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Black Rebel Motorcycle Club, noir c’est noir

Black Rebel Motorcycle Club revient alors que plus personne ne les attendait vraiment. Avec « Wrong Creatures » l’impression est mitigée. Au plaisir de retrouver un groupe qui nous a tant fait vibrer se lie l’amère sensation que le temps qui passe ne bonifie pas le rock’n’roll et que la fin est proche pour le groupe.

Dans l’indifférence la plus totale des Américains, le 5 décembre 2017, un de leurs meilleurs ambassadeurs s’en est allé. A défaut d’avoir grandi aux Etats-Unis, le chanteur préféré des Français franchouillards a grandement contribué à en importer une image idéalisée. L’Amérique de Johnny, c’est l’Amérique des grands espaces, de la liberté, d’une jeunesse sexy, rebelle et irrévérencieuse juchée sur des motos chromées et vêtus de denim et de cuir. Une image d’Épinal associée au rock avant qu’il ne devienne moins charnel et plus cérébral dans les années 90.

Dès le début des années 2000, une palanquée de groupes venus des deux côtés des États-Unis et d’Angleterre (une tapée avec un nom en « The ») ont redonné vie à ce rock idéalisé en revenant aux racines. Parmi eux, The Black Rebel Motorcycle Club : un nom inspiré du film L’équipée Sauvage, de László Benedek avec Marlon Brando, des belles gueules ténébreuses et un rock poisseux fait pour rouler de la Californie à Nashville en passant par le Texas. A l’époque, ce n’était peut-être pas le groupe à la longévité la plus certaine. Pourtant aujourd’hui, 17 ans après leur premier opus, ils sont toujours présents quand d’autres se sont perdus en voulant remplir des stades, ou en partant dans des directions artistiques hasardeuses. BRMC n’a jamais prétendu réinventer le rock mais reste fidèles à lui-même.

Wrong Creatures, 8ème album du groupe n’offre donc pas beaucoup de surprises. Malgré quelques morceaux assez banals ou médiocres (par exemple, le très cliché « Echo », le larmoyant « All Rise » ou le maladroit « Circus Bazooka »), la musique de BRMC sent toujours le cambouis, la sueur et le stupre. Comme beaucoup de morceaux dans leur discographie, « Little Thing Gone Wild » « King Of Bones » ou « Spook » donnent envie de s’enfiler des shots de Jack’s entre deux rails, après avoir baisé dans l’arrière-salle d’un bar poussiéreux pour se remettre d’une longue journée en moto (oui, tout ça ressemble beaucoup à un épisode de Sons of Anarchy).

Cette patte BRMC, on la doit au grain de voix plein de sensualité des deux leaders, à la noirceur de leur musique, à leur sens de mélodie. Sur « Spook », Peter Hayes glisse habillement « It’s another song, then it’s gone » sur une rythmique des plus binaires, l’air de dire qu’ils sont conscients de ne pas surprendre leur monde. Pourtant « King of Bones » avec sa rythmique chaloupée et ses sonorités électroniques s’éloignent un peu du blues garage des débuts. Peut-être un peu plus qu’auparavant, le groupe assume aussi le côté plus psyché du groupe, avec les morceaux « Ninth Configuration » (même si le formidable riff très heavy tranche avec le reste du morceau) « Question of Faith » et cette ligne de basse entêtante et la voix pleine de réverb ou « Calling Them All Away », où l’orchestration très riche comprenant des sitars rappelle que Peter Hayes a commencé avec The Brian Jonestown Massacre. En revanche, les aspects plus bluesy intégrant slide guitar, harmonica et tambourin ont quasiment disparu.

Cet album de (presque) quarantenaire a accouché dans la douleur, Nick Launay à la production jouant le rôle de chirurgien obstétrique ; c’est bien connu, avec l’âge la gestation est de plus en plus compliquée. L’âge, cet ennemi intime du rock. Le groupe affiche plus que de très bons restes mais il semble évident que la période faste est derrière eux. On n’atteint pas la qualité de leur premier album éponyme ou de Howl. Peut-être ne l’atteindront-ils jamais. Néanmoins, ce n’est pas nécessairement eux qui subissent le plus le poids de l’âge, mais leur public. En novembre dernier, dans cet Elysée Montmartre devenu une espèce de salle des fêtes classieuse mais absolument impersonnelle, le groupe a mouillé la chemise pendant 2h pour réveiller au-delà des quatre premiers rangs. En vain. Là on aurait aimé voir les bières voler pour graisser un parquet usagé et les corps suant se comprimer, il y avait des spectateurs qui ne voulaient pas abîmer leurs bottines après être sortis de leur journée de boulot.

En 2001, BRMC braillait « Whatever Happened to my Rock’n’Roll ?». Et bien, il est vrai que 17 ans plus tard, on est encore en droit de se poser la question à l’heure où l’esprit rock ne baigne plus dans la même ferveur. Mais ce n’est pas nouveau. Johnny, pour revenir à lui, sur ordre de son entourage, appuya sur l’imagerie rock en même temps qu’il prenait son virage variétoche, lui assurant une audience beaucoup plus large. Au moment de sa disparition, Black Rebel Motorcycle Club n’aura pas de défilé de Harleys rutilantes sur les Champs ou sur Golden Gate Bridge, et c’est tant mieux ainsi. Car faire des concessions pour s’assurer le succès ne fait pas partie des habitudes du groupe. Finalement, la réponse peut être apportée par Neil Young. Dans « My My, Hey Hey (Out Of The Blue) », il affirmait « Rock’n’roll can never die » mais également « It’s better to burn out than it is to rust ». BRMC mourra sûrement mais fièrement, avec ses idées. Avant d’autres, plus tard.

L’album en intégralité

Crédit photo en une : Ken Schles

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