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Avec Blur, l’âge bête ne passe pas

Comment réussir un album quand vous étiez un groupe culte chez les teenagers il y a 20 ans, qu’aujourd’hui vous approchez de la cinquantaine et que, depuis le dernier disque sorti il y a une dizaine d’années, tous les membres de votre groupe ont pris des chemins différents ? C’est cette équation en apparence impossible que Blur tente de résoudre avec The Magic Whip.

Il y a 20 ans, Blur est au sommet : un groupe incontournable en Europe et en particulier chez lui, au Royaume-Uni. Parklife est sorti l’année précédente et le nouveau est en route, The Great Escape, qui sera l’occasion pour les médias d’en faire des caisses sur la pseudo-guerre au sein de la scène britpop. La célébrité du groupe est favorisée par l’image de son chanteur Damon Albarn, un beau gosse cabotin suffisamment populaire pour être à la fois cool et insolent. En somme, c’est un peu cette idole du lycée dont tout le monde veut être le pote. Mais contrairement à l’idole du lycée qu’on a tous connu, lui a un groupe qui fait plus que tenir la route. Sa pop est enjouée, faussement naïve et simpliste et contrebalance un chant détaché voire je-m’en-foutiste.

La fin du siècle se fait de plus en plus proche et Blur conserve sa position privilégiée dans le paysage musical européen. Pourtant, plus les années passent, plus la britpop s’éloigne, plus Bowie, le rock alternatif et lo-fi d’outre-Atlantique se rapprochent. Les chansons deviennent moins insouciantes et plus graves, la voix de Damon Albarn gagne en profondeur ce qu’elle n’aura jamais en puissance.

Blur – Go Out

Si le groupe sera toujours intiment lié aux années 90, les années 2000 auront raison d’eux. Damon commence à changer de statut, il n’est plus celui qui se contente de chanter et de sauter dans tous les sens sur scène, le succès du premier album de Gorillaz lui donnant la confiance pour porter sur ses épaules la direction musicale d’un album du groupe. Une direction musicale que ne partage pas Graham Coxon qui s’en va du groupe dès le début de l’enregistrement de Think Tank (le succès de l’album pouvant lui donner tort).

Le contexte de Think Tank est symptomatique des différents chemins poursuivis par les membres du groupe au cours des années 2000 : Graham Coxon trace sa route en solitaire (il a sorti plusieurs albums solo souvent très bien reçu) ; Dave Rowntree et Alex James se mettent en retrait (le premier s’est essayé à la politique et est devenu avocat criminaliste tandis que le second s’est lancé dans la production de fromages) ; Damon Albarn prend de plus en plus ampleur et affirme son éclectisme musical, ce qui se traduira par une boulimie de projets et de collaborations, le plus souvent avec une insolente réussite.

Blur – There Are Too Many Of Us

Ainsi, leur réunion pour une série de concerts en 2009 pouvait ressembler à un « one shot ». Pourtant après une gigantesque tournée entre 2013 et 2014, Blur sort aujourd’hui The Magic Whip. Dans ce contexte, beaucoup de groupes auraient été tenté de faire un album « back to the roots » casse-gueule. Le retour de Stephen Street à la production (le producteur de tous leurs albums jusqu’à 13) pouvait le laisser penser et l’écoute de la première piste, « Lonesome Street », très bonne au demeurant, confirme cette crainte.

L’album porte indéniablement plus la patte des dernières sorties musicales de Damon Albarn que des productions solo de Graham Coxon : « New World Towers », « Ice Cream Man » « Though I Was A Spaceman » ou « My Terracotta Heart » font ressurgir la nonchalante mélancolie de Everyday Robots (l’album solo de Damon sorti l’année dernière) et The Good, The Bad & The Queen (l’album concept de Damon sorti en 2007). « Go Out » sonne comme du Gorillaz et d’autres morceaux, « There Are Many Too Of Us » ou « Mirrorball » aurait pu se retrouver sur Think Tank. On y trouve des touches world, électroniques, des méolodies pop (le très Beatles « Ong Ong ») ou folk (« Mirroball »), le tout saupoudré de petites sonorités asiatiques, l’album ayant été enregistré à Hong Kong.

Blur – My Terracotta Heart

Mais finalement, ce qui importe le plus, c’est que c’est quatre-là réunis arrivent à sortir aujourd’hui un album de qualité, sans chercher à sonner comme par le passé et à prétendre être ceux qu’ils ne sont plus. L’idole du lycée (comme ses trois camarades) a grandi, gagné en maturité, a eu des enfants, connu des épreuves. On peut dire de lui qu’il a changé tout en restant le même. Il demeure ce même petit con taquin qu’au temps de « Girls & Boys »(comme quand il prend un malin plaisir à arroser le public à chaque concert) mais c’est avant tout un passionné de musique et un grand curieux du monde qui l’entoure, capable de tirer ceux qui l’entourent par le haut.

Au fond, aucun des quatre n’avait le besoin impérieux de se réunir, mis à part pour prendre du plaisir ensemble, en studio et surtout sur scène, là où l’esprit originel de Blur perdure, en témoigne leur dernière tournée et leur live à Hyde Park en 2009. Se retrouver pour seulement pour prendre du plaisir ensemble, elle est sans doute là la clé pour réussir un come-back.

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