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La solidarité selon Boudin Room

Qu’on soit clairs, Boudin Room n’est pas le pendant charcutier de la célèbre web-tv techno anglaise. Ça ne l’empêche pourtant pas de sortir idée de génie sur idée de génie. Alors aujourd’hui, comme on a la dalle, on vous parle de bouffe plutôt que de musique (même si c’est ici très lié). Lorsque DC Salas, Lefto, Teki Latex et les Sheitan Brothers débarqueront ce samedi 22 décembre à Lyon, ce sera pour une superbe oeuvre caritative. Rencontre avec Simon Bomans, à l’origine du chantier.

Il y a deux ans, Simon Bomans lançait la première édition de Boudin Room dans sa cuisine avec un pote aux platines. Mélange de charcuterie live et de musiques électroniques, il organise aujourd’hui l’opération « Boudin du cœur » aux Halles du Faubourg de Lyon. Le 22 décembre, il cuisinera pour 75 personnes en situation précaire, en collaboration avec le Foyer Notre-Dame des Sans-Abri. Pour cette dixième édition de Boudin Room, il était temps de marquer le coup : rendre ce qu’il a reçu, donner à ceux qui n’ont pas et recréer un restaurant gastronomique. Le déjeuner sera suivi d’une Boudin Room de 8h de son, avec des artistes d’exception, un marathon festif et caritatif à la fois. Sur le line-up, on retrouve les belges DC Salas et Lefto, suivi de Teki Latex et des lyonnais Sheitan Brothers. C’est par ici que ça se passe pour prendre vos places. Comme Simon le dit si bien : « La boudinerie n’est jamais finie ». Rencontre avec Simon.

INTERVIEW

Pourquoi Lyon comme ville d’accueil du Boudin du Cœur ?

On avait organisé une Boudin Room au Sucre le 16 novembre et j’ai eu un coup de cœur pour la ville. J’étais à Lyon pour la charcuterie, pour me faire un réseau, pour retrouver le côté artisanal un peu oublié avec Boudin Room, même si j’essaie aussi de récupérer les savoir faire traditionnels. Le lendemain de la soirée, j’ai lancé la comm’ sur Boudin du Cœur. J’avais trois mois de battement avant de recommencer mes cours en boucherie. Je ne voulais pas ne rien faire. Ça fait six semaines qu’on bosse dessus et un mois qu’on communique.

Peux-tu me parler de la genèse d’un tel événement ?

Ça faisait longtemps que je pensais à faire quelque chose, sans trop savoir par où commencer ou comment me lancer. Mon coloc avait pas mal de contacts sur Lyon, dont un couple qu’on a rencontré lors d’une résidence musicale. On a bu un verre et j’ai sympathisé avec le mec qui s’était reconverti en médecin humanitaire. Sa copine bossait pour Handicap International. Ils m’ont donné un contact au Foyer. C’est une grosse structure dans le paysage solidaire lyonnais, donc une grosse logistique (le Foyer Notre Dame des Sans-Abri héberge 1500 personnes par jour et fournit en moyenne 450 000 repas par an, ndlr).

Est-ce un milieu difficile à pénétrer ?

Oui mais le Foyer a été emballé dès le début. Le lieu – les Halles du Faubourg – a répondu dans l’heure à ma requête. Je n’ai pas rencontré les gens pour qui je vais cuisiner. Ce sont des gens placés par le 115 (le 115 est le numéro d’appel pour les Urgences Sociales, ndlr), qui sont dans la précarité la plus absolue, ont subi des agressions ou sont mal en point physiquement. J’avais peur de perdre les gens avec un tel projet. La question du goût culinaire par exemple, j’ai beaucoup discuté avec cette fille qui travaille chez Handicap International et elle m’a bien rappelé que ces personnes ont eu une vie avant, qu’elles ont eu accès au goût quoi. Elles savent ce que c’est. Par contre, sur les 75 personnes, il y a 25 enfants donc on s’adapte. Pour les enfants, on va faire des nuggets revisités.

Comment as-tu choisi le menu alors ?

On a concocté deux menus de fête complets pour ces citoyens et familles pour qui la vie a soudainement changé. On a élaboré le menu avec mon ami Jean-Luc, qui occupera la position de chef d’équipe pendant la soirée. On a recherché un équilibre. On voulait un menu à partir de produits simples : pas d’émulsions-machin. On a pris des matières premières et on les a pimpées. C’est Noël pour tout le monde, on avait envie d’aliments qu’on n’a pas l’habitude de manger, parce qu’à Noël, dans ma famille, on fait un repas spécial. C’est pareil ici : on veut que les gens en rentrant se disent : « On a été considéré comme des gens normaux ».

Malgré les problèmes techniques (on fait tout pour récupérer un streaming qui a décidé de se faire la malle), on y est…

Publiée par Boudin Room sur Dimanche 26 février 2017

Et il y aura du boudin ?

Non pas de boudin au menu. Le Foyer veut – et je comprends totalement – que son accueil soit inconditionnel et que tout le monde puisse manger. Par exemple, il n’y a pas de porc au menu, pour laisser le choix. On retrouve des poireaux confits et escargots en entrée, ou un œuf mollet et crème de Comté. Et le plat, on laisse le choix entre une cuisse de dinde au beurre de sarrasin, ou l’épaule d’agneau avec la purée de céleri, mon chouchou. En dessert, on prépare une mayonnaise au miel et citron vert pour accompagner l’ananas et les pommes. Je dis mayonnaise parce que c’est cuisiné comme une mayo, c’est pour la texture et l’aspect. Ou alors une bûche au chocolat déstructurée. Ça va être beau… et bon !

La soirée n’a pas tellement été mise en avant finalement ?

C’est vrai, on a voulu mettre le repas en avant et pas la teuf. On veut aussi garder l’intimité avec le Foyer, c’est pour ça qu’on n’a pas trop dévoilé. Le principal, c’est le repas. L’intégralité des fonds sera reversée à l’organisation. Il y a une grande démarche d’humilité. Et puis faut le dire aussi, tous les artistes qui seront ensuite présents à la soirée, ont tous accepté de venir gratuitement. A 15 heures, quand le repas sera fini, on aura gagné pour moi. On aura fait ce qu’on avait à faire. A 31 ans, avec une reconversion, je suis content de me dire que j’ai lancé un projet, que j’en suis l’acteur et que j’ai pu le faire jusqu’au bout.

Tu as le sentiment que les gens ne se rendent pas compte du potentiel qu’ils ont pour soutenir et aider ?

Oui c’est un peu ça. Moi j’ai décidé d’agir à un plus petit niveau. On fait un repas pour 75 personnes, je me dis que c’est le niveau local qui compte et fait toute la différence. C’est un don : vous donnez 8€ à une association, c’est un geste simple. J’ai rencontré des personnes avec de la volonté et c’est un vrai accélérateur quand tu es bien entouré. Quand on a la possibilité d’agir, il faut agir. C’est notre devoir de citoyen en fait, de toute personne normale. Agir sur la solidarité, sans être exceptionnel, ça permet de continuer à connecter les gens aussi. Je suis fier d’avoir pu porter ça.

Simon Bomans © Boris Götz

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