compte 60% de chômage, sa première mixtape se chope un article dans un webzine spécialisé pour hipsters. Arrivent les bookings, Pitchfork, puis l’Europe. Chaque début de concert sera le même, il criera son nom, à en perdre haleine et jouira de l’entendre en retour.

L’impatient « rewind »

« Hold on, hold on, hold on » (vinyle rembobiné) I can’t hear you. Are you really hot tonight ? (cri de la foule) (reprise du morceau) (une minute passe) Yeah yeah yeah, stop, stop one second (rewind à nouveau). » Mais merde! Tu vas le passer ton putain de disque ? De quel droit tu te considères prioritaire à donner ton avis sur oui ou non l’ambiance est bonne. La moitié de la foule a repeint ses fringues de Kro tièdes et attend le moindre drop pour partir en pogo pour justifier la légalisation de droites sur son voisin et tu oses nous demander de nous déchaîner ? Comment peux-tu ne serait-ce que t’en rendre compte ? N’es-tu pas sensé te concentrer sur tes paroles, ton jeu scénique, ton flow ? Ou peut-être as-tu composé ta mixtape tout seul devant ton ordi et que malgré la tournée de fou que tes likes t’ont rapporté (et grâce aux beatmakers que tu as bien arnaqués), tu ne sais toujours pas faire un vrai concert. La grande arnaque. Un an ou vingt ans de carrière n’y changeront rien, les rappeurs sont soient des branleurs, soient des impatients.

Les gardes du corps

Pour rester dans le thème de la garde rapprochée du rappeur, celle-ci est complètement assumée. Inutile paysage de fond de scène, la bande se compose généralement de trois à six membres, se distingue par sa valeur étonnamment dispensable et paradoxalement omniprésente. Principaux défauts : ils obligent l’organisation de l’événement de les défrayer (six allers-retours New-York – Bruxelles + hôtel + repas, ça douille), ils ne servent strictement à rien, ils ne dansent même pas – tout au plus ils hochent la tête sur des morceaux qu’ils ont écouté mille fois – et envient la fonction vitale des plantes vertes, ils gênent la vision du public, ils perturbent la vision des cadreurs ou photographes (eux-mêmes sans-gênes qui cachent la vision du public) et enfin ils n’aiment qu’une seule chose, que des milliers d’yeux se posent sur eux. En cela, il y a quelque chose de similaire avec l’armée de mégalos en fond de scène des DJ électro. Certaines fois, leurs actes démontrent l’absurdité absolue de leur présence physique mais pas mentale. On repense à l’armoire à glace qui servait de pote de Kaaris à Dour, appuyée sur l’enceinte de retour comme s’il gardait un trésor ou qu’à tout moment l’objet risquait de se briser. Pour le reste, une seule activité : fumer toute la weed de l’artiste sans broncher.

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1 commentaire

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James 26.11.2016

oulala.. faut vraiment pas connaitre le milieu pour ecrire ce genre de critique.
La quasi totalité des elements decris font partie integrante du mouvement et sont des habitudes issue des block party et sound system. Perso c’est ça que je vais aller chercher à un concert de rap, et pas du tout le pogo. On croirait entendre un mec qui ne fait aucune soirée rap et qui ne voit les groupe qu’en festival.
Aucune offense biensûr, juste un ressentit #nohate
bon courage pour la suite quand même.

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