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Georgia, conte enchanteur

Prenez un auteur brillant (Timothée de Fombelle), un illustrateur qui ne l’est pas moins (Benjamin Chaud), quelques très jolis noms de la chanson (Albin de la Simone, Ben Mazué, Pauline Croze, Ariane Moffatt, Rosemary Standley pour ne citer qu’eux), une narratrice envoûtante (Cécile de France), et vous obtiendrez « Georgia, tous mes rêves chantent ». Dans la grande tradition des livres-disques de la littérature jeunesse, ce conte explore tant les noirceurs que la légèreté de l’enfance.

En ces périodes de fêtes de fin d’année où l’enfance peut sembler se résumer à des rires, des cadeaux, des grands-parents gâteaux et des batailles de boules de neige (enfin ça, c’était avant, maintenant y’a plus de saison ma bonne dame), on peut aussi en profiter pour se souvenir que non, jeunes années ne riment pas forcément avec innocence et émerveillement de chaque instant.

Georgia, par exemple. Si elle est aujourd’hui une chanteuse à succès, elle n’a pas que rigolé quand elle était gamine. Elle lève le voile sur ces quelques mois charnière où, alors âgée de 7 ans, recueillie par sa tante et séparée de ses trois petites sœurs, elle a appris, grandi, et posé la première pierre de sa vie d’adulte. Une chose frappe en faisant connaissance avec Georgia : elle est seule. Une solitude tantôt subie, l’absence de ses parents dont on ne sait presque rien mais que l’on comprend disparus subitement, celle de ses sœurs, éparpillées comme elle le dit « comme une poignée de billes qu’on jette sur un carrelage » ; tantôt choisie, rejet de l’école et des amis qu’elle pourrait y avoir. Mais elle a ce qui, à ses yeux, est le plus important : ses rêves. Personnages à part entière de l’histoire, délurés, dissipés, drôles et tendres, ils parlent, chantent, se chamaillent, et constituent pour Georgia l’échappatoire, le bol d’air dont elle a tant besoin.

Mais ces rêves, s’ils lui apportent un vrai réconfort, la coupent malgré tout de la réalité. Dans ce monde qui n’appartient qu’à elle, Georgia va faire une rencontre qui changera sa vie. Sam, le violoniste, ami imaginaire venu d’un autre temps, va la rassurer, la libérer, l’encourager à se lancer dans le vide, il va l’aider à grandir et à s’ouvrir aux autres même si ça signifie pour elle « partir au combat ». C’est à travers le chant que Georgia va briser sa coquille, trouver son chemin et prendre sa vie en main. Ses rêves auront alors accompli leur mission, ils auront accompagné Georgia lorsqu’elle avait besoin d’eux, quand elle n’était pas encore prête pour de vraies relations. Ils pourront alors la quitter. Elle continuera son chemin d’enfant puis sa vie d’adulte avec d’autres rêves, qu’elle réalisera à leur tour, et qui à leur tour s’en iront.

La place des contes dans la construction de l’enfant n’est plus à démontrer. Bien plus qu’à l’endormir, ces histoires, qu’elles soient vieilles comme le monde ou plus modernes, l’aident, via la fiction, à comprendre puis à verbaliser à son tour les peurs, les conflits, les questionnements et les doutes qui font son quotidien. Et quand on y pense, ils sont sacrément costauds, les gamins, parce qu’on leur en balance, des histoires bien tristes et bien flippantes. Pour les éduquer, d’accord, avec des petits personnages rigolos autour, oui, mais quand même. Entre les enfants abandonnés par leurs parents dans la forêt, le loup qui a bouffé la grand-mère, les belles-mères toutes plus biatchs les unes que les autres, la mort par pomme empoisonnée, et l’insoutenable maman de Bambi, on ne leur épargne pas grand-chose. Il y aurait de quoi les dégoûter de la vie en général et de la famille en particulier, source intarissable de chagrin et d’angoisse. Pour faire passer la pilule, de tous temps, les contes ont utilisé le vecteur, heureusement hyper développé chez les enfants, de l’imaginaire, et bien souvent aussi, comme ici, la musique.

Difficile, sans doute, d’évoquer ces épreuves que représentent pour un tout jeune enfant la perte de ses parents puis la séparation de ses frères et sœurs sans tomber dans la guimauve. Pari pourtant réussi pour « Georgia ». Intelligent et émouvant sans être pathos, ce conte dépasse largement le cadre de la littérature jeunesse. La participation d’artistes à l’univers certes poétique mais qu’on pourrait plutôt qualifier de pop, la qualité des arrangements et la subtilité du propos font de « Georgia » un projet qui parlera aussi aux plus âgés. A côté des chansons originales, les interprétations de « Georgia on my mind » par Ariane Moffatt et « Amazing grace » par Rosemary Standley (chanteuse du groupe Moriarty), classiques bien casse-gueules s’il en est, vous provoqueront en effet sans aucun doute ce petit frisson dans la colonne vertébrale que l’on n’associe pas en principe aux contes pour enfants. C’est là la force de « Georgia », qui dans la lignée d’une « Emilie Jolie » ou plus récemment d’un « Soldat Rose » met au service d’un projet jeunesse les moyens et l’ambition d’ordinaire réservés aux disques pour adultes.

On notera que « Georgia » a été réalisé en soutien à l’association « SOS villages d’enfants » (dont la marraine est Anny Duperey qui prête ici sa voix au rêve secret de Georgia), qui milite pour la protection des droits de l’enfant en tant que droits fondamentaux et s’efforce, entre autres, de réunir les fratries.

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