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James Holden : « Je suis curieux des franges de la société »

Après un échange avec le boss de Border Community, le label qui brouille les frontières entre la chambre et le dancefloor depuis 2003, on en ressort forcément grandi. Sept ans après la sortie de « The Idiots Are Winning », accueilli rapidement – à tort ou à raison – par le secteur comme le renouveau de la techno en Angleterre, il revient avec le nouvel album « The Inheritors ». Dans ce disque, cet artisan d’une musique méditative-qui-danse imagine une autre direction qu’auraient pu prendre le monde et la musique.

Que raconte « The Inheritors » ? 

Le titre vient du livre du même nom de William Golding. Dans ce bouquin, les héritiers sont les humains – ils héritent de la Terre au moment où le protagoniste du livre (un homme de Néanderthal) observe l’extinction de son espèce. Dans ce disque, j’ai imaginé un monde dans lequel de belles et de vieilles idées pourraient exister dans le présent et j’ai proposé une voie qu’aurait pu emprunter la musique.

Que dirais-tu de créer un festival où il n’y a pas de frontière entre la chambre et le dancefloor ?

Ça a l’air stressant mais ce serait une bonne idée. J’ai souvent pensé ouvrir un club où le chill-out serait la pièce principale. Des poufs, des canapés et des douilles.

Qui inviterais-tu ?

Terry Riley, c’est sûr. Je laisserais Yoko Ono occuper une tente, les concerts dans son loft de New-York dans les 60s / 70s sont exactement ceux que je voudrais y voir. Il y aurait beaucoup de musiciens du Mali – la musique malienne est incroyable, tellement hypnotique et belle. Et peut-être qu’ils pourraient rester plus longtemps sur notre territoire, depuis que les islamistes terrorisent le Mali, les musiciens y sont persécutés. Sans oublier le Caribou Vibration Ensemble [ndlr, ensemble de musiciens dirigé par Dan Snaith (Caribou) et composé entre autres par Kieran Hebden (Four Tet) et Marshall Allen (Sun Ra)]

La bière serait chère ?

Oui, mais elle finance les space-cakes gratuits et l’acid-punch.

As-tu l’impression que les comportement des DJs ont changé avec les années, maintenant que certains sont considérés comme des rock stars ?

Depuis que je suis assez âgé pour aller dans des clubs, il y a toujours eu des DJs avec des illusions de grandeur. La faiblesse humaine est une constante, n’est-ce pas ? Après, c’est une minorité, la plupart des gens que je rencontre dans le milieu de la musique indé sont très agréables.

Est-ce que la techno sonne mieux qu’avant l’arrivée de logiciels plus performants ?

Haha, non. C’est même l’inverse. Je ne comprends pas pourquoi les gens qui font une musique influencée par Chicago / Detroit / l’Afrique / Kraftwerk empruntent les techniques de la production digitale de la pop… le son est trop fort, trop grossier et trop minutieux. C’était mieux quand les machines limitaient les gens, parce que ces limitations étaient – à fortiori – de bons choix esthétiques. Sans ces limitations, les gens se sentent libres d’exposer leur pauvre jugement.

Quel genre de musique t’a excité ces derniers mois ? 

Récemment, j’ai beaucoup aimé l’album de Kyle Hall, je me l’écoute en boucle et super fort au studio. Une belle saturation et des arrangements modestes et admirables. Sinon, il y a aussi le LP de Jonas Reinhardt et je me suis mis au courant de certains CDs de Don Cherry et Terry Riley que je n’ai pas encore achetés.

Penses-tu qu’un nouveau genre musical, qui serait totalement innovant, puisse apparaître ?

Mieux que de la spéculation, j’ai un exemple : j’ai découvert l’électro chaabi égyptien. Honnêtement, je trouve que c’est carrément innovant. C’est une fusion de chaabi (musique traditionnellement jouée dans les mariages en Algérie et au Maroc) et d’électro lo-fi  qui arrive à être bien plus qu’une synthèse de ses parties mais un style à part entière. En Occident, c’est plus dur à trouver. Le poids de notre culture est tellement lourd à porter sur nos épaules. Quelqu’un doit euthanasier Mc Cartney et les Stones, ce serait déjà un bon début.

Comment vois-tu le futur de la musique électronique ?

Cela ne me concerne pas vraiment. La vision de la masse ne m’intéresse pas. Je suis beaucoup plus curieux des franges de la société, des précurseurs non reconnus, de l’art à l’étranger. Quoi qu’il en soit, je ne fais pas de prédictions.

Tu as écouté l’album de Boards Of Canada ?

Je l’ai écouté hier. A mi chemin entre le 3ème et le 4ème morceau, mon chien s’est tourné vers moi et a levé les sourcils genre « quoi ? un solo de flute Mellotron et des samples de voix incompréhensibles, ENCORE ? ». Ensuite, il est parti de la chambre donc je dirais qu’il a donné à BoC un 3/5. Par contre, il a vraiment aimé le nouveau LP de Gold Panda. Il s’endormait avec contentement en se laissant bercer, en rêvant qu’il courrait.

As-tu en tête un exemple de musique trop étrange pour toi ? 

Je ne pense pas que je trouve encore la musique étrange. J’ai des disques de psyché japonais ou de musique électro-acoustique occidentale, ça peut être difficile mais c’est pas si bizarre que ça – tu finis toujours par connaître les paramètres, si tu t’y intéresses. Sinon, il y en a bien un. La première fois que je l’ai entendu j’étais sincèrement surpris et je ne peux toujours pas m’expliquer ce morceau. En fait, c’était trop étrange mais je l’appréciais. Sauf que je ne l’assumais pas et, du coup, je devenais tendu : mon refus d’aimer n’était en fait qu’un processus de dissonance cognitive, comme la collision entre une protection de mon ego et une peur de ne pas l’avoir compris. C’est ce morceau .

Tu veux passer un message à ton plus grand ennemi ?

A tous mes ennemis humains “Good luck with that”. J’essaie de ne pas avoir d’ennemis car je ne suis pas zen.

Au fait, les idiots ont gagné ?

Ouais, ils gagnent toujours et il y en a même beaucoup plus. D’ailleurs, je viens juste de réaliser que le titre de l’album précédent a un sens identique à celui-ci. Oops.

Crédits photo :  Sonny Malhotra

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