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Petit plaidoyer pour la scène électro japonaise

Le Japon a fait partie des premiers pays à prendre le tournant de la musique électronique. Dans la nation des nouvelles technologies, accepter que les machines jouent le rôle d’instrument est mieux passé qu’ailleurs. De la techno à l’electronica en passant par la house, le dubstep ou le down-tempo, elle regorge de producteurs talentueux. On a profité du documentaire Real Scenes de Resident Advisor, sur une étrange loi nommée Fueiho qui empêche les Tokyoïtes (et plus) de danser, pour vous présenter des artistes qui nous excitent à des milliers de kilomètres de là.

Lundi 10 février dernier, le premier webzine spécialisé dans la culture électronique, Resident Advisor, mettait en ligne la septième vidéo de sa série Real Scenes, réalisée par Patrick Nation et Clockwise Media. Dans ses petits films (super esthétiques) variant de quinze à trente minutes, l’équipe de journalistes prend la température des villes sur les questions de création, d’animation et de politiques liées aux musiques électroniques. Ils font intervenir des DJs, des patrons de clubs, des boss de labels, des graphistes, des organisateurs de soirées, des politiques, etc. Après Bristol, Détroit, Berlin, Paris, Johannesburg et New-York, ils ont décidé de s’intéresser à Tokyo.

Dans ce film, la question principale abordée est la Loi Fueiho, qui existe depuis 1948. Elle régule les lieux liés à « l’événementiel » : cabarets, clubs, industrie du sexe, restauration… Depuis 50 ans, la loi s’est vue de plus en plus restrictive, mais… elle n’a quasiment jamais été appliquée par les services de police japonais, qui n’ont jamais dû la considérer comme une priorité nationale.

Or, suite à la mort d’un étudiant dans un club à Osaka en 2011, les villes d’Osaka, Fukuoka et Tokyo sont devenues la cible de cette loi cinquantenaire. A la base conçue pour réduire la propagation de la prostitution à grande échelle, elle est aujourd’hui à l’origine d’une extrême répression des acteurs de la scène électronique et des travailleurs du sexe. Et propage haine, prudence et a priori.

Bref, des agissements qui nous font doucement songer aux inutiles politiques restrictives anti-raves des années 90. Cette nouvelle réglementation serait d’ailleurs passée quasiment inaperçue sans le reportage.

Par ailleurs, le documentaire montre la résistance qui gronde depuis la mise en service de la loi, notamment à travers le collectif Let’s Dance. De manifestations en débats, les différentes associations, les artistes locaux et étrangers, le public ou encore le média de livestreams Dommune tentent de remettre les pendules à l’heure.

En soutien à la culture japonaise, notamment en terme de musiques électroniques, on s’est proposés de vous faire une playlist ainsi que des descriptions sommaires de quelques acteurs qui nous font groover.

Certains font danser le monde, d’autres se battent pour danser.

Le Japon bouillonne

Ken Ishii (house / techno)

En 1996, sort le documentaire Universal Techno (), à ce jour l’un des meilleurs témoignages de l’histoire de la techno. Les pionniers du courant musical se succèdent pour parler à coeur ouvert : Sven Väth, Derrick May, LFO, Mad Mike, Kevin Saunderson, Juan Atkins… et un Japonais : Ken Ishii. L’artiste s’inspire de la techno de Détroit et des sons de jeux vidéos pour créer une techno super groovy dès 1993 avec un maxi sur le label Minus de Richie Hawtin et John Acquaviva. Il sort par la suite ses disques sur le label japonais Sublime Records (sous le nom Flare) et sur le génial label anglais R&S. Le Japon connaît son premier DJ de techno populaire dans le monde.

Ryuichi Sakamoto (electronica / musique contemporaine)

Il est (de loin) l’artiste le plus âgé de cette liste. Il est peut-être aussi celui qui s’éloigne le plus en termes d’esthétiques, si l’on analyse toute sa carrière. A 62 ans, Ryuichi peut se targuer d’être l’une des figures musicales dans son pays après avoir collaboré avec Iggy Pop, Madonna, Cesaria Evora, Robert Wyatt et composé dans le cinéma pour Pedro Almodóvar et Brian de Palma. Il écrit autant pour les musiques ethnique, rap, classique ou électronique. Dans les années 70, il pratique avec son groupe Yellow Magic Orchestra une synth-pop démente qui utilise synthés et sampleurs avant l’heure. En 1986, il sort « Illustrated Musical Encyclopedia », album hautement intéressant, car il sera une des œuvres pionnières dans la musique electronica.

Takkyū Ishino (techno / rave)

A la base connu au Japon pour son sympathique groupe de techno-pop Denki Groove (ils faisaient ce truc un peu dur à assumer), il s’est ensuite forgé une réputation plus… énergique. En quelques mois, de 1993 à 1994, il devient un vrai loup de la rave et se fait connaître en Europe. En 1998,  il sort le titre Ghost in the Shell qui fait un carton et qu’on jurerait tout droit sorti du carton de disques de Manu le Malin sous son pseudo techno The Driver. Sa musique a traversé les continents car il a fait sa carrière sous la houlette d’un sous-label de Sony. Ça aide.

Gonno (ambient techno / electronica)

Découvert cet été au Baleapop sous un soleil de plomb, sur la plage de Bidart, la journée était gratuite, le vent caressait tes cheveux et… Bref, le Japonais, calé à côté des superbes shows de Philip Gorbatchev et Legowelt n’avait pas à rougir de ses confrères européens. Son ambient music effleurant les contours de la techno retranscrivait parfaitement la langueur et l’oisiveté dont jouissaient tous les festivaliers. Son duo avec Salmon (autre producteur japonais), lui a valu de sortir des disques sur Perc Trax, le label de Perc qui a déjà accueilli Mondkopf.

DJ Nobu (dark, mental techno)

Activiste et insaisissable, le producteur DJ Nobu est un véritable puriste des musiques électroniques. C’est lors de ses teufs appelées Futur Terror, des bonnes grosses raves où il invitait Marcel Dettmann, Marcel Fengler, Steffi… qu’il s’est fait connaître et pour sa maîtrise du vinyle – avec style. De la dark techno à des styles plus hardcores, il a déjà tapé dans l’œil de Détroit et de Berlin grâce à des invitations à des soirées au Berghain par le même Marcel Dettmann.

STEREOCiTI (mental techno)

La techno mentale, progressive et profonde de STEREOCiTI pourrait se rapprocher de la musique du Berghain (encore lui) sous plusieurs égards. Ce DJ qui était résident dans un des clubs mythiques de Tokyo, le Maniac Love, a pu faire ses armes dans les années 2000. Depuis peu de temps, l’Europe s’intéresse à sa musique, comme en témoignent les soutiens de Daniel Bell ou Lawrence et l’invitation par le Berghain pour la Mojuba Night (du nom du label sur lequel il sort sa musique), il y a trois ans.

Goth Trad (dubstep / IDM)

A tous ceux qui pensaient que le dubstep était une musique violente et qu’elle ne pourrait jamais se marier avec de l’intelligent dance music (IDM), Goth Trad répond Quoi ? Que nenni. Son truc à lui, c’est de se caler sur le chill-out et de montrer à tous qu’aujourd’hui les barrières des genres ne sont plus qu’une vague légende. Le fondateur du label Back To Chill est un gros activiste tokyoïte et fait partie de la résistance organisée contre Fueiho. Très populaire à Tokyo, il a déjà une dizaine d’années de production et quatre albums derrière lui.

A.Mochi (techno / rave)

Techno vénère ensuite avec le Tokyoïte A.Mochi dont les ondes dévastatrices sont elles aussi arrivées aux oreilles du Berghain (toujours lui), à croire que la scène berlinoise est boulimique du son nippon. Par Berghain, on entend Luke Slater et surtout Len Faki qui va signer le premier album du Japonais sur son label Figure. Depuis 2006, le Japonais avance sans concession sur les dancefloors et l’on apprécie à n’importe quelle heure son remix du tube de Len Faki, Death By House.

Yosi Horikawa (IDM / electronica)

Autre artiste qui se la joue dans la douceur : Yosi Horikawa. Il enregistre depuis 5 ans des sons de ruisseaux, de bruits urbains ou de balles de ping-pong en y ajoutant des nappes de synthés, pour un résultat tout ce qu’il y a de plus réconfortant. De l’electronica de la réalité. C’est avec des titres comme Splash, Bubbles, Beer, Rainbow ou Stars qu’il a constitué son second album « Vapor » l’année dernière. Sa venue lors de la précédente édition du festival Scopitone était largement méritée et acclamée.

Iori (deep house / deep techno)

Iori Asano s’est lancé dans les années 90, dans sa ville d’origine Okinawa, lors des frémissements nippons du mouvement techno. Dans les années 2000, il fait un séjour à New-York et propose des sets deep-house, deep-techno, fortement influencé par cette scène nord-américaine. Il rentre à Okinawa et en fait son QG. Encouragé par son ami DJ Nobu, il trouvera aussi de très bons retours du public occidental et de DJs dont Levon Vincent, Sigha ou Nick Hoppner et finira pas s’installer à Berlin.

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