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Flotation Toy Warning : « On a retrouvé le plaisir de composer de la musique »

Flotation Toy Warning est l’exemple absolu du groupe sous-estimé. On va la faire simple pour vous situer l’enjeu : pour certains d’entre nous, les dix doigts suffisent pour situer « Bluffer’s Guide To The Flight Deck », leur premier album, dans la hiérarchie des disques qui ont compté dans notre vie. Aérien, bouleversant, épique, encensé jusqu’à l’outrance, ce disque leur ouvrait grand les portes de la gloire. Au lieu de ça, son accouchement a failli emporter le groupe et le public regardait ailleurs. Douze ans après, la lumière pointe enfin au bout du tunnel. Flotation Toy Warning sortira bien un nouvel album. Peut-être pour écrire, cette fois, une histoire avec les majuscules que sa musique mérite. Au moment où le groupe fêtera son retour sur scène en même temps que les quinze ans de son label, on a échangé avec son leader Paul Carter. Entre humour caustique et confessions sur cette interminable attente.

Depuis la parution de Bluffer’s Guide To The Flight Deck en 2004, pourquoi ce second album a-t-il pris autant de temps ?

Il n’y a pas une, mais plusieurs raisons. Nous sommes tous des perfectionnistes dans notre approche de la composition, et nous étions même obsessionnels lors de l’écriture du premier album. Et cela nous a égarés : nous étions amis avant de former  le groupe et le processus de finalisation du disque avait sérieusement abîmé ces amitiés. C’est difficile d’imaginer à quel point nous étions épuisés après tous ces mois de travail, sans même une soirée off. Soit on composait, soit on allait au boulot, soit on dormait. Il n’y avait rien d’autre dans nos vies. Les gens fatigués deviennent grincheux et chiants. Tu perds ton recul quand tu es focalisé à ce point sur une seule chose. Ce n’était tout simplement plus un plaisir, à force. Alors on s’est arrêtés. Quand tu es plus jeune, c’est facile d’imaginer que tes amitiés sont indestructibles. Dis toi que notre expérience prouve que c’est faux.

Ensuite, il y a des raisons moins rock’n’roll. Certains ont eu des enfants et on est le genre de parents à être présents pour eux. Donc tout le temps libre en dehors de nos boulots leur était soudainement consacré. Composer demande un niveau  de détachement et un discernement que nous n’avions plus. Nous avons écrit l’essentiel du premier album dans un entrepôt sans fenêtre. Tu ne peux pas rester posé sur ta chaise à manger n’importe quoi pendant un an, puis courir ensuite un marathon quand tu as un après-midi de libre. Là, c’était pareil. Tu ne peux changer des couches, jouer aux Lego et lire des histoires à tes enfants pendant des années, puis composer dans la foulée une grande chanson quand tu as une soirée  libre.

Pour trouver une solution, Sean Bouchard  [le boss de Talitres, leur label, ndlr], nous a accordé une avance et on a négocié un congé de travail pour composer. Cela tombait vraiment bien et on a écrit de nouvelles chansons superbes. Et surtout, on avait retrouvé le plaisir de composer de la musique. Mais nous avons ensuite de nouveau manqué de temps et plusieurs années ont passé, encore. L’année dernière, Sean est revenu avec une nouvelle avance, pour nous permettre de travailler à nouveau. Je viens de passer l’année entière à m’enfermer pour écrire les paroles et finir ces chansons. On a enregistré, puis mixé. On est très proche du but.

Avez-vous, un jour, envisagé de ne finalement pas donner suite à Bluffer’s Guide To The Flight Deck ?

Oh oui. Dès 2005. Les autres pensent certainement la même chose. J’étais pessimiste, alors qu’on était arrivés là où je voulais. A la fin de l’enregistrement du disque, nous avions détruit le groupe. Je ne voyais aucune issue. Mais je me suis rendu compte que je ne pouvais pas laisser tout filer. Je pense que personne dans le groupe n’aurait pu. Je ressentais comme un goût d’inachevé, même si je ne voyais plus comment on pourrait à nouveau reprendre du plaisir.

Plus récemment, je ne voyais toujours pas comment donner une suite, mais pour des raisons plus pratiques : pas de temps, pas d’argent. Je voyais tout en noir mais la solution était tout simplement de travailler plus dur, d’y consacrer plus de temps. Je ne travaillais plus assez. Tout le monde a ses limites et il fallait bien que je dorme, parfois. Heureusement, Sean a trouvé une solution. C’est incroyable qu’il ait continué à croire en nous après tout ce temps. Sean, merci.

« Je suis conscient que Bluffer’s Guide To The Flight Deck soit l’album préféré des certaines personnes. Ils ne sont pas nombreux, mais c’est incroyable. Même si c’était le cas pour une seule personne, ce serait déjà notre plus belle récompense. »

Y avait-il une pression de la part de vos fans qui vous semblait déplacée ?

Non. Nous sommes toujours ravis que les gens aiment notre musique. J’ai progressivement pris conscience que certains désespéraient de nous voir sortir un nouvel album. Je n’ai pas eu envie de les laisser tomber. Etre dans cette position est flatteur. C’est un très grand compliment.

Mais après tout, vous faites bien ce que vous voulez, non ?

Non, je ne fais pas toujours ce que je veux. Si c’était le cas, j’aurais mon boulot, je vivrais dans une maison comme celle de « Even Fantastica » avec des centaines de pièces différentes, j’écrirais de la musique et je voyagerais à travers le monde avec ma voiture volante solaire pendant mon temps libre. Et quelqu’un d’autre ferait la vaisselle.

A quel moment avez-vous réalisé que votre premier album avait à ce point marqué les esprits ? Tout de suite ? Ou quand vous avez commencé à disparaître ?

J’ai mis un certain temps à l’intégrer, si tant est que je l’ait fait. J’ai toujours été partagé entre deux sentiments : le fait de croire en notre musique et le sentiment d’être quelqu’un qui ne mérite pas qu’on le couvre d’éloges. J’ai grandi ainsi. Je me dis que quiconque écrit de la musique peut avoir le même écho. Mais je suis conscient que votre cerveau peut vous jouer des tours. Alors je reste toujours prudent, au cas où cet enfoiré me prenne de court. Je suis conscient que Bluffer’s Guide To The Flight Deck est l’album préféré des certaines personnes. Ils ne sont pas nombreux, mais c’est incroyable. Même si c’était le cas pour une seule personne, ce serait déjà notre plus belle récompense.

Avec du recul, selon toi, qu’avait-il de si spécial, ce disque ?

C’est impossible de revenir si loin en arrière. Cela dit, c’est également plus facile à appréhender avec le temps. Ce qui m’a frappé en rejouant ces chansons, c’est à quel point elles étaient pleines d’idées différentes au sein de chacune d’elles. On devait se dire que si on mettait assez de cloches et de sifflements, les gens seraient si distraits qu’ils ne se rendraient pas comptent qu’ils n’aiment pas.

Avez-vous échangé avec vos fans durant ces années d’attente ?

Je suis ami Facebook avec certais d’entre eux. J’échange aussi avec d’autres fans via notre page Facebook. Je terminais la plupart des conversations en promettant que le nouvel album sortirait l’année suivante. Ils ont arrêté de me croire au bout de cinq ans. J’ai même été contacté par un gars qui allait être le témoin d’un ami lors d’un mariage. Et ce gars était tellement fan de Flotation Toy Warning qu’il voulait que je lui écrive quelques mots qu’il aurait ensuite intégré dans son discours !

Sinon, le fan avec lequel j’ai le plus échangé était un ancien de la marine américaine. On s’échangeait de la musique en se faisant découvrir de nouveaux groupes. Je n’imaginais pas qu’un militaire puisse aimer notre musique, ni celles que j’aime. Je devais être un peu borné. Mais ça m’a servi de leçon.

Jouer à la Route du Rock était dingue, également. Grande scène, beaucoup de monde, des têtes d’affiche, etc. Deux jours plus tard, j’étais de retour au boulot et les collègues me demandaient si j’avais passé un bon week-end. Ils ne savaient même pas que j’avais un groupe.

Et avec Talitres, durant cette période ? Sean Bouchard, le boss du label, est-il devenu fou, à un moment ?

Il a toujours été un peu fou. La fois où je me suis particulièrement inquiété pour lui, c’est quand il nous a attaqué dans un hall d’hôtel avec un balai. C’était un peu raide, mais il a quand même fait ça en douceur.

Que retenez-vous de vos passages en France ? 

Je me souviens de fragments de tous les concerts. Chacun d’entre eux était spécial, mais je ne pourrais plus te dire dans quel ordre on a joué ici ou là. On a plusieurs souvenirs formidables, donc c’est dur de choisir. L’atmosphère la plus électrique qu’on ait jamais connue, c’était à Lyon. Il y avait une Flotation Toy Warning Mania. Au point où on s’est demandés s’ils ne s’étaient pas plantés de nom sur l’affiche.

Jouer à la Route du Rock était dingue, également. Grande scène, beaucoup de monde, des têtes d’affiches, etc. Deux jours plus tard, j’étais de retour au boulot et les collègues me demandaient si j’avais passé un bon week-end. Ils ne savaient même pas que j’avais un groupe. Je ne pouvais pas leur expliquer quel week-end je venais de vivre. Je ne savais pas par où commencer. Quand on a joué à Nevers, j’ai dit au public combien qu’on était contents d’être là, ce qui était vrai. On était tellement excités de faire une tournée. Un mec dans le public m’a répondu que je mentais, parce que, selon lui, cette ville est le « trou du cul du monde« . J’espère qu’il aime quand même sa ville plus que ça.

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Qu’est-ce qui domine, à présent : l’appréhension ou l’excitation devant l’accueil qui sera réservé à ce deuxième album ?

C’est peut-être différent pour d’autres artistes, mais on ne maîtrise pas la façon dont les chansons nous échappent. On ne le dirige pas. On écrit, et si une idée nous rend euphorique, on l’approfondit jusqu’à son terme. Si ça ne fonctionne pas, on jette. Nous n’avons pas changé nos habitudes. Si personne n’aime ce qu’on vient de faire, on ne peut rien y changer. Cette fois, on vient de faire un album de grindcore… Non, d’accord, pas vraiment. Evidemment, je préférerais que les gens aiment le disque. Sinon, je ne pourrai pas faire beaucoup de concerts.

Que peut-on savoir des nouvelles chansons ? Sont-elles toujours aussi rêveuses ?

Je pense que oui. C’est un disque plus varié que le précédent. On a un batteur différent, Steve, qui nous a apporté un nouveau regard sur les choses. Mais c’est aussi celui qui a enregistré Bluffer’s Guide To The Flight Deck. Donc il connaissait déjà notre musique de l’intérieur (il faut savoir que tu dois nous connaître depuis au moins 20 ans pour espérer intégrer un jour Flotation Toy Warning). C’est un disque plus mature (nous avons vieilli), plus lyrique et musical. Cela dit, il n’y avait pas de chanson disco dans le premier album non plus.

Quels artistes vont ont le plus marqués durant ce laps de temps ? Lesquels ont pu influencer votre travail pour ce retour ?

Récemment, j’ai écouté Tobacco, Fruitkey et Passenger Peru. Je me suis plongé dans beaucoup de choses et ça m’a aidé à écrire les paroles du disque. Mais je me demande si je ne reste pas davantage influencé par les groupes que j’écoutais déjà, avant le premier album. C’est à dire ceux qui m’ont appris à écrire des chansons. Ou justement, ceux qui m’ont appris qu’il n’y avait pas de chemin tracé ou de voix unique pour écrire les chansons.

Attente entre deux disques, patience pour installer les ambiances, nostalgie des paroles et des atmosphères, etc. Le rapport au temps est-il mis au centre de Flotation Toy Warning ?

Non. On devinera aisément, car c’est assez flagrant, qu’aucun membre du groupe n’a de montre.

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Retrouvez notre article 15 ans de label en quinze disques par Sean Bouchard, fondateur de  Talitres

Toutes les infos pour l’anniversaire de Talitres, avec les deux dates de Flotation Toy Warning : événement Facebook

PARIS / La Maroquinerie
09/11 : Motorama, Emily Jane White
10/11 : Motorama, Flotation Toy Warning, Will Samson

BORDEAUX / Le Rocher Palmer
11/11 : Frànçois & The Atlas Mountains, Stranded Horse, Will Samson
12/11 : Motorama, Emily Jane White, Flotation Toy Warning

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