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Les Siestes Électroniques, festival exigeant

Avant sa clôture dimanche à Paris avec NLF3 et Arandel, focus sur la démarche du festival avec Samuel Aubert, son programmateur.

Il n’est jamais trop tard pour saluer les belles initiatives. Voilà un moment que nous guettons d’un coin de l’œil la progression des Siestes Électroniques, projet aventureux né à Toulouse pour valoriser la finesse des cultures électroniques émergentes. Gratuit et diurne, le festival se décline désormais à Paris et se terminera de très belle façon ce dimanche 29 juillet au Théâtre de Verdure : qui mieux, en effet, que NLF3 et l’ovni Arandel (photo) qui revisitent le fond ethnomusicologique du Quai Branly pour symboliser l’état d’esprit d’un évènement terriblement exigeant. Explications avec Samuel Aubert, programmateur du festival.

Comment sont nées les Siestes Électroniques ?

Comme beaucoup d’autres initiatives, je crois : d’un groupe d’amis qui a du temps à tuer et qui ne trouve pas localement l’offre qui lui correspond. Au bout d’un moment, tu comprends que si tu veux voir tel artiste que tu adores, il faut se retrousser les manches et le faire venir toi-même. Après tout n’est que question de persévérance, d’obstination, d’ambition et d’un peu de chance.

Le parti-pris de l’évènement est fort. Avez-vous réussi, au fil du temps, à identifier une typologie de public ?

Oui, mais plutôt que d’une typologie, je parlerais de typologies au pluriel, un peu comme on parlait de tribus dans les années 90. Les musiques actuelles n’existent pas en tant que telles, elles représentent en réalité la juxtaposition d’une multitude de publics, d’habitudes et de réflexes distincts. Les Siestes acceptent cet état de fait et se présentent ainsi comme un festival de niches (au pluriel). Notre but n’est, dès lors, pas tant de réunir beaucoup de monde qu’une grande diversité de publics, tous très identifiés, souvent spécialisés et dont les caractéristiques sont fortes.

Je citerais, en vrac, comme typologies de public, le public adolescent adeptes de musiques électroniques (entre 16 et 22 ans, il a découvert cette culture via la dance music le plus souvent, via le dubstep ou des labels comme Ed Banger), le même public mais légèrement plus vieux et dont les goûts se sont affinés et spécialisés, le public de trentenaires avec ou sans enfant qui a découvert les musiques électroniques dans les années 90 (que celui-ci vienne de la techno, de la house ou de l’idm, cela fait moins clivage avec l’âge), le public pop (notamment marqué par l’indie-pop anglaise des années 90 à Toulouse) associé à un public que l’on pourrait qualifier de plus rock et dont les influences seraient plus américaines (plus garage ou stoner), un public plus métal également mais dont les intérêts l’amènent vers la drone music (le public métal pur et dur, nous ne le touchons pas ou que très marginalement), le public hipster American Apparel-Vice-Brain dont les caractéristiques musicales importent finalement moins que le zeitgeist, le public electro-acoustique et/ou musiques improvisées (souvent plus âgé, fréquentant la boutique Harmonia Mundi et flirtant allègrement avec l’art contemporain), et le public de l’art contemporain qui n’y connait pas forcément grand chose en musique mais qui se reconnait dans l’attitude de notre manifestation, le public de clubbers puristes qui vient « chiller » sur nos événements avant ou après de clubber « pour de vrai ».

Vous sentez-vous proches, dans la démarche, d’autres festivals ?

Oui, bien sûr et heureusement que nous ne sommes pas seuls ! Disons que l’on a tendance à se focaliser sur les grosses machines, sur les déséquilibres du système parce que l’on aime bien râler et que ça nous entretient aussi dans une certaine image flatteuse de héros underground mais les initiatives locales de qualité sont nombreuses (le problème consiste plus en leur pérennité qu’en leur naissance spontanée). Pour citer quelques noms parmi les plus connus, nous tenons ainsi particulièrement en estime Villette Sonique à Paris, le Soy à Nantes, le Midi à Hyères, et nous sentons proches de pleins d’autres festivals comme Musiques Volantes à Metz, le Worldwide à Sète, Electroni[k] à Rennes, Filmer la musique à Paris, et j’en oublie plein !

On a l’impression que votre réflexion en tant qu’organisateur de festivals passe davantage par des réseaux étrangers (ICAS) que français. Par contrainte ou choix ?

Il y a un tropisme international en effet, mais ceci est plus le fruit d’envies que de contraintes. C’est toujours intéressant de voir ce qui se passe ailleurs et comment. C’est enrichissant, stimulant, rafraichissant. Et puis, il est clair qu’aujourd’hui la réflexion comme l’économie de la musique se pose à l’échelle mondiale. Les scènes nationales existent bien évidemment, mais elles ne font pas tant sens ou plus autant qu’il y a 20 ans pour le moins. Tout circule beaucoup plus vite et plus loin. Un groupe français qui n’a sorti que 2 maxis peut faire une tournée au Japon et inversement. Le challenge est désormais ainsi pour nous d’être en capacité de repérer les émergences au delà des scènes nationales identifiées. Si le moindre groupe qui buzz un peu au Etats-Unis est connu 2 semaines après en France, qu’en est-il des groupes prometteurs du Caire, de Jakarta, de Santiago du Chili comme de Malaga ou de Cracovie ?

Comment s’est nouée la collaboration avec le Quai Branly pour cette édition 2012 ?

La collaboration avec le Musée du Quai Branly s’est faite le plus simplement du monde puisque c’est le Musée qui est venu à nous pour nous proposer de mettre en valeur le fond audio de sa médiathèque. Cela ressemblait beaucoup à un projet que l’on avait justement présenté au Musée à son ouverture et qui était alors resté dans les cartons. L’objectif de cette collaboration est, dès lors, assez simple (même si pas forcément évidemment à atteindre sans éviter un certains nombres de pièges) : la médiathèque du Musée du quai Branly a pour mission de collecter et d’acquérir des documents sonores de nature ethnomusicologique et de constituer ainsi l’une des premières collections au monde de ce type, si ce n’est la première – tant en quantité qu’en qualité, mais ce « trésor de l’Humanité » était jusqu’à présent seulement accessible aux chercheurs. En nous donnant l’autorisation exceptionnelle d’inviter des musiciens à prendre connaissance de ce fond, à s’y plonger et à en rendre état publiquement lors d’un concert de restitution gratuit, les dimanches après-midis d’été, le Musée nous permet de faire découvrir à un large public une part extrêmement importante de notre patrimoine sonore mondial.

En tant que programmateur, quel est l’écueil à éviter, au fil des éditions ?

Je dirais la répétition. Lorsqu’un festival s’installe et vieillit, l’une des questions principales que doit se poser son programmateur devrait être de cet ordre : « Comment satisfaire les publics du festival sans pour autant leur donner à entendre ce qu’ils attendent ? » Professionnellement, il est, pour moi, aussi important d’entretenir une certaine liberté. Disons que l’on peut rapidement, sans réellement s’en rendre compte, marcher par automatisme et affinité. On a un réseau, on a des agents avec lesquels on travaille bien, que l’on apprécie, on lit toujours les mêmes revues, les mêmes blogs, on suit certains labels en particulier et, petit à petit, potentiellement, on peut en venir à se reposer sur ses acquis. Il est ainsi primordial, selon moi, de mettre en place des processus perturbateurs qui empêche toute routine. Je pense qu’il faut s’obliger, par exemple, à ne pas entretenir d’amitiés professionnelles.

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