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« Peut-on se libérer de sa culture (musicale) ? »

Il est aux alentours de deux heures du matin, tu as déjà arrêté de compter le nombre de verres que tu as bu ce soir et, avec tes joyeux compères vous entamez le couplet de Sardou « Terre brûlée au vent des landes de pierre… » Ta voix se veut de plus en plus bovine et à la fin de ton récital, tu hésites même à repartir pour un tour. Ce seul exemple pourrait servir à démentir le sujet de philosophie « Peut-on se libérer de sa culture ? » qu’ont reçu ce matin les terminales de série S. On a décidé d’y répondre nous aussi, à notre manière.

Pour une société culturée

La culture est un ensemble qui construit l’homme, ses goûts, ses traditions, jusqu’à son existence-même. Elle est responsable de jugements : de ton regard sur les adolescents qui s’époumonent sur du Harry Styles jusqu’à tes préjugés sur l’alcoolisme des festivaliers du Hellfest. Pourtant dans sa construction de soi, l’être humain est sujet à toutes ses valeurs et cherche à s’en défaire pour se construire soi-même. En musique, on se bâti entre les concerts vécus en famille ou bien les festivals entre amis.

Depuis l’avènement de la V République, de nombreux ministères liés à la culture se sont succédés. Depuis les politiques de démocratisation culturelle de Malraux dans les années 60, l’accès à la culture pour tous est devenu un véritable enjeu. Si cette volonté d’émanciper le citoyen par la culture est aussi forte, c’est que l’être humain serait défini culturellement. Par sa société, qui possède sa culture propre, faite de traditions et de goûts perpétués par ses pairs. Ainsi, on pourrait dire que l’être humain serait déterminé par ses faits sociaux, comme le disait Durkeim. Son éducation et son accès à la culture seraient définis par son milieu, à tel point que l’être humain l’assimilerait inconsciemment dès son enfance. En gros, si tu connais par cœur les chansons de Jean-Louis Aubert, de Jean-Jacques Goldman, ou de Michael Jackson, il y a de fortes chances que tu doives te plaindre à tes parents de ta mauvaise éducation.

Culture avec un grand Q

Au-delà de ce constat d’imprégnation des faits sociaux qui constitue notre culture et ses traditions, il y a aussi l’idée d’une culture dominante et sous-cultures (ou bien de contre-cultures). Nos sociétés contemporaines ont pendant longtemps tenté d’établir différents socles de la culture en propageant l’idée que toutes les cultures ne se valent pas, allant ainsi jusqu’à l’ethnocentrisme explicité par Lévi-Strauss. Ces autres cultures ne seraient pas aussi légitimes socialement, que celle qui se veut dominante. Vous suivez ? Prenons l’exemple du rap allemand : n’est-ce pas pas l’une des pires choses que l’humanité a engendré ? Mais au-delà de cette remarque, la véritable question ne serait-elle pas : culturellement, les chansons de Françoise Hardy sont-elles plus « légitimes » que le rap allemand ?

bacphilo

Une lycéenne se rend compte que l’on vient de comparer du rap allemand à Françoise Hardy


Si ce questionnement te paraît légitime, il faut cependant comprendre que ce jugement a été réalisé par ta propre éducation artistique et culturelle. Les moments saillants qui ont jonché ton éducation ont donc formé ta personnalité à écouter certains styles musicaux plutôt que d’autres. C’est seulement par cette connaissance que tu pourras l’analyser et ainsi te libérer des carcans diffusés par la société, tel un jeune hippie, avide de nouvelles conquêtes sociales.

Émancipons-nous tout nus

C’est à travers l’éducation artistique et culturelle que l’être humain peut donc dans un premier temps se cultiver et découvrir au-delà des frontières qui semblaient se dresser contre lui. Cette éducation artistique et culturelle est une politique culturelle réalisée depuis plus d’un demi-siècle par de nombreuses associations, un comité inter-ministériel, ainsi que de nombreux professeurs et éducateurs à travers toute la France. Tout ça, oui. Cela ayant pour but de permettre l’accès à un grand public, tout au long de sa vie, à des pratiques liées à la culture. Que ce soit à travers des services de médiation, des réductions à l’entrée de certaines SMAC, des festivals ou autres édifices culturels, c’est l’un des biais qui est offert à chaque individu d’aller plus loin pour se cultiver. Et ainsi éviter « l’aliénation » à laquelle nous condamnait Hegel.

C’est par cette ouverture que l’être humain pourra découvrir les frontières de son héritage culturel, tout en s’ouvrant à l’appartenance culturelle d’autres individus. C’est pas génial ? Que ce soit par le biais de festivals, d’une SMAC ou de la MJC de ton quartier, des heures aventureuses sur YouTube, Netflix, Spotify ou d’autres, toi, amateur de rock, de jazz, de métal, de techno, de pop, de chansons françaises, de chansons classiques, tu as enfin su te libérer de ta culture. Même si au fond, tu aimes bien écouter de temps à autres un petit Jean-Louis Aubert, un Jean-Jacques Goldman un peu honteux ou bien un Mickael Jackson rassembleur.

Pour en finir

Replonger dans les notions de philosophie apprises en terminale permet l’espace d’un instant de remettre en question les enjeux de l’émancipation culturelle. De notre côté, on continuera donc à chanter, sans grandes conséquences, du Michel Sardou, tout en essayant de découvrir de nouveaux groupes à chaque fois que l’on se rend en festival. De notre côté, on continuera à écrire et filmer tout ce joyeux bordel et vous en faire profiter. Car au-delà de la problématique de l’émancipation, la notion la plus importante restera toujours la même : la culture ne se vit pas seul, mais bien au travers d’une communauté qui nous lie, nous différencie, nous questionne.

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