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John Maus : « Jeune, je pensais construire un jour une machine à remonter le temps »

John Maus est un véritable ovni de la scène musicale actuelle. Son oeuvre aussi abrupte que noire et lo-fi ne ressemble à rien d’autre. À grand renfort de synthétiseurs (qu’il fabrique lui-même), d’échos et d’effets, il flirte avec le lugubre et le kitsch. Un brin geek, surtout très mélomane, ce prodige expérimente. Au fil de sa discographie, il semble toujours à la recherche d’une musique nouvelle, abattant les frontières entre savant et populaire. 

Cette année, la programmation éclectique du festival Villette Sonique était fière de proposer une soirée avec ce phénomène. Et quel phénomène… Lorsqu’il arrive en trombe sur la scène du Trabendo, difficile de ne pas se placer entre malaise et admiration : il déborde d’une énergie juvénile, presque adolescente. À 38 ans, il continue de sautiller partout, agitant son poing serré. Il hurle fébrilement, sans jamais sembler fatiguer. Si le show se termine avec son visage ensanglanté, le monsieur respire une candeur et un bonheur indéniable. Il a tout donné. Difficile de résister à la curiosité face à un tel personnage. Rencontre.

Que voulais-tu faire lorsque tu étais plus jeune ?

J’ai toujours voulu être un scientifique. Je pensais que je pourrais un jour construire une machine à remonter le temps et aller plus vite que la vitesse de la lumière. Mais j’ai aussi eu une phase plus commune où je voulais être un acteur ou un chanteur connu.

Tu enseignais la philosophie à un moment, c’est toujours une de tes activités ?

Non, je ne suis plus professeur de philosophie. Je m’occupais des TD mais je n’ai jamais trouvé ma place en tant que professeur. Je ne pense pas que j’étais suffisamment doué pour être un bon enseignant.

Peux-tu me parler de là où tu as grandi ?

J’ai grandi dans une petite ville de l’État du Minnesota. J’ai vécu dans le sud, entre fermes et prairies. Il n’y a rien de bien sublime dans ces paysages. C’est aussi banal que ça en à l’air, dit comme ça. C’est grand, ouvert et l’urbain n’a pas encore envahi l’espace. Tu ne tombes pas souvent sur des gens et les embouteillages sont un concept lointain. C’est plus spontané : tu peux te balader seul avec beaucoup de liberté. Les hivers y sont incroyablement noirs et froids. Parce que c’est petit, les sons qui émanent de la ville ont une certaine tristesse intrinsèque en eux. Comme le bruit d’une autoroute inter-États dont s’échappent des bruits de pneus crissant régulièrement. Voilà le genre de réalité sonore de cet endroit. Ça m’a beaucoup inspiré dans ma musique.

Quelle a été ta première claque musicale ?

Je devais avoir 11 ans, internet n’existait pas. Là où je vivais, la seule musique à laquelle j’avais accès était celle qui passait à la radio et à la TV. Il n’y avait pas de vie étudiante dans ma ville, dès que les gens finissaient le lycée ils s’en allaient ailleurs. Il n’y avait pas de communauté de jeunes qui influençait ou dynamisait la ville. Dans des villes plus étudiantes, les jeunes étaient sûrement en train d’écouter ceux qui avaient influencé Nirvana plutôt que Nirvana mais moi, c’était la première fois que j’entendais quelque chose comme ça. Ça m’a pris par surprise. Ça a saisi mon imagination harmonique parce que c’est que des quintes parfaites et des répétitions. Peut-être que si j’avais grandi en écoutant les Cure j’aurais des capacités mélodiques plus importantes. C’est très étrange de se dire que par rapport à l’âge que j’ai aujourd’hui Kurt Cobain était un enfant. Il n’avait 27 ans… C’est à la limite de l’impardonnable qu’il se soit suicidé. C’est égoïste et lâche. Ça ne va pas avec son attitude. Il semble y avoir une injonction de ce moment-là de la musique indépendante sur ce que je fais. Kurt Cobain aurait pu servir de pont et être un curateur de l’underground, il avait montré beaucoup d’intérêt pour les nouveaux de cette scène d’ailleurs. Quel gâchis.

Tu as commencé par jouer seul sur scène, pourquoi t’être entouré ?

C’était plus difficile pour moi d’être seul sur scène. Je suis toujours assez anxieux mais à l’époque c’était insupportable. Je n’arrivais pas à investir l’espace seul sur certaines grandes scènes. Notamment celles qui sont en extérieur, très surélevées, avec des crash-barrières et plein de gens derrière. Certaines personnes à l’avant pouvaient être touchées par ma musique et ma présence mais ceux d’après c’est sûr que non. C’est la raison pour laquelle j’ai fait appel au groupe.

Qu’est-ce que tu penses de ce qu’il se passe musicalement en ce moment ? Tu as l’impression qu’on « avance » ?

Avec le hip-hop oui… Mais il se passe peu de choses en terme d’héritage rock’n’roll. Peut-être que je ne l’ai pas entendu mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait eu d’ajout intéressant à ce qui a déjà été fait depuis longtemps. C’est quelque chose que j’aimerais beaucoup découvrir. Ça ne me ferait pas peur de me rendre compte qu’il y a un nouveau groupe complètement dingue. Plus il y a de travail fait autour du rock, plus il y a d’inspiration et plus il y a moyen de trouver un écho.

J’ai entendu dire que tu avais travaillé autour de l’intelligence artificielle ?

Je n’ai pas beaucoup utilisé l’intelligence artificielle mais je m’y suis essayé. C’est facile de spéculer et de se dire que c’est autour de ça que le futur de la musique va se jouer. Les algorithmes sont déjà très présents lorsqu’il s’agit de suggérer la musique sur les services de streaming. Je pense que nous ne sommes qu’à un doigt d’avoir des machines qui nous jouent exactement la musique que nous voulons entendre. J’ai essayé des choses assez basiques, je ne suis pas assez qualifié pour aller bien plus loin. Mais je continuerai d’explorer cet outil incroyable. 

John Maus sera le 18 août à la Route du Rock et le 1er Novembre au Pichfork Music Festival.

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