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Espace B : « Au lieu de fermer les salles, il faudrait peut-être juste les aider »

L’un des bastions de la culture café-concert parisienne est sous le coup d’une fermeture administrative brutale jusqu’à la fin du mois d’août. L’occasion de poser quelques questions à Pauline Richaud, co-programmatrice de l’Espace B qui booke, avec Nicolas Chiacchierini, tous les groupes émergents que cette Terre ait connu. Vous voyez, tous ces paris risqués que les grandes salles ne prendront jamais ? Eh ben, c’est eux.
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Le format de l’Espace B, lieu de diffusion de musique avec une jauge à 200 personnes, restau-bar, est-il un ovni à Paris ?

Pauline Richaud : C’est vrai qu’on n’est pas nombreux à avoir cette jauge de 200 personnes, format idéal pour accueillir des artistes émergents. Après la fermeture de la Mécanique Ondulatoire, il reste L’International, Le Supersonic, et bien sûr l’Olympic Café qui a le même format restau, bar, concerts que nous.

Qu’est-ce qu’une fermeture administrative implique comme pertes financières – mais pas que – pour un lieu comme le vôtre ?

PR : La perte financière est énorme puisque ce n’est pas seulement la salle de concert qui ferme mais aussi l’ensemble du lieu, donc le bar et le restaurant. Il faut rappeler que le bar est ouvert dès 8h du matin et qu’il y a une activité assez intense au restaurant le midi. Le temps de rouvrir, il faut payer le salaire de chaque employé, ainsi que les charges, sans aucune rentrée d’argent. Aussi, le frigo du restau est rempli et il nous reste pas mal de marchandises à écouler que l’on risque de perdre. En terme de programmation, on doit déplacer dans d’autres salles les concerts qu’on avait programmés jusqu’au 26 août, en espérant ne pas annuler notre programmation sur la saison fin 2018, et qui concerne à peu près 80 concerts.

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Sur Facebook, vous avez déclaré « Nous avions déjà effectué des aménagements suite à récent un contrôle, mais il semblerait que ça ne soit pas suffisant. » On peut parler d’acharnement contre vous ?

PR : C’est assez curieux en effet. Jusque-là on n’avait pas eu beaucoup de problèmes. Une commission de sécurité était passée il y a quelques mois et nous avait conduit à effectuer certains aménagements, comme remplacer les extincteurs, afficher un plan d’évacuation de la salle, ou faire des aménagements électriques. Suite à celle-ci, une nouvelle commission est passée en juillet pour vérifier ces aménagements et attester qu’on les avait bien fait. Malheureusement, celle-ci a été bien plus sévère et nous a adressé un nouveau procès verbal en ajoutant de nouveaux éléments qui ne nous avaient jamais été signalés avant. Par exemple, une issue de secours de la salle de concert qu’on imaginait pas du tout poser problème. [Pour info, le problème étant que : « Une des deux portes qui mènent dehors doit être changée, car il manque 40 centimètres« ]

UNKLE FUNKLE

Trouvez-vous que ces contrôles soient essentiels ou plutôt démesurés ?

PR : Bien sûr que ces contrôles sont essentiels. Il faut que les salles soient aux normes. On est prêts à se mettre aux normes. Après, si on avait su que l’issue de secours allait poser problème, on aurait fait les travaux avant évidemment. C’est surtout le dialogue qui pose souci. C’est unilatéral. Les mesures sont très sévères en ce qui nous concerne.

Avec cette réaction plutôt punitive que préventive, peut-on lire entre les lignes concernant les décisionnaires ?

PR : Je ne sais pas ce qui se passe et à ce stade, je ne veux pas m’avancer. Ce que je vois, c’est que la plupart des bars musicaux et des salles parisiennes indépendantes et alternatives tombent comme des mouches, et c’est vraiment inquiétant. Je peux parier qu’on n’est pas les derniers concernés. Il y en aura d’autres.

AUTISTI

Il a été fait le comparatif avec les fermetures de la Mécanique Ondulatoire ou le Pop-In, est-ce que c’est la même histoire ?

PR : C’est tout à fait la même histoire. En un an, les salles de concerts de ces deux lieux essentiels ont fermé à cause de problèmes liés aux issues de secours. Celle de la Méca ne rouvrira sûrement jamais car les travaux à entreprendre sont très lourds. Dans notre cas, nous avons la chance d’avoir une salle de plain-pied, avec trois issues qui donnent sur l’extérieur. Ce sera, je l’espère, plus facile pour effectuer les aménagements demandés. En espérant que ce soit suffisant cette fois-ci…

Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux pouvoirs publics qui mettent en place ces fermetures pour travailler en plus grande intelligence ?

PR : Je voudrais leur dire que ces fermetures de petites salles de concerts et bars musicaux sont dramatiques, cela nuit à la diversité culturelle de Paris. Il y a certes beaucoup de salles à Paris, mais les salles comme la nôtre ont un rôle primordial. En tant que bar de quartier nous avons une vraie proximité avec les riverains, dans un quartier un peu mort, et en tant que salle de concerts nous défendons une programmation défricheuse et audacieuse, très abordable pour le public. Si ces salles disparaissent, je ne vois vraiment pas où les jeunes artistes pourront se produire et où on pourra écouter des concerts de rock, de musiques expérimentales ou alternatives. Il serait plus intelligent de nous aider pour qu’on développe notre activité au mieux. La Mairie pourrait nous mettre en lien gratuitement avec des architectes agréés qui viendraient nous conseiller sur les aménagements à faire et évaluer le coût des travaux par exemple. Ce n’est qu’une idée, bien d’autres seraient à développer dans ce sens. Au lieu de fermer les salles les unes après les autres, il faudrait peut-être juste les aider.

Photos : Robert Gil

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