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Girls In Hawaii : « C’est difficile de s’étonner soi-même en permanence »

Chaque nouvel album des Girls in Hawaii est un petit événement pour nous, surtout lorsqu’on sait qu’il faudra attendre encore quatre ans pour avoir le suivant. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que nous nous sommes plongés dans « Nocturne » avant d’aller rencontrer ses deux têtes pensantes, Lionel et Antoine, dans les locaux parisiens de leur label.

Avant de l’écouter, il suffisait de lire les articles qui parlaient de vous pour comprendre que votre nouvel album allait être plus électronique. Le fait que vous ayez choisi « Walk » comme single, appuie cette idée. Vous aviez besoin d’affirmer un certain renouveau ?

Lionel : C’est vrai que beaucoup de gens parlent de ça. Après, pour nous, ça reste un disque de Girls in Hawaii au sens où on retrouve des batteries et il y a quand même pas mal de morceaux qui gardent notre ADN. Pour le choix de « Walk » ça vient juste du fait qu’il nous semblait un peu plus adapté à la radio, et qu’il avait un coté un petit peu humoristique. C’était rigolo de sortir ce morceau-là et de voir comment les gens allaient réagir. Y’avait un petit coté effronté dans le fait de le sortir, mais c’était pas pour dire : « Attention, on a changé« .

Je sais que vous écrivez chacun de votre coté au départ. Est-ce que cette volonté « d’électriser » votre musique est venue de vous deux ?

Antoine : Ça vient surtout du fait qu’on avait l’impression d’avoir fait le tour de la guitare, donc on voulait revenir à quelque chose de ludique en se disant qu’on allait composer le disque avec uniquement des boîtes à rythmes et des synthétiseurs. Ça nous a fait envisager les morceaux différemment, et ensuite dans la production on est allé à fond dans ce trip-là.

Girls in Hawaii – Walk

J’ai aussi l’impression que vos voix ressortent plus et prennent plus de place que sur vos anciens albums où elles étaient totalement incluses dans la musique. Vous avez travaillé ça particulièrement ?

Lionel : Oui on a pas mal affirmé ça, c’est vrai. D’ailleurs, j’ai réécouté nos premiers albums récemment et c’est vrai qu’on a presque envie de sortir les voix, de les mettre en avant. Et sur Everest, le mixage avait fait ressortir nos voix et on s’était sentis bien avec ça. Donc sur Nocturne, le fait de travailler avec des machines a laissé beaucoup d’espace. On a naturellement mis les voix assez haut, tellement haut qu’on a dû les baisser au mixage d’ailleurs.

Antoine : On voulait laisser de l’espace, faire quelque chose de très minimal. Au moment de la composition, on a écouté beaucoup de trucs électroniques ou hip-hop, où tout se base souvent simplement sur un beat et une voix, et il y avait quelque chose de fascinant pour nous dans cet équilibre. Et on a eu peur à un moment d’aboutir à un disque trop froid puisqu’il n’y avait plus la fougue d’une guitare ou d’une batterie, mais finalement la voix a pris cette place en affirmant toute sa personnalité et sa fragilité. Le contraste entre le froid de l’électronique et le chaud de la voix très intéressant.

Justement, tu parles de cette influence hip-hop, que l’on ressent sur « Blue Shape » notamment avec un beat presque trap. Vous utilisez aussi du vocoder à plusieurs moments. Vous allez vous mettre à rapper sur le prochain album ?

Lionel : Oui à fond ! C’est vrai qu’on a écouté pas mal de hip-hop. De toute façon, tu peux plus trop passer à coté aujourd’hui. On est pas toujours à l’aise avec les textes, mais c’est vraiment leur approche musicale qui nous attire.

Antoine : Il y a eu une énorme évolution dans le hip-hop. Au départ, c’était une musique qui reposait sur le sample et pas vraiment sur des producteurs, mais aujourd’hui des groupes comme PNL ont un véritable univers musical qui leur est propre. Il y a un truc plus fin dans les productions qu’avant, donc en tant que musiciens ça nous intéresse plus. Ces petites touches sur l’album, c’est tout simplement notre façon de digérer ces influences, mais on va jamais faire un disque hip-hop parce qu’on est incapables de rapper. On pourrait essayer si tu veux être mort de rire.

Vous décrivez ce disque comme « plus parcimonieux ». Vous pouvez nous expliquer plus concrètement ce que ça veut dire ?

Lionel: Avant, on arrivait en studio avec des démos très finies, et une fois en studio on ne se posait pas vraiment de questions, on tartinait de guitare, de batterie, du début à la fin. Sur chaque coup de grosse caisse, il y avait une guitare, une basse. Alors que là, on a voulu faire des choses qui se répondaient plus, on a plus travaillé les structures, la manière dont les éléments arrivent et se retirent. Et le producteur avec qui on a travaillé sur Nocturne, Luuk Cox, il est vraiment bon là-dedans.

Antoine : Avant, on pouvait passer des mois sur des démos, mais pour cet album on s’est interdit de passer plus de deux ou trois jours sur un morceau. Le but c’était d’arriver en studio avec les idées de base et c’est tout.

Girls in Hawaii – This Light

Sur Everest, vous aviez déjà fait appel à Luuk Cox, et vous aviez évoqué l’envie que votre disque vous échappe. Est-ce que vous aviez le même besoin sur Nocturne ?

Lionel : Oui, c’est tout à fait ça. Sur la fin d’Everest, on commençait à se laisser aller, et on vraiment eu envie de poursuivre ce processus avec Nocturne.

Antoine : En fait sur les premiers morceaux d’Everest, il n’avait pas eu vraiment de marge de manœuvre parce qu’on avait déjà des morceaux très écrits, très travaillés. Donc à la fin on a commencé à travailler sur des faces B parce qu’il nous restait du temps, et on s’est attaqué à des nouveaux morceaux sur lesquels on avait moins d’idées, et là il a complètement transformé nos morceaux. Ça nous échappait totalement mais c’était génial, parce que ça nous a fait sortir de nos recettes qui commençaient à nous ennuyer. C’est difficile de s’étonner soi-même en permanence.

Donc cette fois-ci vous êtes arrivés en studio avec quelques idées et vous avez laissé Luuk bosser ?

Antoine : On était pas du tout crispés, et on le laissait assez faire. Et parfois, les autres membres du groupe, qui n’écrivent pas les morceaux, nous regardaient un peu bizarrement en se demandant…

Lionel : « Qui fait le disque ? »

Antoine : Ils se demandaient presque si on en avait quelque chose à foutre, parce qu’en studio on était souvent assis dans un fauteuil à lire des magazines en écoutant de loin ce qu’il se passe. (rires) C’est important d’arriver à ne rien faire en studio et de laisser certaines choses se faire. Sur ce disque-là, ça a vraiment dirigé des morceaux dans des directions hyper intéressantes.

Luuk est donc un membre du groupe à part entière, maintenant ?

Antoine : Pour ce disque-ci, il a vraiment été membre créatif. Et nous on estime aussi qu’une fois qu’on a amené nos 35 démos en studio, et qu’on en sélectionne 15-20, notre travail est plus ou moins accompli. Ensuite il y a un travail important des autres membres du groupe et de Luuk en tant que producteur. Et nous deux on se tient en retrait on remarque que le morceau va plus loin que si on discute sur chaque idée. Luuk aime sentir qu’il a de l’espace, il est d’autant plus motivé quand il sent qu’il a de l’impact sur les choses.

Vous avez fait des séances d’hypnose pour éveiller votre créativité : c’est parce que vous êtes maintenant trop vieux pour la drogue ?

Lionel : Oui c’est ce que je disais l’autre jour, c’est de la drogue pour « couilles molles ».  Mais en fait c’est juste qu’on a tous les deux des déviances sexuelles donc on est tous les deux allés voir des psys ! (rires). Plus sérieusement, on voulait pas attaquer le disque de manière trop cérébrale après Everest qui avait été très exigent, on a donc essayé de trouver un moyen d’entrer dans le processus de manière détachée. Et chacun de notre coté, on a trouvé cette solution-là, c’est un bon moyen de laisser l’inconscient, et ça nous a permis d’accéder à tout un tas d’histoires. Les deux premiers morceaux du disque viennent de là.

Dans une interview vous aviez dit : « Il y a toujours un moment où ça coince », en parlant de l’élaboration de vos albums. Sur Everest, vous n’étiez pas d’accord sur la pochette. Qu’est-ce qui a coincé pour celui ci ?

Lionel : Ça a vraiment coincé au mix, on a vraiment galéré. On pensait avoir un disque super bien fignolé en studio, tous les sons étaient nickel, mais bizarrement aucune des personnes avec qui on a tenté de mixer le disque ne collait.

Antoine : Ça vient surtout du fait qu’on était très contents des versions studio. Et au moment où on a fini les enregistrements, on a pris trois mois de pause parce que j’allais être papa. Donc on n’a plus touché au disque mais on a beaucoup écouté les versions qu’on avait, et on est restés sur ce sentiment d’accomplissement. Mais quand on a envoyé tout ça à des mixeurs, la plupart revenaient un peu à zéro alors qu’on était déjà trop attachés à énormément de choses sur ce disque. Finalement, l’histoire est marrante parce que l’assistant de sessions, qui était en studio avec nous, nous a envoyé un mail en nous disant qu’il avait fait un mix et là c’était vraiment bien, c’était exactement ce qu’on cherchait, donc il a mixé quasiment tout le disque.

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