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34h et 27min avec un groupe franco-québécois entre Angers et Cholet

Si vous pensez encore que les tournées d’artistes sont des périodes de débauche sexuelle, de chambres luxuriantes et d’artistes starifiés, vous êtes soit un personnage de biopic (vous représentez donc 0,000001% de notre lectorat), soit complètement à côté de la plaque. Le grand écart est ultime pour un jeune groupe qui plus est loin de ses terres. On a envoyé un émissaire pour passer 34h et 27 minutes avec un groupe franco-québécois nommé Reliefs entre Angers et Cholet, tout ce qu’il y a de plus… normal.

17h44 : Gare Montparnasse. Départ du train en direction de Nantes. J’ai raté le précédent. Je fais les yeux doux au contrôleur pour ne pas avoir d’amende. Je paye 20€. Le voyage commence bien. Le train est presque complet. Il y a tant de personnes qui vont à Nantes et Angers un mardi soir ? Louche!

19h54 : Gare d’Angers Saint Laud. TER. 45 minutes avant arrivée. J’apprends que Cholet est la capitale du mouchoir.

20h22 : « Cholet, terminus de ce trai.n » Je demande à l’autochtone où se trouve le Bar’Ouf. « Meme pas 500 m d’ici. C’est tout droit en descendant. Tu peux pas le louper. C’est le seul bar du coin »

20h45 : J’arrive au Bar’ouf. Bière.

21h02 : Je connais déjà un peu le bassiste. Maxime. Les deux autres membres me sont inconnus. On apprend à se connaitre. « Moi, c’est Dave – Alex ». Ils sont Québécois. Ça s’entend. Logique pour un groupe franco-québécois. J’essaye plusieurs styles d’humour. Pas de malaise. Tout va bien se passer.

21h20 : Visite des appartements. Ce soir, nous dormons au dessus du bar. Visiblement pas encore fini, le lieu n’est pas pour autant chaleureux. Notre chambre : 4 lits superposés, des draps qui sèchent et un trognon de pomme asséché sur une table. Chose importante, on découvrira plus tard que le bassiste est amateur de pommes.

21h50 : Discussion entre deux lits superposés.
Moi : « C’est quoi votre délire
Eux : C’est difficile de donner un style particulier, mais on fait un mélange de post rock, indie rock et rock progressif. On pourrait parler de certains groupes comme Mogwai, Godspeed You Black Emperor! ou Explosions in the Sky, même si on considère qu’on ne fait pas comme eux pour autant. Tu connais ?
Moi : Non…»

(voir note de bas de page)

 

[Blanc]

22h34 : Début du concert. Je compte le nombre de personnes dans le public. 4. La musique monte. Pour le coup, c’est progressif. Ça t’emmène loin. Tout de suite. « Bonjour, nous sommes Reliefs, on vient de Montréal… Et un peu de Bordeaux. » Première « toune » qui s’appelle « Réveil ». Ça tombe bien, je commence à piquer du nez. Bière.

22h48 : Comète commence. Coupure de courant. Plus de son. Plus de lumière.

22h52 : Retour des lumières. Retour du son. « Le prochain morceau s’appelle ‘Il neige à Montréal‘. En l’occurrence, il ne fait pas chaud à Cholet. On est là pour ça. » Une douce musique commence à sortir de la guitare. La basse se mêle au voyage. On sent parfaitement le coté progressif. On s’imagine complètement dans les rues de Montréal à courir au début de l’automne. Ça monte. Je compte le nombre de personnes dans le public. 14.

‏‎22h56 : Coupure de courant n°2. Dave, le « drumner », s’essaie à l’humour à moitié dans le le noir. Le public rit. Alex gratte quelques notes douce à la guitare. Max, s’impatience avec le sourire. Le périple va être long.

‏‎23h02 : Coupure de courant n°3. Le groupe sort de scène. L’espoir renaît dans la mégapole ne fait pas sont effet.

23h15 : Pause. Bière. Clope. « On reprends dans 2 minutes, le problème est réglé. »

‏‎23h41 : Super jeu de lumière. Sauf que ce n’est pas prévu. Jour/Nuit – Jour/Nuit à la mode des visiteurs. Le public s’approche, téléphone à la main pour mettre de la lumière. Ça continue de jouer malgré tout. Avec le sourire. On arrive à le distinguer entre deux effets. Il y a quelque chose qui s’est créé entre le groupe et le public. Une connexion. Je regarde tout ce petit monde aller vers la même direction, partir en voyage et bouger la tête de bas en haut. Magie.

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‏‎23h53 : Fin du concert. Applaudissement. Tout le monde est soulagé. Les trois sont heureux. Le public aussi. Max se mets sur le coté pour vendre des CD et vinyles. Leur nouvel (et premier) album se nomme Nos yeux. Difficile les voir parfaitement ce soir là. Malgré ça, le petit public, ça vend bien. Les échanges vont bon train. En gros, tout le monde a passé un bon moment. Compliments. Bières.

00h53 : Raclette.

02h05 : « Désolé, je crois que ce soir, je vais ronfler – Pas de problème, j’ai mes bouchons. » Tout le monde s’endort en 3 minutes.

02h38 : Je prends ma caméra. Je transfère toutes les photos sur mon ordinateur. Mauvaise manipulation, j’efface tout. Plus de photos de la première soirée. Joie. Je vais dormir.

11h16 : Tout le monde émerge. « Vous avez bien dormi ? – Vous avez entendu le perceuse ce matin vers 9h ? »

12h05 : Le Patron du Bar’ouf s’excuse auprès du groupe. « Pas de problème, ça arrive » « C’est bizarre pourtant, l’électricien est passé hier… » [Blanc]

12h21 : On vide la scène. Pret pour le départ. Voiture pleine. 3 places. Nous sommes 4. « L’année prochaine, on aura surement un van. Comme les vrais. En plus, y’a un mec qui nous a même proposé d’être le chauffeur… »

12h45 : Train. 45 minutes. Angers.

13h45 : « Allo, vous êtes où ? »

13h56 : Max : « J’ai envie d’une bavette, avec de belles frites. »

14h06 : Bavette-frites. Maxime est donc le leader du groupe. Il a de l’influence.

15h36 : Visite de la ville digestive. Dans une impasse. On s’arrête pour discuter. « Vous êtes quoi exactement en fait ? Rock’n’roll ? – On est un groupe comique. Vu qu’il y a des temps morts entre les chansons, il faut meubler un peu pour conserver l’attention du public. Donc je fais des blagues. Un peu. Parfois ça marche, parfois pas. »

15h42 : « Pour choisir notre nom, on a mis 143 noms sur un fichier Excel. Et on a éliminé au fur et à mesure. »

15h45 : « On fait du compostrock, C’est nouveau, on est les pionniers dans ça je crois. C’est con, c’est rigolo mais ça marche. On a pas mal d’influences : post rock, indie rock, rock. On mixe le tout et voilà, on a notre style. Mais pour être plus vendeur/hipster, on fait du post-indie-rock, c’est plus vendeur mais ça veut rien dire. »

15h56 : Un marteau et une perceuse commence à jouer dans nos oreilles. Nous partons.

16h02 : « On aimerait faire de la BO. Un peu comme ce qu’à fait Mogwai, avec Atomic. Sauf que nous, on aimerait faire ça pour Xavier Dolan. Il a souvent de supers BO. Si tu peux passer le message… »

16h14 : Maxime : « C’est drôle, tu nous as pas encore posé une question sur nos titres de chansons… C’est une question récurrente de nos intervieweurs. »

‏‎16h35 : Voiture. Déchargement. « Comment vous trouvez vos titres de chansons ? » Dave : « On ne se brosse pas les dents pendant 3/4 mois, sans s’hydrater, une fois que ça casse, on s’en va chez le dentiste, là il nous donne plein de médicaments supers forts. Les titres de chansons apparaissent comme ça, comme des flocons de neiges. Dans le pays de notre imagination. »

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16h59 : Installation au Joker’s Pub. Centre ville. Avec une belle salle dans le fond. Belle installation. 9 sortes de bières.

18h01 : Balance. Jocelyn, le programmateur : « N’oubliez pas le code pour votre hôtel ce soir. Tout est automatisé. Il n’y aura personne. »

‏‎18h33 : Bière d’accueil (offerte). Cacahuètes. Ça parle de tounes, longueur du show et intervention. Dave imagine quelques blagues.

18h39 : « On f’rait ‘blurp’ (mouvement de bras pour mimer une action sur une batterie) avant ton rive-up. » Rien compris. Je souris. Tout le monde réagit. Je fais comme si je comprenais. Je prend une gorgée de bière pour me donner de la contenance.

‏‎21h27 : Début du concert. « Vous m’entendez ? Bonsoir, On s’appelle Reliefs, on est de Montréal et Bordeaux. Entre autres. Un groupe franco-québécois. Vous venez d’entendre ‘Réveil’. Le prochain titre s’appelle ‘L’appât’ ».

21h27 : A coté de moi : « Tu crois c’est une chanson sur le Brésil ?« . J’essaie de ne pas rire. Lapa est un quartier de Rio de Janeiro.

22h20 : Fin du concert. La salle est pleine. Le public en redemande. Les têtes bougent. Les applaudissements ne cessent.

22h44 : Dave signe des vinyles sur le dos d’une fan. Les disques partent comme des petits pains. Le bonheur se lit sur la tête du groupe. Tout le monde est heureux. La journée a été parfaite. Tout va bien.

02h08 : Hotel P******e Classe. Zone industrielle d’Angers Ouest. Devant la borne automatique à l’extérieur de l’hôtel : « Allo, Jocelyn, désolé de te réveiller. On essaie de prendre les cartes pour nos chambres mais ça nous demande de payer… C’est normal? ». Dave : « Il fait pas un peu froid, non ?

02h16 : La patron du Joker’s Pub arrive, furieux. Il paye. Engueule la personne à l’accueil violemment. « Elle est là la patronne demain ? » Il part. Nous souhaite une bonne nuit.

‏‎02h29 : Dave : « Qu’est ce qu’on attend là ? » La personne de l’accueil : « J’ai dû éteindre l’ordinateur parce que ça bugait. J’ai pas pu enregistré votre paiement. Je suis entrain de rallumer la machine. Ça prend un peu de temps, désolé. » Dave : « C’est quelle version de Windows que vous avez ? »

‏‎02h43 : « Je n’arrive pas me mettre sur l’ordi. Désolé. Vous vous rappelez vos numéros de chambre ? – 72 et 73 ? Non ? – Bon je vais prendre des cartes au hasard et on verra si ça marche. »

02h55 : Nous suivons la personne de l’accueil. Un premier escalier à l’extérieur. Un deuxième. Une première porte. « Oups, désolé ». Une chambre occupée. La porte se claque violemment, la lumière s’éteint rapidement. Gêne ultime. Pas pour nous.

03h10 : Nous attendons sur le palier. Impossible de ne pas rire. Nous gloussons comme des adolescents. La personne remonte. Regarde par la fenêtre d’une chambre, l’ouvre. « C’est bon, il n’y a personne ».

03h30 : « Bonne nuit Dave. Et merci » Demain, mon train pour Paris est 8h11.

34 heures et 26 minutes avec Reliefs entre Cholet et Angers from Wael Sghaier on Vimeo.

Note de bas de page :

 

* Malgré tout l’amour qu’elle lui porte, la rédaction n’assume pas l’ignorance de son émissaire.
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