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Polo & Pan : « Un besoin de complexité nous nourrit »

Après plusieurs EP, le duo français Polo & Pan vient de sortir son premier album « Caravelle », ode à l’enfance et au voyage. Nous les avons rencontrés autour d’un verre d’eau pour parler de leur aventure, de montgolfière et de sous-marin.

Votre premier album Caravelle est sorti il y a un mois, vous pouvez nous faire un premier petit bilan ?

Pan : Et bien, l’accueil est très positif !

Polo : Le public est déchaîné…

Pan : Mais en même temps, un mois c’est assez court pour faire un bilan, surtout qu’en parallèle on continue la tournée. On fait pas mal de dates pour présenter l’album. Et à chaque fois, les gens ont l’air de connaître l’album, ils nous parlent de différents morceaux à l’intérieur, donc on est ravis de ça. Pour l’instant il n’est pas dans les oubliettes.

Polo : On est aussi super contents de voir que notre musique voyage en dehors de la France, on reçoit des messages des États-Unis, d’Australie… On a hâte d’aller faire des concerts dans de nouvelles contrées !

Avant de commencer la composition de l’album vous avez fait une sorte de storyboard décrivant chaque morceau, est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur ce que vous aviez écrit ?

Polo : On avait écrit des choses assez différentes selon les chansons puisqu’on avait des points de départ différents. Ça peut être un morceau qui nous a inspiré, soit un film. On est souvent inspirés par des images. Ça peut aussi être un pays, par exemple on avait envie de faire une bossa nova, ça a été le point de départ de Canopée.

Pan : Ça peut être des thématiques plus larges aussi, comme la mythologie. Donc une fois qu’on a ces thématiques on va faire des recherches sur internet ou dans des bouquins.

Polo : On fait des petites collectes d’informations sur Wikipédia, YouTube, etc… On fait pas forcément de grosses fiches de recherche avant de commencer un morceau mais parfois il y a des projets où ça peut être intéressant.

Pan : On aime bien aussi aller chercher du vocabulaire, pour qu’il y ait des mots qui sonnent, des mots originaux. Par exemple pour « Bakara » on cherchait un mot assez fort et on a passé une heure sur internet pour trouver des noms de tribus africaines.

Polo: Je crois que c’est le nom d’un dialecte au Cameroun ou au Congo, je sais plus, mais en tout cas ça sonnait bien.

Donc vous avez écrit un petit paragraphe sur chaque chanson pour vous donner une ligne directrice que vous avez ensuite suivi pour l’album. Et vous vous y êtes tenus ?

Pan : On s’y est vraiment tenus, oui. Et quand on relis le storyboard, c’est vraiment très, très fidèle au point d’arrivée.

Polo : De temps en temps Alex (Pan) avait une bonne idée mais ça rentrait pas dans le storyboard donc j’étais forcé de refuser…

On peut deviner ce que vous aviez écrit pour « Cœur croisé », mais c’est plus difficile pour des morceaux exclusivement instrumentaux comme « Kirghiz » par exemple.

Polo : C’est parti d’un sample tibétain.

Pan : On avait l’idée de faire quelque chose d’un peu moins solaire, plus élevé en altitude. On avait comme thème l’edelweiss, la fleur qui ne pousse que à la cime des montagnes. On avait l’idée du blanc, différent du jaune solaire des autres morceaux comme « Canopée ». On voulait quelque chose d’un peu moins doux, moins luxuriant et plus nocturne.

Polo : C’est plus martial aussi, c’est plus la guerre.

Pan : On avait noté « cavalier des steppes » sur le storyboard.

Vous avez dit : « Ça fait longtemps que l’électro n’a pas inventé quelque chose de nouveau depuis le sampler. » Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

Polo : J’ai dit ça parce que ça fait longtemps qu’une technologie n’a pas bouleversé la musique. Ableton est un outil qui a changé beaucoup de choses, mais ça fait longtemps. Il n’y a pas eu de nouvel instrument qui tout d’un coup a permis de créer un nouveau style de musique. Souvent, la technologie permet la créativité, on est tributaires des moyens quand on veut s’exprimer. Il y a toujours des recherches à faire, mais c’est vrai que quand un nouvel instrument apparaît tu as vraiment un champ vierge et tu peux t’éclater.

Le cinéma a une grande importance pour vous, Alex tu viens de là au départ, en quoi ça vous inspire et vous aide pour composer ?

Pan : C’est vrai que les images nous parlent presque plus que les sons. Mais en même temps, quand on a une vision, elle est souvent associée à un son. D’ailleurs « Dorothy », qui a été le clip en hommage au Magicien d’Oz, c’était clairement ça. C’était une touche de psychédélisme à l’image du film donc il fallait trouver des sons un petit peu hybrides, un peu fous, avec des voix pitchées.

Polo : Moi ça m’arrive aussi souvent d’écouter des films. J’aime bien faire ça pendant que je suis occupé sur autre chose. La Chèvre, par exemple, c’est un film que je peux écouter tout le temps. Je peux mettre des vieux films avec des BO trop cool, des trucs bidons comme La Grande Vadrouille, mais aussi des peplums. Ça me rassure.

Pan : Et même pour m’endormir, j’aime bien lancer un film et fermer les yeux.

Polo : Bon ça ça marche mieux pour des films que tu connais déjà… Pour découvrir un film c’est pas la meilleure solution.

Pan : Mais ça devient presque un challenge. Je m’endors après avoir regardé un quart du film, et après avoir fermé les yeux j’essaye de suivre, j’essaye de comprendre qui dit quoi en reconnaissant les timbres de voix… Et puis tu peux imaginer ce qu’il se passe pendant les moments de silence. C’est assez compliqué, mais c’est un nouveau jeu.

L’avantage c’est que ça fait un autre film vu que tu as rien compris à la véritable histoire. Sinon, vous venez aussi tous les deux du djing, comment s’est passé votre migration vers le live ?

Pan : Déjà, il y a différents steps de DJ. Tu peux être un simple « selector » qui adore les musiques des autres et qui a envie de les diffuser, et puis plus tu te fais chier derrière les platines, plus t’as envie de créer du sens entre les morceaux et donc glisser vers la création pure. Tu prends un morceau, puis tu en prends un autre et tu vas leur faire faire l’amour, et finalement là, il y a une part de création. Et plus tu tends vers quelque chose de créatif, plus tu as envie de faire ta propre musique. C’est une suite assez logique. Après c’est différent pour Paul qui était producteur avant d’être DJ.

Polo : Moi j’avais déjà eu des expériences de live avant de monter celui-ci, j’avais monté un projet qui s’appelle Atlas Collective avec Jacques, mais c’était très différent de Polo & Pan. Pour ce nouveau live on avait beaucoup travaillé les morceaux en amont, c’est très écrit, donc c’est quand même quelque chose de nouveau pour nous. C’est à la fois une continuité et une transition. C’est vraiment nouveau d’être sur scène avec ces morceaux, on est quatre. Quand on est aux platines, on est à l’aise, ça fait quinze ans qu’on fait ça, donc on a eu envie de faire plein de nouvelles choses, mais c’est encore le début.

Votre musique reste quand même très électronique, vous utilisez quel type d’instruments pour le live ?

Pan : C’est vrai qu’on peut se demander où est la limite de la musique électronique actuellement. Je pense que c’est dans la création d’instruments, et nous on a la possibilité d’utiliser pour le live les instruments qu’on a créé nous-même avec du mico-sampling. On a pris des sons qui nous intéressaient, on les a déformés, triturés, et on en a fait des claviers. Et c’est là qu’il y a de l’innovation. Donc sur scène, en plus des simples claviers, et des filles qui jouent, nous on a des instruments, des sons, des bruits, qu’on utilise pour agrémenter les prods.

Vous avez dit que vous pouviez être satisfaits d’un concert imparfait, qu’est ce qu’un bon concert pour vous, ou au moins un concert dont vous êtes satisfaits ?

Pan : On est très différents tous les deux, on a des émotions différentes.

Polo : C’est vrai que souvent en sortant du concert on n’a pas la même analyse.

Pan : Pour moi, j’ai réussi un concert quand je vois que les gens ont reçu quelque chose, on a travaillé pour ça. À terme le plaisir pur et personnel du live arrivera je pense, mais pour l’instant ce qui m’intéresse c’est l’émotion du public, j’ai pas envie de faire un concert sur moi tout seul. Et quand j’ai un doute à la fin du live sur ce que j’ai délivré, je vais directement parler avec les gens pour qu’ils m’expliquent ce qu’ils ont ressenti.

Polo : Moi pour t’expliquer je prendrais l’exemple du stand-up, Jerry Seinfeld explique qu’il peut y avoir un rire facile ou un rire un peu plus compliqué, et moi je veux que le public kiffe, mais je veux que ça soit subtile parfois. Donc le plaisir ne va pas être mon seul but parce que ça invite trop à la facilité, y’a des ficelles qui marchent toujours. Donc j’ai envie de trouver un plaisir subtil dans lequel je me reconnais. C’est un vrai échange, on les invite à aller un petit peu plus loin, et pas toujours vers la facilité. C’est ce besoin de complexité qui va me nourrir.

Pan : Mais surtout, on est au tout début de notre live, on en a fait très peu. Y’a toujours une recherche de la perfection mais de toute façon on peut pas délivrer quelque chose qui s’en rapproche puisqu’on débute. Faire des boulettes sur scène ça ne fait pas de moi quelqu’un de déçu, le plus important sera l’échange qui s’est produit sur scène.

Vous aviez dit dans une interview que faire un live dans une montgolfière ça serait cool, ou même un concert dans l’espace… Ça avance ces projets ?

Polo : Ouais, du coup on s’entraîne avec la NASA, je sors de la centrifugeuse là, j’y étais ce matin.

Pan : L’échange avec le public sera un petit peu plus compliqué par contre…

Polo : Ce type de trucs c’est une envie qu’on a depuis toujours, on pense aussi à faire un truc dans un sous-marin. Bon, on en est peut-être pas encore là, on peut pas encore contacter une usine de sous-marins.

Pan : En tout cas on a toujours eu l’idée des lieux atypiques, récemment on a fait quelque chose pour Le Cercle dans cette idée-là. Ça nous parle vachement, on a appelé notre album Caravelle aussi dans l’idée des moyens de transport atypiques, hybrides, déconcertants. Et donc la montgolfière c’est l’idée de prendre de la hauteur, c’est quelque chose de beau, de très esthétique, ça nous a toujours plu.

Polo : Des performances comme Pink Floyd à Pompéi, ou Jarre qui se produit devant les Pyramides, ça, c’est vraiment stylé. C’est des grosses prods, c’était un truc que les artistes faisaient beaucoup à un moment, mais on peut continuer à repousser les limites. Ça fait vraiment rêver.

Votre musique regorge de sonorités enfantines, et même votre nom est une référence non dissimulée à Peter Pan, qu’est-ce qui vous plaît là-dedans ?

Pan : C’est une source d’inspiration naïve, pas trop réfléchie. Quand tu fais quelque chose de façon naïve et que tu essayes de la reproduire après y avoir pensé, réfléchi, souvent t’es vachement déçu.

Cette recherche de naïveté ne va pas à l’encontre de l’idée du storyboard qui pose vraiment les choses ?

Pan : Le storyboard indique une direction mais je là, je parle de la sensation. Tu réfléchis à une direction pour ton morceau, mais l’exécution de ton morceau doit être assez naturelle. C’est comme ça que les harmonies viennent aussi. Je reprends la thématique de Kirghiz, la thématique est écrite, on avait un champ lexical, sauf qu’après, il faut écrire le rythme, le groove, les mélodies, et c’est tous ces trucs-là qui sont beaucoup plus naïvement exécutés.

Polo : Bon après, Kirghiz, c’est pas le morceau le plus enfantin.

Pan : Oui mais Kirghiz, c’est là où est né mon père, donc il y a quand même un rapport évident à la nostalgie, aux racines.

Polo : L’enfance c’est un moment heureux de notre vie, on était très protégés, c’était très cool. Et puis le monde était plus apaisé à l’époque, aujourd’hui le monde est plus dur. Donc on a envie de reconnecter avec ces années 1990, qui étaient peut-être un peu cheesy, mais il y a ce truc de l’enfance un peu bénie dans laquelle on aime bien se replonger. Et puis y’a beaucoup de musiques de cette période qu’on aime tous les deux, donc ça nous donne un champ à explorer.

Justement, en parlant de musique de cette époque, Paul, j’ai lu que tu appréciais beaucoup « Dieu m’a donné la foi » d’Ophélie Winter, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Polo : On m’avait demandé un pécher mignon… Mais j’aurais dû dire que je kiffais PNL. En fait, récemment on a fait des soirées spéciales Guilty Pleasures, avec l’équipe Radioooo. Et ils ont joué Ophélie Winter et ça faisait vingt ans que je l’avais pas entendue donc j’ai kiffé, tout en me disant que j’étais une merde. Mais bon je l’ai pas réécoutée depuis, par contre j’ai beaucoup écouté PNL, au grand désespoir d’Alex. Et PNL, si t’arrives à faire abstraction des lyrics c’est de la super bonne musique. Je sais que le texte est super important mais bon ça me dépasse un peu, parfois ils disent des trucs horribles, mais c’est bien produit, et puis y’a de la vibe, y’a un truc triste, nostalgique, propre à la chanson française. Moi je trouve que c’est de la chanson française, c’est un des chemins de la suite de la grande chanson française. J’ai pas de honte à dire que j’étais au Mexique et que j’écoutais.

Pan : T’as pas une autre question pour finir ? Parce que terminer sur PNL c’est pas top…

Polo & Pan sera à l’Élysée Montmartre le 20 septembre et au Pitchfork Music Festival le 2 novembre.

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