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Alaclair Ensemble, m’en allant promener

Le cul trempé au milieu de la neige, Alaclair Ensemble porte le « rap queb » à bout de bras et défendent haut et fort les couleurs du Bas-Canada. Rappeurs des grandes forêt de pins, ces 6 chums ont sorti en 2016 un troisième album « Les frères cueilleurs ». On leur tape l’affiche parce qu’ils l’ont bien mérité.

Le Bas-Canada (l’ancien nom du Québec) regorge de musiciens de talent. Entre sa scène Piu-Piu (sorte de mélange du hip-hop West Coast, de techno de Détroit et de house de Chicago) et les rappeurs locaux, la région boisée ne cesse de nous surprendre.

La famille Alaclair Ensemble a tracé sa propre voie au milieu de tout ça, et l’a appelée celle du post-rigodon. Peur de rien. Le rigodon, héritage musicale folklorique québécois, jongle avec la répétition des mots sur des airs tradi comme la jig. Ogden, Kenlo, Eman, Maybe Watson, Claude Bégin et Vlooper, se sont emparés de leur culture pour la frotter avec le hip-hop ricain dans toute ses déclinaisons. Les 13 titres des frères cueilleurs défraîchissent l’oreille, accent local oblige. Entre français, anglais et québécois, les sons trap, old-school et groovy se succèdent. Le crew Alaclair vise au milieu du front et vient planter son drapeau blanc et violet sur la planète hiphiphip.

Alaclair, c’est notamment la dinguerie d’un clip. Eh oui, à un moment où un autre on est toujours ramenés à un fait d’armes, un hit, un trick. « Ça que c’tait », un titre qui n’en finit pas de nous faire bouncer illustré par un film cinglé, dément, foudroyant. On le savait avec Les Anticipateurs ou Dead Obies, le québecois se prête à fond au rap. Langue bondissante et percussive, sa phonétique et sa rythmique nous entraînent instantanément. Old se met à rimer avec blonde et wavé avec capoté. La team de Montréal joue avec les mots et trouve le sérieux ailleurs. L’influence du Piu Piu ajouté à l’autotune disséminé ici et là par Eman donne un ton très actuel aux prods de Vlooper : « Sauce-pois, Sous-sol po’ fini, la chicane« .

Sans s’empêcher de faire des sons plus classiques, le beatmaker ne se repose jamais sur ses acquis. On retrouve parfois plusieurs beats par morceau avec des changements d’atmosphère progressifs ou précipités : « C’tait ça que c’tait« . On saute du rap rugueux au couplet soul chanté qui te susurre nonchalamment et avec ironie : « Cesse ton rap de gonzesse ».

Alaclair cumule chez nous aussi le titre de maître de la douceur, de fans de basket et de jongleur d’autotune (surtout les MC Maybe Watson, Kenlo). Ces shooters à la précision hors-pair participent tous à leur façon à l’univers Alaclair. Rarement tous présents sur un même titre, leurs apparitions successives permettent de ne jamais tomber dans la monotonie. Dans « Les Infameux », Maybe Watson est incisif, Kenlo se transforme en alter-ego de B-Real (Cypress Hill) et Ogden et Eman bouncent sur chaque syllabe. La belle surprise, Claude Bégin vient apporter l’atout chant en détournant la mélodie de « The Next Episode » (Dr. Dre, Snoop Dogg, Kurupt, Nate Dogg) avec humour « J’fume pas désolé ». La présence d’un vrai chanteur, croisement entre Nate Dogg et Robert Charlebois, illumine un peu plus l’opus.

Alaclair Ensemble navigue dans l’underground comme « un flétan dans les bas-fond » (dans le morceau « Mash ») entre beats, acide, funk, smooth, trap. Rien à foutre. Tout à mettre. Les textes dépassent souvent de loin tout ce qu’un Français peut basiquement imaginer. Oui, chez Alaclair, la créativité sémantique est totale : « tire-tonton, la laveuse, t’crisser une rince, zippé, sauce-pois ». Morceau après morceau l’air se refroidit, notre cerveau subit son vocabulary update bas-canadien. Mais don’t worry les néophytes, toutes les paroles sont disponibles sur leur site.

Leurs premiers passages sur la scène européenne sont de bonne augure. En concert, ils multiplient squats, pompes et autres pyramides, toujours décidés à transpirer pour le public. La feuille d’érable à l’envers, leur message se veut pour tous (enfant compris) et ils ne crachent jamais sur une bonne chanson de variété (de Beau Dommage à Patrick Bruel). Avec le rap belge, une scène à 5.500 kilomètres de là nous prouve que les frenchies n’ont plus le monopole du rap francophone. Ce post-rigodon bas-canadien est probablement l’une des musiques outre-atlantique les plus affolantes qui nous ait été donné d’entendre ces derniers mois. Il s’agirait pas de capoter au dernier moment.

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